Elle est visuellement peu engageante, elle fait mal aux doigts, elle empuantit les plages lorsqu’elle s’échoue et le pire, c’est une espèce invasive qui tue les coraux. Autant de raisons qui ont poussé Ernest Mahagateira, président de l'association de pêcheurs Afareaitu Rava'ai, à travailler avec les chercheurs pour venir à bout de cette algue maléfique, la Turbinaria ornata.
C’est la deuxième opération d’arrachage depuis le début du projet, fin 2023. Cette fois bénévoles et scientifiques se concentrent sur une parcelle de 10 mètres par 10 mètres sur le récif de Haumi, avec toujours la même méthode.
Il ne faut pas la rejeter dans l'eau. Si on la rejette à la mer, elle peut se raccrocher à un autre endroit et recommencer sa vie. Du coup, on brosse aussi les coraux pour enlever les racines et éviter qu'elles ne repoussent.
Morgane Desplat -Stagiaire en ingénierie de l'écologie et gestion de la biodiversité
La transformer en costumes de danse ou en planches de surf
L’arrachage des algues poursuit un double objectif : libérer le récif et faire revenir les poissons mais aussi trouver des moyens de valoriser cette espèce invasive. Le projet inclut ainsi le lycée agricole de Papetoai pour transformer les turbinaria séchées en engrais. D’autres débouchés sont possibles.
"On est en contact avec certaines entreprises qui seraient intéressées pour récupérer des turbinaria. Ce serait pour en faire des produits pharmaceutiques, éventuellement des composés de planche de surf et des costumes de danse" poursuit Morgane.
Au-delà de ces opérations de nettoyage, le projet Arata’i est une étude globale et participative sur une lutte sans-merci.
La question cœur du projet, c'est la compétition entre algues et coraux pour l'espace et la lumière, dans un contexte où l'on a des lagons de plus en plus enrichis en nutriments et potentiellement moins d'herbivores pour contrôler la poussée des algues.
Jean Wencelius -Anthropologue et coordinateur du projet Arata'i
Financé sur deux ans à hauteur de 29.8 millions CFP par l’Agence Nationale de la recherche, le projet vise aussi le développement d’une méthodologie de travail accessible à tous. Le but serait de permettre aux autres îles, notamment les plus isolées, touchées par des invasions de turbinaria, de lutter contre l'algue sans l’aide des scientifiques.