Rendez-vous est donné sur le practice d’un parcours de golf, là où tout a commencé et là où tout s’est arrêté. Kyle Quilausing joue au golf depuis ses 3 ans. A 16 ans, il a déjà tout du petit prodige et brille sur le green hawaïen, d’où il est originaire. Classé 4e mondial de sa catégorie, il côtoie les meilleurs, joue contre le jeune Tiger Woods, encore inconnu et qui le surnomme « pineapple » « parce que je venais de Hawaii », explique Kyle Quilausing, amusé…Mais le jeune prodige explose en pleine ascension, « il est arrivé ce qui est arrivé. Je devais intégrer le circuit pro mondial, c’était mon plan. Mais Dieu avait d’autres plans pour moi. »
D’espoir du golf à personnalité la plus recherchée de Hawaii
Aujourd’hui, il raconte que c’est un mauvais choix qui a changé sa vie à jamais : celui de la ice. « La première fois que j’ai fumé de l’ice, j’avais 24 ans, j’étais déjà un adulte. De 24 ans à 29 ans, c’était la destruction. J’étais cassé, j’avais la peau sur les os. Et je n’avais plus aucune conscience car tout ce qui comptait était d’assouvir mon addiction. L’ice s’était accrochée à moi et j’avais terrorisé tout le monde autour de moi. Je me sens mal de ce que j’ai fait. »
5 ans d’addiction et Kyle Quilausing passe d’espoir du golf à personnalité la plus recherchée de Hawaï. Il a 29 ans lorsqu’il est arrêté, incarcéré 10 ans en quartier haute sécurité après une des plus grosse évasion de Hawaii et une cavale de 12 jours, poussé par son addiction. « Partir en cavale sur une île, c’était ridicule, s’amuse-t-il aujourd’hui. Je tournais en rond. »
Le chemin de la rédemption à travers 90% des écoles de Hawaii
Kyle Quilausing a 39 ans lorsqu’il est libéré et veut commencer une nouvelle vie. « Je me battais beaucoup en prison. Quand j’ai été libéré, je n’avais plus de dent et mon corps était couvert de tatouages. Et quand je suis revenu sur un cours de golf, les gens m’ont dévisagé, genre ‘ que fait ce gars ici ?’. Mais ils m’ont donné un sac comme ça et ils me regardaient et je tapais, je tapais et…on ne peut juger personne sur l’apparence. »
A 48 ans, Kyle Quilausing est aujourd’hui en lune de miel dans un grand hôtel de Moorea. Il accepte de nous accorder un moment pour revenir sur son parcours. Car depuis sa libération, il a entamé un long chemin de reconstruction. Très croyant, il sillonne les écoles de Hawaii depuis 9 ans, bénévolement. Plus de 200 écoles à ce jour, où il raconte son parcours et prévient des dangers de l’ice. « Je leur dis : à la maison, vous êtes protégés. Mais quand vous sortez de la maison, à la plage ou en montagne, vous pouvez rencontrer l’ice. Donc, vous devez connaître les conséquences qui me sont arrivées. »
Des shows à l’américaine, où l’on parle fort et on extériorise ses sentiments. Il commence toujours ses interventions en brandissant sa photo d’identité judiciaire, au moment de son arrestation, aujourd’hui tirée sur papier glacé, en format poster. Kyle Quilausing y apparaît très amaigri, des cernes grises et des blessures sur le visage. Il est méconnaissable : « Je pesais 44 kg, scande-t-il aux élèves, micro à la main. Ce gars avait remporté 60 titres ! Ce gars était classé 4e mondial ! Ce gars a joué au golf avec Tigger Woods, brah ! Le millionnaire ! C’est pour ça que je déteste la drogue, brah ! »
« Tu es en train de tuer ton peuple »
« Tout a commencé avec mon sevrage. Le sevrage m’a mené à la liberté. Ma liberté m’a donné une famille et m’a permis d’aider les gens. La sobriété m’a donné une conscience. Donc, quand je vais dans les écoles, ma mission est de donner une conscience aux enfants. »
En prison, Kyle Quilausing a toujours gardé une place pour le golf : « je faisais du sport matin, midi et soir. Mais à la fin de chaque séance, je faisais toujours 12 répétitions de swing, en regardant le mur comme si c’était l’horizon, pour que mon corps n’oublie pas. » Il raconte surtout qu’il a rencontré Dieu, dans sa cellule d’isolement de 7m². « 3 ans sans parler à personne, ni voir le soleil. On me nourrissait par une trappe à travers la porte. Mes cheveux ont commencé à pousser sur mon visage. Ma peau se desquamait par manque de soleil. Je suis tombé en dépression profonde […] Un jour, je suis tombé à genoux. Et j’ai dit ‘Dieu, mon nom est Kyle. Et si tu es vraiment là, frère, aide-moi. Car j’ai besoin d’aide. Viens comme tu peux.’ Et quand j’ai prononcé ‘Amen’, j’ai senti une immense chaleur envahir mon corps. C’est comme ça que j’ai été sauvé, dans ma cellule de 7m². J’ai su que Dieu était là, que sa main était juste à côté et qu’il disait ‘hey man, j’ai senti ton insanité.’ Il me regardait. »
Cette rédemption, Kyle Quilausing en a fait une ligne de vêtements : « stay humble pray », en français : « Reste humble, prie. » Il profite de chaque instant de liberté et de sobriété, apprécie les gouttes de pluie qui tombent sur ses bras ce jour-là. « J’ai demandé à Dieu de m’utiliser partout où il avait besoin de moi. Je rends à ma communauté, à mon Etat, à mon peuple. »
De passage en Polynésie française, rongée par la ice, il souhaite délivrer un message d’espoir. « Aux personnes qui fument ça, je leur dirais que s’ils veulent se sevrer, le sevrage est possible. Personne n’aurait pensé que je pourrais me sevrer un jour. Même pas moi. Et aux personnes qui vendent ça…stop, brah. Car tu es en train de tuer ton peuple. Et pour les gens comme moi, qui s’investissent pour aider, c’est comme un affrontement. Mais je n’abandonnerais pas. Aussi longtemps que Dieu me laissera sur cette Terre, sobre, je ferais ce que j’ai à faire. Et on peut triompher, peu importe comment. »
Aujourd’hui, Kyle Quilausing a fondé sa famille. Il prépare la sortie d’un livre « Pineapple prison » dans lequel il raconte son parcours. Et continue inlassablement sa rédemption dans les écoles de Hawaii.