Jean-Marc Mocellin : "Notre stratégie aujourd'hui, c'est de diversifier notre offre vers un hébergement à 2 ou 3 étoiles"

JM.Mocellin souhaite diversifier l'offre "trés tirée par le grand luxe" et proposer à un clientèle familiale des pensions 2-3 étoiles
Le directeur de Tahiti tourisme a le sourire. 263 000 touristes ont foulé en 2024 le sol polynésien. Les recettes touristiques sont de 99 Milliards de FCP en 2023. Des chiffres qui donnent le tournis, mais qui ne rendent pas réellement compte des enjeux : il n'y a pas assez de structures pour accueillir les visiteurs

P.1ère - Cette belle année 2024 s'est achevée avec plus de 263 000 touristes. À quoi devez-vous ces bons résultats ?

Jean Marc Mocellin, directeur de Tahiti Tourisme: "En 2023 on aurait pu attribuer ces bons chiffres au "revenge travel", c’est-à-dire ces voyageurs qui étaient frustrés dans les années où le COVID les avait empêchés de voyager. Certaines réservations avaient été reportées. Le contexte politique n'a pas non plus été de notre côté: avec les élections américaines ce sont de 10% à15% de voyageurs en moins en partance du pays de l'oncle Sam.

On a quand même un yen qui est assez bas. Et des pays qui ne sont pas difficiles d'approche comme ceux d'Amérique du Sud. Les résultats consolidés montrent que le tourisme polynésien est dans une trajectoire stable et solide.

P.1ère - Les réservations sont pourtant en baisse, notamment dans le secteur de l'hôtellerie de luxe ?

JM. M : "On est dans le monde de l'entreprise privée. Un retrait de l'occupation en hébergement terrestre n'est pas forcément une mauvaise chose. Si un hôtelier remplit moins son hôtel et qu'il a un revenu égal ou supérieur, sa marge l'est d'autant.

La stratégie du Pays est d'accueillir des touristes en hôtellerie de moyenne game. Il faut savoir qu'aujourd'hui, avec les tarifs que nous avons atteints et avec un parc hôtelier dominé par les "5 étoiles", on a certains marchés sur lesquels on a du mal à recevoir nos touristes. Parce que les marchés européens, australiens ou néo-zélandais, ainsi que japonais commencent à avoir du mal à venir. On se coupe de tous ces marchés avec notre offre tout luxe".

P.1ère - Quels sont les marchés les plus émetteurs ?

JM. M: "Le marché américain représente 40% du total, le marché métropolitain arrive, lui, à 30%. Notre challenge est bien là: diversifier nos marchés émetteurs. Sur l'Asie, nous avons relancé la ligne ATN vers Tokyo. Car il faut savoir que le marché asiatique était un peu en sommeil avec seulement 65% des voyages réalisés par rapport à l'avant COVID".

P.1ère - Le Terminal de Croisière est toujours en attente. Vous en attendez quoi ?

JM. M:"Il sera inauguré ce dimanche ! La croisière prend de plus en plus d'importance: c'est 1/3 de nos visites, 20% des retombées économiques. On parle d'un millier d'escales dont 800 sont effectués par des navires résidents en Polynésie. Je dirais à ceux qui ont encore un peu peur de la croisière de masse, que 90% des escales sur le fenua le font avec moins de 600 passagers. Il s'agit de navires à taille humaine, tout à fait adaptés à nos ïles.

L'objectif est de développer les têtes de lignes qui sont basées en Polynésie. Les croisiéristes doivent remplir nos avions pour venir ici. Souvent, ils séjournent dans nos hôtels avant et après la croisière. La stratégie est de répartir les escales dans le plus d'îles possibles. Aujourd'hui, 33 îles et atolls sont déjà touchés, et cela n'est pas anodin pour l'économie d'accueil, l'artisanat,etc..."

P.1ère - Les SDF et les façades mal ravalées du centre-ville de Papeete, cela ne ternit pas un peu notre image ?

JM.M: "Les Sans Domicile Fixe, mais aussi l'urbanisme non renouvelé, les problèmes de circulation automobile dans l'hyper centre-ville de Papeete. Cela ne dépend pas du Ministère du Tourisme, mais ce sont des choses qui choquent nos touristes".

P.1ère - "600 000 touristes prévus d'ici 2033 par Moetai Brotherson. Un chiffre revu à la baisse à 450 000, est-ce que c'est réalisable ?

JM. M: "La fréquentation touristique n'est pas l'élément le plus pertinent. Vous pouvez avoir un touriste qui reste 15 jours dans un hôtel 5 étoiles et un touriste qui vient 4 jours chez l'habitant. Donc l'impact économique est différent, et je préfère parler de recettes touristiques, 99 Milliards de FCP en 2023 et probablement 100 Milliards de FCP en 2024. Cela représente 9% du PIB, c'est 82% de nos exportations. Un touriste dépense en moyenne 350 000 FCP hors billet d'avion, par séjour et par personne. L'objectif du Pays est de doubler ces recettes touristiques pour atteindre les 200 Milliards de FCP d'ici une dizaine d'années".

P. 1ère - Cela signifie qu'on pourra les accueillir, que les structures sont là ?

JM.M: "Clairement pas. Nous avons besoin d'une hôtellerie en moyenne gamme 2-3 étoiles, d'inciter au développement des pensions de famille, qui sont véritablement identitaires, et qui sont extrêmement recherchées, notamment par la clientèle européenne. Il faut également développer certains sites exceptionnels avec du super luxe, et de nouvelles marques de type asiatique pour accueillir une nouvelle clientèle haut de gamme".

P. 1ère - La piste du Tourisme Vert est-elle étudiée par vos services ?

JM.M: "On suit également l'évolution de la demande. Il y a 10 ans Tahiti était la destination phare des honeymoon (festivités autour de la lune de miel). D'ailleurs avant ils étaient majoritaires. Désormais cela ne représente plus que 60% de nos touristes. Aujourd'hui, ceux-ci viennent pour la beauté des paysages. Pour le fait qu'on est une destination boutique, à taille humaine. Les handicaps du passé - notre éloignement, le prix - sont presque des avantages dans l'après-COVID. Les gens viennent dans un bijou polynésien, comme un endroit exceptionnel, à ne pas rater.

Aujourd'hui, 23 îles vivent du tourisme et plus d'une trentaine sont touchées par les touristes".

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