Pas d'inflation, pas de motion, pas de problèmes : Moetai Brotherson tacle l'opposition et présente un bilan positif

Moetai Brotherson, président de la Polynésie.
Dans un mois, le gouvernement Brotherson sera à la tête du Pays depuis un an. Cherté de la vie, loi fiscale qui tarde à voir le jour, voyages à répétitions… La population se pose des questions et l’opposition bondit. Voici ce que répond le président.

S.Favennec : Vous êtes allé en Corée du Sud, aux Vanuatu, en Papouasie Nouvelle-Guinée, aux Etats-Unis, puis Singapour, vous y retournez en mai, du 21 au 25, certainement ensuite le Japon, beaucoup de Polynésiens disent que vous êtes un président Globetrotter. Même si ces rendez-vous peuvent être prometteurs pour l’avenir, cela reste tout de même très loin de la réalité du quotidien des Polynésiens, qui ont du mal à finir le mois...

M.Brotherson : "Résumer un gouvernement à son seul président est une vision passéiste des choses. Un gouvernement c’est un ensemble de ministres. Ils n’ont pas  besoin que le président soit là pour leur tenir la main. Le fait d’être hors territoire n’empêche pas de se maintenir au fait des dossiers. Il y a un petit truc qui s’appelle internet qui permet de rester en liaison constante avec les dossiers.

En matière d’économies, il y a le ressenti, et il y a les chiffres. Quand je suis arrivé, l’inflation était à 8,2%. Aujourd’hui, elle est quasi nulle. Il y a une réalité mathématiques qu’il ne faut pas occulter. On peut avoir un ressenti mais il faut accepter les chiffres. 

Lutter contre l’inflation, nous l’avons fait : nous avons supprimé la loi dite CPS à l’époque. Cela a été une promesse électorale. Donc on a tenu nos promesses. Elle a eu cet effet de stopper l’inflation. 

L’année 2023 a été une année record en matière donc je pense qu’il a dû améliorer ses chiffres de vente. Et l’objectif c’est 600 000 touristes et c’est à l’horizon dix ans. On n’est pas dans du délire, dans du rêve fou mais dans de la planification."

Zéro dépense pour l'installation de Google

S.Favennec : Vous avez fait 57 rencontres à Singapour lors de votre séjour. Il a été question de tourisme, d’investisseurs éventuels, et de la pose du câble Google. C’est pour octobre, vous souhaitez que le Pays devienne un hub digital du Pacifique Sud… Combien ça va rapporter aux Pays et combien cela va coûter aux Polynésiens ? 

M.Brotherson : "C’est à mettre au pluriel : "ces" câbles ; Cinq câbles. Nous en avons deux : Honotua et Manatua. Cinq câbles vont être tirés par Google - 0 francs de coût pour les Polynésiens et une multiplication par 50 de la bande passante disponible à l’international. C’est une évolution majeure que Google vienne chez nous. Cela va augmenter l’attractivité numérique du fenua et attirer des investisseurs dans ce domaine...les sociétés qui ont besoin de beaucoup de transfert de data. J’ai été contacté par d’autres grosses sociétés."  

S.Favennec : Vous êtes parti également plusieurs fois en Métropole, qu’en est-il des contrats de développement entre l’Etat et le gouvernement, en Calédonie par exemple cela a été signé en début d’année ?  

M.Brotherson : "Les calendriers ne sont pas les mêmes en Calédonie et en Polynésie. Je rappelle que 2021, le précédent contrat de développement, a été signé tellement en retard que 2021 avait été une année blanche pour le contrat de développement. Pour le contrat dont il s’agit ici, nous avons pris l’acte en conseil des ministres autorisant sa signature. Cela passera la semaine prochaine à l’Assemblée de Polynésie. La signature interviendra puisque nous sommes passés à un accord sur le format et le fond de ce contrat avec l’Etat. La signature interviendra dans les semaines qui viennent.

Le remaniement de la loi fiscale "n'aura aucun impact"

S.Favennec : Adoptée, puis annulée, puis réexaminée, la loi fiscale n’arrête pas de faire des remous. D’ici quelques jours, elle va de nouveau être étudiée en séance le 11 avril… Vous assurez qu’il y a deux ou trois points sur lesquels vous allez faire des corrections, lesquels ?

M.Brotherson : "Je ne vais pas me prononcer à la place du ministre des finances. Nous avons reçu, depuis l’adoption de la loi fiscale, un certain nombre d’acteurs économiques, les avocats et d’autres. Les uns et les autres ont exprimé des remarques sur certains articles. Nous verrons si nous adoptons la semaine prochaine un ou deux amendements pour corriger à la marge cette loi fiscale mais sur le fond ça reste la même."
 
S.Favennec : Quid des recettes fiscales déjà récoltées ou des exonérations octroyées ?

M.Brotherson : "Cela n’aura aucun impact. Aucun impact.
 
S.Favennec : Aujourd'hui qu'est-ce que vous répondez aux gens qui disent que votre gouvernement vit sur les programmes du Tapura… Les patrons ne voient rien arriver en termes de commandes publiques ou de grands projets ?

M.Brotherson : "Chacun voit midi à sa porte. Jordy Chan a rappelé, la semaine dernière, les milliards inscrits au budget et qui vont être lancés en termes de chantiers de travaux publics. Il ne faut pas raconter n’importe quoi.

