Les bagarres de jeunes filles de plus en plus fréquentes

Image générée par l'intelligence artificielle.
Les bagarres de jeunes filles sont de plus en plus fréquentes ces dernières semaines et sont largement diffusées sur les réseaux sociaux. Un phénomène de "mode" inquiétant... Comment expliquer tant de violences ? Quelle est la politique du Pays en la matière ? On fait le point dans cet article.

La vidéo de Laura et Manoa fait le buzz sur Tik Tok depuis le mois dernier. Les deux jeunes filles se sont battues dans l'enceinte de leur lycée après que l'une a couché avec le petit ami de l'autre. Plusieurs DJ se sont même amusés à reprendre la phrase "Moi je pense que Laura devrait fermer ses jambes et arrêter de ken (coucher avec, ndlr) tous les mecs de ses copines" pour en faire des remix. Cette histoire s'est rapidement transformée en "trend".

Impossible de confirmer s'il y a un lien mais depuis, les bagarres de jeunes femmes se multiplient et sont exposées dans des groupes sur les réseaux sociaux, notamment Facebook et Tik Tok. "On peut constater un petit rebond de violences parmi nos jeunes" observe Teiva Shan, chef de service de la délégation pour la prévention de la délinquance de la jeunesse (DPDJ). "Depuis l'émergence des réseaux sociaux, on assiste à une plus large diffusion des faits de violence. Évidemment, ça vient susciter l'engouement du jeune public, soit pour le buzz, soit à montrer qui est le plus fort" analyse Teiva Shan.

Analyser les données

Selon le chef de service, plusieurs facteurs sont à l'origine de cette violence : "on est là sur des facteurs psychologiques, parfois identitaires, culturels, on a aussi de nombreux facteurs environnementaux et qui varient d'un individu à l'autre".

S'ajoutent à cela l'alcool, la drogue et le harcèlement... Selon l'enquête Ea Piahi 2024 menée par la direction de la santé sur plus de 3 000 élèves de Polynésie, les conduites à risque évoluent de manière alarmante.  60 % des jeunes déclarent avoir déjà consommé de l'alcool. La consommation de cannabis, déjà préoccupante en 2016 augmente de 7 % chez les adolescents de 13 à 18 ans. Au total, 40 % des élèves déclarent avoir déjà fumé du cannabis. Ils étaient 33% en 2016. Enfin, 3,5% des adolescents ont déclaré au moins une consommation d'ice au cours de leur vie.

Toujours selon cette enquête, en dehors de l'école, 7% des élèves déclarent avoir été victimes de harcèlement et 6% de cyberharcèlement. Sachant que les filles sont deux fois plus nombreuses que les garçons à faire état de cyberharcèlement.

Autre chiffre qui émane cette fois du haut-commissariat : 9,7% de l'ensemble des infractions commises en 2024 concernent des mineurs.

Sentiment d'insécurité

Toutes ces données montrent la dégradation de l'état de santé des jeunes et l'ampleur de la violence. Aux abords des établissements scolaires, les adolescents que nous avons interrogés ont vu circuler ces vidéos ou ont été directement témoins de ces scènes de violence. Certaines jeunes filles angoissent de plus en plus à l'idée de se faire potentiellement agresser à la sortie de l'école. "C'est parti trop loin pour une histoire aussi bidon. Je n'aime pas la violence, surtout venant de filles. On est censés être solidaires. Cela me fait peur (...). La violence ne règle rien" estime Lily. "Je trouve ça ridicule. Les gens qui font ça veulent prouver qu'ils savent se battre. Je trouve ça vraiment ridicule" commente un jeune homme.

Alors quelle solution ? Teiva Shan affirme prendre le problème à bras-le-corps au niveau de la DPDJ et de toutes les instances concernées. Le schéma directeur de la jeunesse portée par la ministre Nahema Temarii et le plan de prévention de la délinquance adopté le 4 mars viennent fixer la politique du Pays en la matière. À savoir, "le fait d'accompagner la jeunesse, de l'aider sur le plan de sa santé mentale, de sa santé physique, (...) son insertion professionnelle, la réduction des conduites addictives (...). Le fait d'accompagner la jeunesse pour changer les comportements. Nous sommes sur la rédaction des fiches action qui viendront concrétiser ce plan" précise le chef de service de la DPDJ. La prévention doit aussi naître au sein des foyers. "J'invite tous les parents, toutes celles et ceux qui  accompagnent la jeunesse au quotidien de leur transmettre les valeurs qui font le socle de notre société" conclut Teiva Shan.

Le reportage de Melissa Chongue :