Les abus des arrêts maladies

Le nombre d'arrêt maladie s'est multiplié ces neuf dernières années et les dépenses passent de 2,3 milliards de Fcfp en 2013 à plus de 4 milliards il y a deux ans.
Un millier de médecins de l'Hexagone mis sous surveillance par la sécurité sociale en raison des trop nombreux arrêts maladie qu'ils délivrent à leurs patients. C'est peut être ce que fera un jour notre caisse de prévoyance sociale pour venir à bout des arrêts de complaisance, délivrés sans raison médicale valable. Impossible d'évaluer leur nombre aujourd'hui. Ce qui est sur, c'est ce que certains professionnels renoncent au code de déontologie médicale.

Sur sept médecins généralistes conventionnés de l'archipel de la Société choisis au hasard, deux ont refusé notre demande. Un a précisé qu'il souhaitait en discuter et quatre n'ont exprimé aucune opposition.

Nos journalistes se sont rendus dans le cabinet de l'un d'entre eux, en caméra discrète, en lui indiquant l'avoir contacté plus tôt. "Le principe du téléphone comme on fait pour piéger un politique, je trouve cela malhonnête, regrette le médecin interrogé auprès de nos journalistes, avant de se défendre, Quand une maman vient de perdre son enfant ou que quelqu'un vient de perdre son grand-père, oui je l'arrête alors que rien ne justifie objectivement qu'il soit arrêté dans le cadre de son travail". 

La pratique est-elle éthique ? C'est probablement une question de point de vue. Le conseil de l'ordre des médecins n'est pas indifférent. Son président est néanmoins persuadé que le nombre de professionnels peu conventionnels reste minoritaire. "Je suis assez choqué mais on sait que ça existe. Nul n'est honnête, c'est dans toute profession, dans toute attitude même du patient qui ne dit pas toujours la vérité lors de consultation médicale. Maintenant, est-ce que c'est une majorité ? Combien cela représente comme coût pour la CPS ? Je reste assez dubitatif car je pense que ça reste à la marge, et heureusement", argumente Didier Bondoux. 

Plus de 4 milliards de Fcfp en 2022 pour plus de 51 000 prescriptions.

Il est en effet difficile de savoir quel coût cela représente pour la CPS, mais les congés maladies coûtent très cher. Plus de 4 milliards de Fcfp en 2022 pour plus de 51 000 prescriptions. Le nombre d'arrêt maladie s'est multiplié ces neuf dernières années et les dépenses passent de 2,3 milliards de Fcfp en 2013 à plus de 4 milliards il y a deux ans. Combien seraient frauduleux ? Difficile de le savoir. 

La caisse dispose aujourd'hui de cinq agents contrôleurs administratifs et de quatre médecins-conseils pour s'assurer que l'arrêt est justifié sur le plan médical. "On contrôle un peu moins de 20% de tous les arrêts de travail de Polynésie, avec ces cinq agents et quatre médecins-conseils. On pourrait mettre beaucoup plus pour augmenter le chiffre mais je pense qu'il faut regarder la finalité de ce qu'on souhaite chercher et faire avec tous ces agents et médecins-conseils", explique Tuterai Tumahai, médecin-conseil à la CPS. 

"C'est compliqué à gérer parce qu'il faut le remplacer. On a un système qui nous permet des contrats extras, qui nous permet de prendre des personnes sur une durée d’un mois pour pallier à ça mais c'est vrai que ça pénalise vraiment le service"

Alexandre Thia Kime - directeur administratif d'un hôtel

En Polynésie, aucun secteur ne serait plus impacté que d'autres, selon la caisse de prévoyance sociale. Mais les arrêts de travail sont un caillou dans la chaussure des managers. Ils demandent réactivité et organisations même si dans cet établissement hôtelier, le taux d'absentéisme est très faible : entre 2, 5 et 5% chaque année. "C'est compliqué à gérer parce qu'il faut le remplacer. On a un système qui nous permet des contrats extras, qui nous permet de prendre des personnes sur une durée d’un mois pour pallier à ça mais c'est vrai que ça pénalise vraiment le service", constate Alexandre Thia Kime, directeur administratif et financier de l'hôtel Te Moana.

Faut-il alors songer à une chasse aux arrêts de maladie abusifs ? Professionnels et administration appellent à la responsabilité collective, et à celle des médecins qui auraient la signature un peu trop légère en accordant des ordonnances de complaisance. 

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