Pendant la réunion d'accueil à l'INSPE (L'Institut national supérieur du professorat et de l'éducation) mercredi matin, les huit stagiaires ont reçu un appel les invitant à se rendre à la Présidence. Ils ont ainsi pu exposer leur situation devant Moetai Brotherson, le ministre de l'Education Ronny Teriipaia, la députée Mereana Reid Arbelot, l'élu Tematai Legayic et d'autres figures institutionnelles dans l'après-midi. "Vos postes, on les a déjà bloqués" lance l'un des officiels aux jeunes diplômés lors de la rencontre. Et pourtant, ils apprennent il y a peu qu'ils doivent finalement quitter la Polynésie...
Faire des sacrifices ou abandonner son rêve
Heitea Taputu a réussi son CAPES pour devenir professeur de français. Elle n'avait pas prévu d'exercer à 16 000 kilomètres de chez elle. "Je reviens tout juste de métropole, j’ai tout rendu, je n’ai plus rien. On m’avait dit qu’un poste était disponible ici. Donc là, s’il faut que je retourne en Métropole, cela va engager des frais pour mes parents... Je vais me battre pour rester ici mais je ne veux pas perdre mon CAPES parce-que j’ai travaillé dur pour ce concours", s'inquiète la diplômée de 23 ans. Le délai est court. Ils doivent partir le 26 août. Le père de Heitea est à ses côtés. Faana ne compte rien lâcher : "tout le monde est d’accord pour porter cette affaire au tribunal" partage-t-il.
Teriitua Maoni fait aussi partie des huit stagiaires qui devaient avoir sa place en Polynésie. Une fois admis, il a démissionné d’un bon poste en CDI avant d'apprendre qu’il doit finalement partir en Métropole. "On a contracté un gros prêt immobilier qu’on a déjà commencé à rembourser. Du jour au lendemain, je me retrouve en Métropole (…). Je vais vivre ma relation à distance et continuer à rembourser un prêt pour une maison dans laquelle je ne vis pas. Tout ça ce n’est pas possible", confie le jeune homme, dépité.
Perdre son concours ou poursuivre son rêve loin de chez soi ? Si aucune solution n'est trouvée pour ces lauréats, il faudra faire un choix. Certains comme Teriitua, ont décidé qu'ils ne partiront pas. Et ils ne sont pas les seuls à se sentir lésés. Il y a aussi ceux pour qui aucun poste n’avait été réservé et qui sont de toute façon, forcé de partir faire leur stage d'enseignement dans l'Hexagone... C'est le cas de Heiana Sommers, affectée à Versailles. Impossible pour elle de quitter la Polynésie à cause de l'état de santé du père de sa fille. "J'ai donné de moi-même pour réussir malgré le fait que je travaillais à côté, dans l'espoir d'offrir une meilleure vie à ma fille. C'est une injustice totale qu'on ne prenne pas en compte la situation de famille" raconte Heiana. Mercredi après-midi, elle a rencontré la députée Nicole Sanquer, avec un autre camarade dans la même situation.
Trop de nouvelles recrues, peu de places ?
Il faut dire que le taux de réussite au CAPES (Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré) et CAPLP (Certificat d'aptitude au professorat de lycée professionnel) a explosé cette année. 67 lauréats polynésiens à placer, soit un tiers de plus que l’année passée.
"Dans certaines disciplines, il n'y a aucun lauréat de Polynésie. Et ce sont donc des lauréats issus d'autres académies qui vont être affectés en Polynésie (...). Les décisions sont prises à Paris. Nous on reçoit la liste des lauréats affectés en Polynésie. Et avec le Pays, on procède à leur affectation sur tel ou tel lieu. (...) Il y a des aides qui peuvent être proposées par le Pays. Je sais que d'autres territoires d'Outre-mer participent d'un soutien à la mobilité parce-qu'en effet c'est un coût", souligne Thierry Terret, vice-recteur de la Polynésie.
Mais Ronny Teriipaia, ministre de l'Education, interprète la situation autrement : "Il se trouve qu'il y a les postes pour certains mais la DGRH et l'Etat refusent de les affecter ici, ce que je ne comprends pas. (...) En France, il y a une pénurie au niveau du recrutement des enseignants. Alors on essaie de nous piquer nos lauréats pour combler cette carence. (...) Et nous, qu’est-ce qu'on aura alors ? De la mauvaise qualité ?" pointe-t-il du doigt.
Aucune solution n'a été proposée à l’issue de ces rencontres. Une autre rencontre est prévue jeudi matin. Le gouvernement et les députés prennent le problème à bras le corps. Le dossier sera porté à l’Assemblée nationale.