L’hydroponie, la tendance qui prend racine en Polynésie

Des salades cultivées en hydroponie.
L’hydroponie est un système de culture hors sol qui fonctionne en circuit fermé. Une pompe branchée à l'électricité ou l'énergie solaire permet d’irriguer les plantes à l’intérieur d’une structure, de manière continuelle. On économise ainsi de l’eau et de la place…une aubaine pour les agriculteurs, notamment des Tuamotu ou des Marquises où la sécheresse rend la culture difficile.

L'hydroponie est déjà répandue dans le monde et prend racine depuis une petite dizaine d’années en Polynésie. 

Plus besoin de terre pour faire pousser ses plantes

Lorenza Tegaripa et son conjoint se sont intéressés à l’hydroponie il y a deux ans, leurs sols n'étant pas suffisamment fertiles. “Au départ, c’était pour une consommation personnelle parce qu'à la maison on mange beaucoup de légumes, beaucoup de salade surtout. On a fait beaucoup de choses en terre, sauf qu’on a eu du mal car la terre n’était pas assez fertile. On a voulu se concentrer sur la culture hors sol et on est tombés sur l’hydroponie, on a fait nos petites recherches on s’est formés en ligne, des heures et des heures de formations en ligne ! (...) Dès la première culture, ça a été une réussite donc j’ai bien aimé le principe”, raconte l’auto-entrepreneuse. 

Lorenza et son stand au salon de l'habitat 2023.


De fil en aiguille, “
on a voulu lancer” poursuit Lorenza. Un vrai challenge puisque le Pays manque cruellement de formation en la matière, “pas d’accompagnement et surtout on a eu du mal à trouver le matériel. On a beaucoup bricolé au départ. On a fait des petites structures ‘MacGyver’.” Mais aussi parce-que la Polynésie est alors frappée par le covid... 

Les démarches administratives s'éternisent, leurs demandes de subventions sont refusées : l'hydroponie ne semble pas convaincre les banques et le sefi. À force de patience et de persévérance, le couple commercialise ses premières salades en 2021, grâce à des financements sur fonds propres.

Les structures peuvent être fabriquées sur-mesure pour s'adapter aux espaces dans lesquelles elles sont implantées.


Tahiti Hydroponic voit finalement le jour, en 2021. Lorenza parvient à se faire une place sur un marché en plein essor au fenua en proposant différents types de structures sur-mesures -des petits kits jusqu’aux gros systèmes à partir de 30 000 Fcfp- mais surtout “
je fournis le matériel et les accessoires, on livre, on monte, on accompagne…car j’ai eu du mal à avoir tout cela quand j’ai commencé”, détaille-t-elle. 

Aujourd’hui, la cheffe d’entreprise vit de son activité et possède sa propre production de légumes-feuilles (salade, pota etc.), d’herbes aromatiques et même de concombres et tomates cerises. “Depuis que je fais de l’hydroponie, (...) j’ai une certaine autonomie à la maison. Tout peut pousser, il suffit d’avoir le matériel adapté.” 

Lorenza cultive aussi des concombres, des poivrons et de la ciboulette en hydroponie.


De plus en plus d'adeptes

Grâce à l'hydroponie, Lorenza arrive à faire pousser de magnifiques salades. Et avec sa nouvelle entreprise, elle accompagne depuis deux ans ceux qui souhaitent se lancer. Elle a livré des kits dans les Tuamotu et les Marquises, où l’hydroponie offre une véritable solution contre la sécheresse. L’utilisation de l’eau est optimisée : “il faut beaucoup moins d'eau en hydroponie car la solution nutritive circule en circuit fermé dans la structure. Pour les Tuamotu, l’eau est une denrée rare. Vu qu’on économise de l’eau, on peut faire de la récupération d’eau de pluie. (...) On suit aussi un agriculteur à Ua Huka où la sécheresse frappe pendant des mois ! Avec ce système, les habitants peuvent avoir des légumes."

Un gain d’argent, de temps et d’espace donc, puisque le coût des légumes a également beaucoup augmenté et que la culture hors sol demande moins d’entretien.

Culture à Ua Huka, Marquises


Greig Gobrait le confirme. Jeune agriculteur spécialisé dans le gingembre depuis près de 4 ans, il complète ses revenus en vendant de la salade. En juillet 2022, il opte pour l’hydroponie, installe ses premières structures et constate rapidement l’économie en eau et l’entretien facilité “
ça poussait vite, la salade est propre, pas comme quand c’est en terre, alors tu gagnes le temps de nettoyage aussi !” nous confie-t-il. Le jeune homme a déjà rentabilisé son investissement…

À ce jour, il existe environ une dizaine de professionnels du secteur sur le Territoire. Te 'Āua Porinetia, par exemple, produit des salades et des fraises à l’intérieur de conteneurs depuis 2019. D’autres choisissent d’allier l’hydroponie à d’autres techniques comme la permaculture (agriculture durable) et l’aquaculture (productions animales et végétales en milieu aquatique), pour créer des fermes aquaponiques.