Législatives 2024 : après les désistements, l'enjeu des reports de voix

Assemblée Nationale, jeudi 8 juin 2023
À quatre jours du scrutin dans l'Hexagone, la gauche et la majorité sortante s'efforçaient, ce mercredi 3 juillet, de convaincre leurs électeurs d'appliquer le "front républicain" dans les urnes dimanche alors que les nombreux désistements pourraient priver le RN de majorité absolue et conduire à la formation d'une coalition qui est encore loin de faire consensus.

Le parti d'extrême droite sera-t-il moins haut que prévu au soir du 7 juillet ? Un sondage Toluna Harris Interactive, publié mercredi, le premier depuis le dépôt des candidatures, chiffre désormais le nombre de sièges pour le RN entre 190 et 220, loin des 289 requis pour obtenir une majorité absolue. Au soir du premier tour, ce même institut donnait jusqu'à 260 députés aux lepénistes.  

Le Nouveau Front populaire obtiendrait désormais entre 159 et 183 sièges, le camp présidentiel entre 110 et 135. En cause, l'ampleur des désistements - 130 pour la gauche, plus de 80 pour les macronistes - qui a fait chuter le nombre de triangulaires et pourrait donc contribuer à contenir une partie de la vague bleu marine. L'élément-clé du second tour sera donc la proportion d'électeurs qui suivront les consignes de désistement. 

"Cela ne fait pas plaisir évidemment à beaucoup de Français de devoir faire barrage au Rassemblement national en utilisant un autre bulletin qu'ils n'auraient pas voulu",

Gabriel Attal - Premier ministre

Mais, le Premier ministre considère "que c'est notre responsabilité que de le faire", relevant que seul le RN était en situation d'avoir une majorité absolue le 7 juillet. Même son de cloche du côté d'Edouard Philippe. L'ex-Premier ministre votera pour "un candidat communiste" qui "travaille dans l'intérêt du Havre" et "qui me paraît relever d'une exigence démocratique que je partage".

Marine Le Pen a raillé mercredi soir sur TF1 des rapprochements qui aboutissent, selon elle, à la création d'"un parti unique (...) Et qu'est-ce qu'il propose? Le bourbier". Jordan Bardella a dénoncé "des accords électoraux du déshonneur", une "coalition Macron-Mélenchon pour paralyser le pays".

Une coalition encore lointaine 


La leader d'extrême droite a évoqué un seuil de quelque 270 députés, complétée avec des soutiens "divers droite, divers gauche, LR" pour que son poulain accepte Matignon. Si, au contraire, le RN ne pouvait pas gouverner, les macronistes, une partie de la gauche sans LFI et certains LR pourraient essayer de former une "grande coalition", courante dans les pays européens mais étrangère aux traditions françaises.

Ce scénario est encore loin de faire l'unanimité, d'autant plus que l'absence du mouvement de Jean-Luc Mélenchon empêcherait d'avoir une majorité absolue. Emmanuel Macron a martelé en Conseil des ministres qu'il n'était "pas question" de "gouverner" avec LFI.

Une position partagée par... les Insoumis, qui n'entendent gouverner que pour appliquer leur programme. "Je doute que la majorité ait envie (de l')appliquer", a souligné le député Eric Coquerel.  Et, si la patronne des Écologistes Marine Tondelier n'a pas fermé la porte à ce scénario, elle a exclu un nouveau "Premier ministre macroniste".

La députée Sandrine Rousseau juge, pour sa part, qu'une telle coalition reviendrait à "trahir" les électeurs. Les partenaires possibles d'une éventuelle coalition semblent en tout cas se rejoindre pour dire que les discussions au lendemain du scrutin devraient se faire à partir du Parlement et non de l'Elysée."Soit le pouvoir sera entre les mains d'un gouvernement d'extrême droite, soit le pouvoir sera au Parlement", a résumé Gabriel Attal.

Le RN refuse les débats télévisés


Le Premier ministre s'est exprimé, avant Marine Tondelier et Jordan Bardella, mercredi soir sur BFMTV, qui a dû acter "l'impossibilité de monter un débat", le RN demandant en vain que le Nouveau Front populaire soit représenté par Jean-Luc Mélenchon. "Je regrette que cela ne soit pas un débat", a déclaré le chef du gouvernement, estimant que le président du RN craint d'être "mis face aux contradictions de son programme et à des changements de pied permanents".

"En réalité, Bardella a peur de Tondelier, qui habite et milite à Hénin-Beaumont et ne connaît que trop bien les méthodes du RN"

Les Ecologistes

Selon le réseau de radios locales France Bleu, plus d'une vingtaine de candidats RN ont aussi annulé leur participation aux traditionnels débats d'entre-deux-tours en circonscription. Chaque jour apporte ses révélations sur les profils controversés de plusieurs d'entre eux.

Après la candidate à la casquette nazie désinvestie dans le Calvados ou le candidat sous curatelle dans le Jura, la justice a été saisie pour des propos jugés "racistes" du député sortant de l'Yonne, Daniel Grenon, selon qui les Maghrébins "n'ont pas leur place dans les hauts lieux". "Lorsqu'il y a des brebis galeuses - il peut arriver qu'il y en ait d'ailleurs - je n'ai pas la main qui tremble", a assuré en retour Jordan Bardella.

Intérêt international sur les législatives

Dans la matinée, Emmanuel Macron a réuni le Conseil des ministres qui a procédé à "moins d'une dizaine de nominations", selon la porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot. Loin donc du "coup d'État administratif" que préparait le camp présidentiel, selon Marine Le Pen. D'après un participant, le président a aussi exhorté à ne "surtout pas" écouter "les sondages qui disent que le RN ne peut pas avoir la majorité absolue. Il faut rester mobilisés, rien n'est joué".

Les législatives continuent par ailleurs de susciter un grand intérêt à l'international. Le chancelier allemand Olaf Scholz s'est "inquiété" de l'issue du scrutin, quand Moscou a semblé apporter un message de soutien au RN, la diplomatie russe mettant en avant le "succès indéniable de l'opposition" en France au premier tour, une réponse, notamment, au "dictat" de Washington et Bruxelles.