"L'opposition a envie d'exister"

S.Favennec : Vous assurez qu’il n’y aura pas de remaniement mais une redistribution de portefeuilles… Certains ministres sont décriés, vont-ils rester à leur place ? 

M.Brotherson : "J’ai démarré aujourd’hui et jusqu’à la semaine prochaine, une série d'entretiens avec mes ministres car j’ai envie de les entendre, de savoir s’ils se sentent bien, s’ils ont envie de changer quelques éléments dans la gouvernance et la relation avec leurs collègues. Je pense que c’est comme ça qu’on arrive à souder une équipe et à la renforcer, plutôt que jeter les gens dans le feu dès lors qu’il y a des gens qui s’agitent de droite et de gauche.

Moi je ne fonctionne pas comme cela, je ne réagis pas aux posts facebook des uns et des autres. Je réagis encore moins à l’agitation frénétique de l’opposition qui a une envie d’exister absolument phénoménale et qui est prête à tous les délires.  

Pour certains, la vieillesse est un naufrage, pour d’autres c’est une bataille d’égos…enfin bon, c’est ridicule.

S.Favennec : Demain vous rencontrez Oscar Temaru et Anthony Géros, qu'est-ce que vous allez vous dire ?

M.Brotherson : "Vous présentez cela comme si c’était une rencontre exceptionnelle qui aura lieu pour la première fois ! Nous avons un rendez-vous hebdomadaire pour simplement nous informer les uns et les autres de ce qui se passe à l’Assemblée, au sein du parti. On a par exemple évoqué les élections européennes pour savoir si on y allait ou pas. On discute des sujets normaux de la vie d’un parti politique, d’un gouvernement et d’une majorité. Demain, on parlera sûrement du comité de majorité qui aura lieu mardi prochain et de certaines orientations et attentes que peuvent avoir le parti, des choses qui ne sont pas suffisamment mises en avant et mises en œuvre.
 
S.Favennec : Il y a cette motion défiance qui est sur toutes les lèvres en ce moment. L’opposition assure qu’elle ne vient pas de son camp, elle viendrait du Tavini… Il y a clairement un malaise au sein de votre camp ? 

M.Brotherson : "Il n’y a absolument aucun malaise. Je crois qu’il y a un vrai malaise de l’opposition. Depuis un an on me dit ‘je te le dis mais ne le dis pas, au sein du Tavini, il y a une motion de censure’. Depuis un an je suis toujours là et j’ai toujours mon rendez-vous hebdomadaire avec Oscar Temaru. J’attends toujours la motion mais ce que j’attends encore plus c’est la fameuse plateforme autonomiste vous savez, ce radeau de la méduse qu’on ne verra certainement jamais."  

L'avenir d'Air Tahiti Nui

S.Favennec : Singapour Airlines pourrait desservir la Polynésie française… Gaston Flosse, invité de notre journal mardi, estime que c’est dangereux pour l’avenir ATN. Que répondez-vous ?

M.Brotherson : "Je pense que Gaston Flosse estime que, à part lui, tout est dangereux pour l’avenir de la Polynésie française. Je n’ai pas de réel commentaire à faire.
  
S.Favennec : ATN enregistre 3.2 milliards de francs de perte pour 2023. La compagnie souffre toujours, comme l’a pointé le rapport de la chambre territoriale des comptes, du flou de la stratégie fixée par le Pays… Vous avez déclaré sur Radio 1 qu’il fallait réinventer ATN. Quelle sont vos pistes ?

M.Brotherson : "Ce n’est pas au gouvernement seul de décliner toute la tactique à mettre en œuvre pour ATN. C’est aussi une société qui a des actionnaires privés, même si l’actionnaire majoritaire est le Pays. Aujourd’hui le contexte est différent. La concurrence n’est pas la même que celle qui existait au moment de la création de la compagnie. Les avions ne sont plus les mêmes. Enfin, tout a évolué. Je crois qu’on a passé un cycle, 10 ans : je crois que ça correspond à un cycle. Il y a très très peu de compagnies aériennes qui ont gardé le même cap pendant dix ans.
 
S.Favennec : Qui pour succéder à Michel Monvoisin ?

M.Brotherson : "Il y a effectivement un nom que je vais proposer. C’est forcément quelqu’un qui est actuellement membre du conseil d’administration, puisque les statuts l’exige. [Il sera présenté] très bientôt."

S.Favennec : Singapour pourrait desservir les Marquises, et aider à l’aéroport international de l’archipel. Il s’agit d’une aide financière ? Est-ce que l’Etat est d’accord ?

M.Brotherson : "Il ne s’agit pas pour Singapour de desservir les Marquises. Nous avons rencontré l’aéroport de Shangi, meilleur aéroport au monde. La société qui gère cet aéroport est également chargée de construire des aéroports dans d’autres villes du monde : sa direction s’est déclarée très intéressée par le projet d’aéroport à Nuku Hiva. Elle pourrait intervenir de deux manières : soit sur la rédaction du cahier des charges en consulting ou se positionner pour la concession de l’aéroport après la rédaction du cahier des charges. Rien n’est fait sans que l’Etat ne soit informé."