Transidentité : le Gouvernement veut prendre en charge le traitement hormonal, Shelby témoigne

Shelby a suivi un traitement hormonal pendant quelques mois lorsqu’elle était adolescente.
Parmi les grandes orientations budgétaires, le Gouvernement propose de prendre en charge intégralement les traitements hormonaux pour les personnes qui souhaitent changer de genre. Ces traitements sont déjà pris en charge à 100% dans l’Hexagone, mais en Polynésie, la question fait débat.

Shelby est aujourd’hui à l’aise dans son corps…mais cela n’a pas toujours été le cas. À l’adolescence, pour lutter contre ses traits masculins, elle a suivi un traitement hormonal pris en charge par sa grand-mère. « En Polynésie, cela coûte très cher. Il faut aller voir le médecin traitant, ensuite le médecin te prescrit des hormones adaptées à ton corps, ta morphologie, ton mental. J'ai commencé très jeune, avec accord parental. C'était presque 45.000 F et ça devait durer trois mois. La plupart de mes consoeurs partent en France pour avoir la facilité de se féminiser », confie-t-elle. 

Ici, des boîtes de progestérone en comprimés pour devenir plus féminine et de la testostérone en injection pour devenir plus masculin.

Être bien dans sa peau

Aujourd’hui, elle salue l’initiative du Gouvernement, « nous ne sommes pas des monstres, il ne faut pas croire que l’on fait ça pour le plaisir. Ce n’est pas facile d'être né dans le mauvais corps. Enfin on entend nos difficultés, il était temps ! Alléluia ! » exprime Shelby.

Shelby salue l’initiative du gouvernement.

Karel Luciani, président de l'association Cousins Cousines, se réjouit lui aussi de cette avancée : « on avait l’impression d’être tout seul sur cette pirogue à naviguer et avec ce soutien fort du Gouvernement, on n’est plus seul et peut-être que bientôt, on sera des personnes normales. Je pense que le courage va s’amplifier dans le Pacifique où l’homosexualité est très mal vécue. » 

En effet, le Pays propose aujourd’hui de prendre en charge intégralement ces traitements hormonaux, mais aussi la PREP (prophylaxie pré-exposition) et le TPE (Traitement Post Exposition), des traitements innovants anti-VIH, à prendre avant ou après exposition. Ces derniers, à prendre 24 à 48 heures avant ou après un rapport sexuel à risque, empêchent le virus du VIH de se développer et de se fixer dès son entrée dans le corps. Tous sont délivrés uniquement sur prescription médicale.

« Le problème dans l'hormothérapie, c'est que j'ai vu que les personnes que je suis -une cinquantaine environ- sont obligées d'arrêter le traitement car ils n'ont plus l'argent et reviennent quelques mois voire quelques années après pour reprendre l'hormonothérapie », témoigne Dr Lam N’guyen. 

Pas une priorité selon certains

Il s’agit de testostérone ou de progestérone en comprimés ou en injection et avec un risque d’effets indésirables importants. Chaque boîte coûte entre 400 et 1200 F, non pris en charge par la CPS, hors pathologie. La MGEN (pour les fonctionnaires) rembourse quant à elle ces traitements hormonaux. Au sein de la classe politique, cette proposition suscite le débat.

« J'ai posé la question à la commission effectivement...ce qui me choquait, ce n'est pas tant le fait que le gouvernement décide de prendre en charge une partie de ces opérations mais (...) la PSG est déficitaire. Il y a des pathologies très lourdes qui ne sont pas prises en charge comme le diabète ou le cancer. Des pathologies qui ne sont pas le fait des personnes et c'est surtout la situation de déficit structurel de la PSG qui nécessitait qu'il y ait débat sur ces sujets et il n'y a pas eu de débat. Steve Chailloux lui-même considérait qu'il s'agissait de décisions personnelles et qu'en comparaison des pathologies lourdes, il ne comprenait pas qu'il y ait ce choix du gouvernement », s'insurge Nuihau Laurey, élu à l'Assemblée.

Pourtant, Moetai Brotherson semble ouvert à la discussion. « On est là pour en discuter. Je pense qu'à un moment donné, en tant que société, on ne peut pas évacuer le problème. On a des membres de cette société qui ont ces identités de genre particulières, qui parfois ont besoin de chirurgie pour aller au bout de leur démarche, est-ce qu'on les laisse tout seuls se débrouiller avec à la clé un risque pour leur santé ou est-ce qu'on se montre solidaires tout comme on se montre solidaires des personnes en situation d'obésité et qui ont recours à la chirurgie bariatrique ? » s'interroge le président, qui se montre sensible aussi à la question de l'endométriose. Mais toutes ces questions doivent encore être débattues pour arriver à des mesures concrètes. 

Une table ronde LGBTQIA+ sera organisée les 7 et 8 novembre 2023 au campus d'Outumaoro.

Dans l’Hexagone, les traitements hormonaux et la chirurgie de réassignation sexuelle sont pris en charge à 100% par la caisse d’assurance maladie, à condition d’avoir également un suivi psychologique.

Après la levée des drapeaux inédite en mai dernier pour la journée de lutte contre les violences homophobes, et ce projet d'accompagnement médical, les LGBT auront leur première table ronde, les 7 et 8 novembre 2023 au campus d’Outumaoro, organisée par le CESEC et l’association Cousins Cousines. Cet événement s’inscrit dans le programme du Tavini. Le parti prévoit aussi l'adoption prochaine d’une politique sectorielle en matière de droits des communautés LGBT. 

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