Hydrolats de plantes locales : leur efficacité prouvée mais pas encore légalisée

Si leur efficacité est déjà prouvée, il manque encore un cadre légal afin que les hydrolats de plantes soient reconnus comme des médicaments.
Et si les ra’au tahiti devenaient des médicaments comme les autres, ou au moins des compléments alimentaires reconnus ? C’est en tout cas le parti pris par deux pharmaciens, un chimiste et un botaniste qui publient un livre sur les hydrolats de plantes polynésiennes.

Soulager par les plantes…Dans ce laboratoire de Paea, pas de découverte ni d’avancée majeure : les savoirs ancestraux se répètent. Les plantes largement utilisées en ra’au tahiti, sont distillées pour un usage simplifié en hydrolathérapie. "On a besoin de quantités très importantes de plantes, et on a besoin bien sûr en amont des agriculteurs. On a besoin justement de filières qui se montent pour répondre à la demande de plantes, qui est de plus en plus importante", déclare Philippe Maunier, pharmacien-gérant.

Philippe Maunier, pharmacien, en pleine cueillette.

Depuis presque 30 ans, Taivini Teai travaille sur les plantes aromatiques et leur centaine de molécules. Pour lui, la science apporte une standardisation au savoir traditionnel. "Pour les personnes en traitement de cancer qui sont sous morphine, et pour leur apporter un substitut à la morphine elles prennent de l'hydrolat tahinu [faux tabac] pour apaiser leur douleur. En effet, je trouve que c'est très spectaculaire...Il y a une posologie, elle se traduit en doigt et en main. Mais par rapport au patient, lorsqu'on disait il faut un doigt de racine de metua pua [fougère], ce n'était ni ton doigt ni le mien, c'était celui du malade. Donc ils avaient déjà établi des règles d'utilisation, également même de récolte, les plantes n'étaient pas récoltées à n'importe quel endroit. Ils prenaient en compte l'effet terroir : la composition chimique d'une plante est différente si elle est plantée en bord de mer sur sol corallien ou si elle est en montagne avec un sol plus basaltique ou limoneux. Toutes ces spécificités-là, les anciens les connaissaient, c'est ce qui a conduit justement à établir des recettes d'utilisation de nos plantes avec, comme toute recette, une posologie", explique Taivini TEAI, maître de conférence habilité à diriger des recherches à l’Université de Polynésie.

Taivini TEAI, maître de conférence à l'UPF, et chercheur. Pour lui, les vertus des plantes locales sont évidentes.

Avec un botaniste et une pharmacienne, Taivini Teai et Philippe Maunier publient un recueil sur les hydrolats de plantes polynésiennes, "Les hydrolats chémotypés et biologiques du Pacifique ou ethno-hydrolats polynésiens". En plus de leurs analyses réalisées par un laboratoire métropolitain, ils se sont inspirés du livre du botaniste Paul Pétard, publié pour la première fois en 1986. 
Mais sans cadre légal, ces végétaux ne sont reconnus ni comme médicament, ni même comme complément alimentaire. "Il y a tout un débat sur le cannabis thérapeutique ou médical, mais avant on aimerait bien que nos plantes classiques, de ra'au tahiti utilisées depuis fort longtemps soient légalisées à ce niveau", suggère Philippe Maunier.

Depuis fort longtemps, les anciens connaissaient les vertus des plantes locales. Ici, le laboratoire du Comptoir des plantes polynésiennes.

Leur objectif aujourd’hui est de pouvoir inscrire 10 plantes polynésiennes dans la pharmacopée française, comme le uru (l’arbre à pain) pour ses feuilles qui préviennent le diabète de type 2 ou le cancer de la peau, le tahinu (faux tabac) pour son pouvoir antalgique et son efficacité contre la ciguatera ou encore la racine de kava pour ses vertus anxiolytiques…

Et avant d’obtenir un cadre thérapeutique qui peut prendre entre 8 à 10 ans, ils visent au moins un cadre légal pour un usage cosmétique.