Lutte contre l'inflation : le "oui mais" du panier bloqué

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Et pourquoi par le panier bloqué, c’est-à-dire un panier contenant une liste de produits de base dont les prix seraient gelés, pour lutter contre l'inflation ? Une piste envisagée par le gouvernement. Un bouclier anti-inflation qui existe déjà à La Réunion. Là-bas, un accord de modération des prix de 153 produits a été conclu du 16 mars 2022 au 28 février 2023 entre les pouvoirs publics, les producteurs locaux et la grande distribution. Pas plus de 348 euros. La solution pour soutenir le pouvoir d’achat ?

Alors que l’inflation avait atteint 6, 9% en juillet, bloquer les prix d’un panier type serait-elle une bonne idée ? Une mesure aussi symbolique que populaire, expérimentée par l’empereur romain Dioclétien, et remise au devant de la scène au 21ème siècle par un ex-candidat à l’Elysée. "La proposition qui nous est soumise par le groupe Insoumis est une proposition de blocage des prix", avait déclaré Jean-Luc Mélenchon à la tribune de l’Assemblée nationale un 13 janvier 2022, qui en avait fait une promesse de campagne.

Face aux hausses de prix incontrôlés, les gouvernements français ont eu un penchant pour ce type de mesures expéditives. Au grand dam des économistes, elles pourraient perturber le marché selon Florent Venayre. "Le risque que l'on prend avec un gel des prix, c'est tout bêtement de nuire en fait à la rentabilité des entreprises, et qui risquent de réagir en n'approvisionnant plus finalement les magasins et les consommateurs. Ou alors pour que cela n'arrive pas, il faut que le gouvernement comble les pertes des entreprises. Mais à ce moment-là, cela veut dire un endettement accru, cela veut dire qu'on va transférer nos difficultés actuelles sur la génération suivante qui devra prendre en charge cette nouvelle dette", explique ce professeur des universités à l'UPF. Rappelons que la dette de la Polynésie se chiffrait à plus de 152 milliards cfp au 31 décembre 2021. Le pays qui n'aura peut-être pas besoin d'emprunter pour mettre en place ce dispositif, si l'on en croit le président de la Polynésie Edouard Fritch. Dans un discours prononcé à la séance solennelle de la session budgétaire, il s'était félicité, en partie, d'avoir réussi à remplir les caisses du pays grâce aux taxes.  

Au 31 juillet 2022 les recettes réelles du Pays, s’établissent ainsi à 85,104 milliards de F CFP, soit 6,6 milliards de plus que l’an passé à la même période. Cette progression conséquente des recettes, de l’ordre de 8 %, est expliquée par la très belle performance des recettes fiscales, en hausse de 7,319 milliards F CFP (+12 %) par rapport à fin juillet 2021.

Edouard Fritch, lors de son discours à l'ouverture de la session budgétaire le 15 septembre 2022

Des propos qui ont hérissé les élus de l'opposition, dans laquelle on compte désormais le Sénateur Teva Rohfritsch, Nicole Bouteau et Philip Schyle

En Métropole d'ailleurs, Emmanuel Macron qui y avait songé, a préféré proposer un dispositif de chèque alimentaire. Une aide exceptionnelle de 100 euros versée en une seule fois, à près de 8 millions de foyers français. 

Si une mesure locale pourrait s'apparenter à cette dernière, c'est l'aide alimentaire exceptionnelle de l'Etat défendue et obtenue par le Sénateur de la Polynésie Teva Rohfritsch au sénat. D'un montant de 477 millions cfp pour les territoires ultramarins, la Polynésie devrait bénéficier de 250 millions cfp.

Effet pervers

Le panier bloqué pourrait aussi avoir un autre effet pernicieux. Quand lutter contre la malbouffe est un enjeu sanitaire et social, ce projet pourrait avoir un effet contraire. Car les ménages seraient encouragés à consommer les mêmes produits durant une durée déterminée. Pensé pour soutenir les ménages les plus modestes, il profiterait finalement à tous. Et dans la mesure où les Polynésiens consomment encore plus, les plus aisés en bénéficieraient même davantage que ceux dans le besoin.

Pour l’heure, le gouvernement n’a pas défini la liste des produits concernés. S’agira-t-il uniquement de produits de première nécessité et de grande consommation ? La question reste posée. Toujours est-il que le cadre règlementaire devra être défini dans une loi de pays, et devra possiblement nécessiter une modification du code du commerce. 

Ecoutez le reportage d'Aiata Tarahu :