Logements OPH : plus de deux milliards d'impayés, l'héritage empoisonné du gouvernement Fritch ?

L'affaire des factures de l'OPH pourrait-elle aller jusqu'à un recours en justice ?
L'affaire des factures de l'OPH pourrait-elle aller jusqu'à un recours en justice ? C'est ce que suggère l'opposition, suite aux révélations du Président Brotherson le 22 août à l'Assemblée de Polynésie des loyers et des factures d'eau impayés entre 2019 et 2021, pour un peu plus de deux milliards de francs Pacifique.

Dans un lotissement social du Haut de Vallon, certains locataires ont du mal à payer leur loyer à l’Office Polynésien de l’Habitat, gestionnaire des comptes. Deux ont accepté de témoigner anonymement. « Moi j'ai pu payer au début mais après comme j'ai eu des petits enfants donc, du coup, j'ai un peu délaissé mon loyer. Je paie 19 000 (francs pacifiques) mon loyer, parce que j'ai eu mon AFL. J'ai pris rendez-vous avec Minarii à l'OPH et c'est avec elle que j'ai convenu de payer. On étale les paiements » répond une dame, cigarette à la main. Dans leur F3, ils sont six, dont six enfants et deux adultes. Trois d'entre eux ont un emploi. Pour rattraper les impayés, la famille doit désormais payer 50 000 francs Pacifique par mois jusqu'au remboursement complet.  

Une autre résidente confie qu'elle paie un loyer de 18 310 francs Pacifique. « La vie a augmenté, comme le gaz et tout ça, il faut tout payer » dit la dame, qui touche une retraite d'environ 100 000 francs Pacifique par mois, sans compter celle de son mari.

Des milliards à recouvrer

À ce jour, sur une cinquantaine de résidences sociales gérées par l’OPH, les impayés loyers et eau s’élèvent respectivement à deux milliards et trois cents millions de francs Pacifique. Un héritage de l’ancienne gouvernance et une politique un peu trop « sociale » que n’a pas manqué de relever Moetai Brotherson en séance dans l’hémicycle. 

Non seulement l'équipe précédente n'allait pas chercher les loyers mais elle ne facturait même pas... C'est assez hallucinant. On a oublié de facturer pour 207 875 297 millions d'eau potable et pour 108 803 216 d'eaux usées. C'est quand même extraordinaire. Et un jour quand on arrive, on réveille un peu les gens. (...) Donc oui, aujourd'hui il s'agit d'augmenter le taux de recouvrement, il ne s'agit pas de mettre les gens dehors. Parce-que dans ces personnes qui n'ont pas payé leur loyer, il aurait suffi qu'ils reçoivent plus souvent la visite des agents de l'OPH. C'est sur ce management qu'on compte. Et surtout de ne pas oublier de facturer trois cents millions.

Moetai Brotherson, président de la Polynésie française

Pour la présidente du groupe Tapura, les impératifs comptables ne doivent pas prendre le pas sur la réalité sociale d’un seul salaire pour faire vivre une famille nombreuse, d’où son interrogation :

Aujourd'hui quelle est la politique du Gouvernement par rapport à ces recouvrements de loyers impayés ? Est-ce que c'est un durcissement, ou est-ce qu'on reste dans la même politique de compréhension ? Qu'est-ce qu'on fait et comment ?

Tepuaraurii Teriitahi, présidente du Tapura Huiraatira

Un délit de concussion plane dans l’air... L'affaire pourrait finir au tribunal. « Le fait qu'il le dénonce publiquement, à l'Assemblée, il est tenu aujourd'hui par ce qu'on appelle l'article 40 d'initier une enquête et même de le signaler au Procureur pour que ceux qui ont fait cela soient punis » avance Nicole Sanquer.

Reste à savoir comment motiver les mauvais payeurs à l’avenir et apurer les comptes de l’OPH. Un défi de taille pour le gouvernement, alors que l’organisme connaît depuis plusieurs années une instabilité politique des plus invalidante. 

De son côté, l'ancien ministre des logements, Jean-Christophe Bouissou, a tenu à défendre l'OPH et réfute toutes accusations de concussion. "C'est une accusation qui est grave. Cela signifierait que nous avons volontairement décidé de ne pas recouvrer les recettes. Évidemment, c'est faux, c'est du n'importe quoi. Ça ne m'étonne pas d'un gouvernement qui, depuis un an déjà, ne fait rien".

Jean-Christophe Bouissou était l'invité du journal du 27 août 2024 :

©polynesie