Jean-Paul Taipunu a 37 ans aujourd'hui. En janvier prochain, cela fera cinq ans qu'il vit en fauteuil roulant. "Je n'ai pas tourné la page, c'est dur. J'étais sportif. À Tahiti, j'ai représenté la boxe... C'est dur d'être comme ça" témoigne-t-il.
Cet ancien militaire cumulait les petits boulots pour compléter son salaire et subvenir aux besoins de sa famille. Malgré le peu de temps qu'il lui reste, il découvre le rugby et y prend rapidement goût. Le Tahitien-calédonien signe une licence au Rugby Club du Pays de Roquefort. Le 12 janvier 2020, alors qu'il dispute un match avec la réserve contre Sainte-Livrade, Jean-Paul ne se relèvera pas. Il se souvient de ce plaquage d’une violence inouïe.
C'était volontaire. (...) Dans le jeu, c'était moi le mec à toucher parce que je cassais tout. À chaque fois qu'ils venaient, ils étaient deux-trois à me plaquer sinon je suis un ravage. Il m'a mis un coup de poing, l'arbitre aussi ne faisait rien. Celui qui m'a mis un coup de poing était à dix mètres de moi et je voulais le plaquer. Quand j'ai couru, j'ai commencé à plaquer, j'ai bien vu son genou. Je ne pouvais pas esquiver parce que j'étais dans la lancée. Le genou a tapé [sur ma tête], j'ai les cervicales 5 et 6 cassées et la moelle épinière compressée. (...) J'avais comme un choc électrique dans le corps. Je savais que je n'allais plus marcher.
Jean-Paul TaipunuPolynésie La 1ère
Ses lésions au niveau de la moelle épinière engendrent une paralysie de ses quatre membres. À 32 ans, au summum de sa forme, le Polynésien devient tétraplégique. Grâce au matériel moderne en France, le trentenaire peut reprendre peu à peu le contrôle de sa vie mais il ressent encore beaucoup de colère.
Conflits financiers
Le seul endroit où il se sent en paix, c’est en famille aux côtés de ses enfants et de sa femme.
Sandra se bat depuis cinq ans devant la justice pour son mari. Peu après l'accident, l'ancien rugbyman reçoit 10 000 euros (soit environ 1,2 million de francs) de la Fondation Ferrasse, placée sous l’égide de la Fédération française de rugby, qui vient en aide aux grands blessés du rugby.
En parallèle, une cagnotte litchi est mise en place, les clubs de France forment une chaîne solidaire et envoient des chèques à l’adresse du club de Roquefort. Mais les conflits financiers débutent : le club de Jean-Paul refuse de lui verser directement cet argent et exige des justificatifs de dépenses.
On a gagné une première étape au tribunal. Et là, la deuxième étape, il y a pas mal de choses : le joueur n'a pas encore été condamné. Le club non plus. Ils veulent étouffer l'affaire tout simplement et je ne leur laisserai pas l'occasion. J'ai toutes les preuves. Il y a eu du racisme, parce que je fais partie des gens du voyage, et mon mari est tahitien.
Sandra Taipunu, femme de Jean-PaulPolynésie La 1ère
Sandra est enceinte quand l'accident se produit, sous ses yeux. Elle regrette le manque de soutien de la part des camarades de Jean-Paul et de son club. L'affaire suit aujourd'hui son cours.
Pour les fêtes, la famille est venue trouver du réconfort à Tahiti, malgré le manque de structures pour les personnes en fauteuil roulant. "Cela fait seize que je ne suis pas rentré, ça fait du bien de revenir. Je suis allé voir mes grands-parents" livre Jean-Paul. L'occasion aussi pour ses enfants de découvrir leur fenua. Avec une valise entière de médicaments, Jean-Paul devrait pouvoir tenir jusqu'au 27 janvier, date de leur retour à Bordeaux.