Tête de liste dans la section des Iles sous le vent, Moetai Brotherson était l'invité café de notre matinale radio. L'occasion de revenir sur ce qui fait l'actualité politique, en particulier le rapprochement en vue du second tour des territoriales entre le Tapura Huiraatira et le Amuitahiraa o te nunaa Maohi, pour faire barrage aux indépendantistes. "Ce rapprochement nous désole, politiquement c'est pitoyable, lâche Moetai Brotherson, c'est une alliance d'opportunistes".
Alliance de circonstance
Et de douter de cette alliance de circonstance car "l'effet contraire de ce qui est recherché pourrait se produire". Selon le député de Polynésie, "pas sûr que les 14000 électeurs qui ont voté Amuitahiraa vont suivre la consigne..."
En effet, qui peut dire avec certitude que ceux qui ont voté pour le Tapura ou le Amuitahiraa au premier tour ne vont pas reporter leurs voix vers A Here ia Porinetia ou le Tavini ?
De plus, il ne fait aucun doute pour les candidats encore en lice, que la différence se fera en allant convaincre les abstentionnistes d'aller voter. Pour Moetai Brotherson, il est nécessaire "d'aller les chercher...en restaurant le lien de confiance" avec les politiques.
Rassurer pour gagner
Afin de les rassurer, le candidat des Bleus mise davantage sur un projet de société qu'une idéologie pure de l'indépendance. "C'est un projet social pour le peuple et les entreprises", dit-il, loin selon lui de " la période 2004-2013", l'époque du taui, du changement, qui n'avait pas vraiment convaincu. D'où le retour au pouvoir de Gaston Flosse aux territoriales de 2013.
Moetai Brotherson s'est donc voulu rassurant ce matin, "il n'y aura pas de rupture, même avec Oscar Temaru [de retour au pouvoir], car c'est une évolution", souligne-t-il. Un discours modérateur.
Indépendance modérée
Pour preuve, la question de l'indépendance. Pour le candidat des Bleus, elle ne sera pas imposée, " c'est le peuple qui décidera" vers l'horizon 2030. "L'indépendance est une étape, pas un but", insiste-t-il, qui ne sera effective que si les conditions économiques et sociales sont atteintes. Ce sera "une indépendance moderne, réfléchie et préparée", dit-il.
Retour ensuite à l'un des thèmes de cette campagne, la vie chère subie notamment par les classes les moins aisées. Sur la question des PPN, Moetai Brotherson veut les réformer.
"Ils ne doivent profiter qu'aux plus nécessiteux, sans y mettre les produits les plus mauvais pour la santé", précise-t-il.
L'alimentation étant l'un des principaux postes de dépenses des foyers, l'idée de l'autosuffisance alimentaire s'est bien sûr invitée dans la campagne. "Nous la pronons depuis 40 ans, et [aujourd'hui] elle est reprise par tous les candidats", s'étonne le candidat des Bleus.
Réhabiliter le secteur primaire
De quoi réhabiliter les métiers liés au secteur primaire, en formant davantage les jeunes dans des filières complètes. Ainsi l'exemple du coprah ne doit pas s'arrêter à la seule exploitation du coprah mais déboucher sur une véritable filière du cocotier. Coprah, huile de coco, mais aussi travail du bois de cocotier. "Il faut changer le système", insiste Moetai Brotherson.
Lequel évoque le développement de l'aquaculture comme source d'emplois dans les archipels. L'exemple de l'élevage des holothuries pourrait se faire par des entreprises familiales. Leur débouché : l'exportation vers les pays d'Asie.
En fait, il faudrait "adapter les filières aux besoins du Pays", à l'image du tourisme qui ne doit plus être concentré uniquement vers quelques îles et ne doit pas favoriser la quantité. "Pas au delà de 600 000 touristes par an, soit 2 touristes par habitant", précise le candidat indépendantiste.
Rééquilibrer les pouvoirs
Une question de dosage et d'équilibre qu'il aimerait appliquer à la fonction présidentielle, si le Tavini arrive au pouvoir. Aujourd'hui selon le candidat indépendantiste, "le président du Pays a les pleins pouvoirs comme en France. Il faudrait qu'il soit plus responsable".
Les Bleus au pouvoir pourraient aussi ouvrir leur gouvernement à "la société civile et à une minorité".
Mais avant tout, c'est au peuple de décider le 30 avril quel parti le dirigera pour les 5 prochaines années.