Vaireva, aussi déterminée que ses aînés les plus expérimentés, prouve qu’on peut nourrir très jeune de grands projets. Elle est autoentrepreneur à seulement 17 ans, "au lycée, je voulais faire un BTS esthétique, car grâce à ça, on nous a dit qu’on pouvait devenir patronne", confie la jeune femme. Mais le coût financier de la formation freine ses ambitions.
Ici, seul le GREPFOC, le groupement des établissements de Polynésie pour la formation continue, propose ce BTS, et c’est cinq cent mille francs pacifiques l’année. Financièrement, ce n’était pas possible. S’il fallait partir en France, le coût sera multiplié par deux ou par trois.
Vaireva Bonardi
Vaireva prend le temps de la réflexion. Elle a toujours nourri un rêve, celui d’ouvrir son propre salon d’esthétique et pourquoi pas, détenir une franchise d’une grande marque internationale. Déterminée à ne "jamais être sous les ordres de quelqu’un, être indépendante financièrement et ne plus dépendre de papa et maman", elle tente le salariat.
Première expérience professionnelle
Après l’obtention de son baccalauréat professionnel en juin dernier avec mention, Vaireva Bonardi veut acquérir de l’expérience professionnelle. Durant ces années de lycée, elle avait effectué des stages d’apprentissages. Mais cette fois, elle voulait "travailler". Entre le mois de juillet et le mois de novembre, elle enchaîne deux emplois en tant qu'esthéticienne. D'abord avec l'autorisation de ses parents, jusqu'au moment où elle obtient sa patente. Après quelques mois, la jeune femme s’impatiente et veut concrétiser son rêve. Elle décide de s’émanciper non sans appréhension "puisque psychologiquement c’était un peu dur de réaliser que je n’étais plus sous la coupelle de mes parents". Motivée par son projet professionnel, Vaireva saute le pas.
L’émancipation, le long et laborieux parcours administratif
Quand on est mineur, il est possible de monter une entreprise avec l’autorisation des parents. Il s’agira alors d’une EIRL, une EURL une SASU ou une association. Pour une entreprise individuelle, une SARL ou une SA, s’émanciper est une obligation. Vaireva et sa mère, son soutien de la première heure, se rendent alors à la CCISM, la chambre de commerce et d’industrie pour ouvrir une patente.
Au moment où nous avons décidé de lui ouvrir une patente, on ne pensait pas qu’il fallait l’émanciper. Nous nous sommes renseignées sur internet d’abord, et il semblerait qu’en France, c’est possible d’ouvrir une patente à partir de 16 ans. Et nous avons pensé en toute logique que la loi s’applique également ici.
Tiare Bonardi Pater-Pothier, mère de Vaireva
Que nenni ! Le parcours est bien plus compliqué. Si vous n’êtes pas prêts à affronter les lenteurs administratives ou les va-et-vient de service administratif en service administratif, autant dire que vous vous retrouverez comme Nemo dans le grand océan…
Mais heureusement "mes connaissances, mon réseau et mon parcours personnel nous ont aidés à nous orienter et à aller un peu plus vite" défend la mère de Vaireva.
Sur le territoire, c’est le juge des affaires familiales, après avoir entendu les parties, qui décide d’émanciper les mineurs, "nous avons perdu un mois pour réunir toutes les pièces administratives et obtenir la réponse du juge", précise Tiare Bonardi Pater-Pothier.
Vaireva avoue que c’est "surtout grâce à ma mère que j’en suis arrivée là, parce que seule, je n’aurai pas pu le faire", sa mère poursuit "Vaireva est une battante, mais c’est sûr que quand tu es jeune, tu ne sais pas t’orienter. En tant que maman, c’est sûr que tu vas aider ton enfant". Ses parents la soutiennent dans tout ce qu'elle entreprend. Tiare Bonardi Pater-Pothier admet par ailleurs que lorsque sa fille a souhaité s’émanciper, elle avait quelques inquiétudes.
Lorsque ton enfant veut s’émanciper, tu n’es jamais prête. Déjà que tu appréhendes énormément le jour où ton enfant aura 18 ans, qu’il prenne son envol et tu te dis : ça y est, je l’ai perdu ! Je n’ai pas eu peur, parce qu’elle est mature et posée.
Tiare Bonardi Pater-Pothier
Le goût de l’aventure
Vaireva est consciente que l’aventure ne sera pas de tout repos, car la concurrence est rude.
Certains diront peut-être que je suis trop jeune, que je n’ai pas d’expérience. Je leur répondrai que lorsque je faisais mes études, on réalisait des stages en entreprises, et cela nous permettait d’acquérir de l’expérience et des connaissances. Il y a beaucoup de concurrence, c’est vrai, mais je compte bien me démarquer en proposant des tarifs attractifs et des formules différentes de celles qui sont déjà proposées. Je demande à ma future clientèle de me faire confiance.
Vaireva Bonardi
Heureusement, la jeune femme a pu compter sur ses parents pour l’aider à démarrer son activité. Ils ont dû souscrire un crédit pour obtenir un local, commander le matériel nécessaire et disposer d’un capital. Ce ne sont pas moins de six millions de francs pacifiques qui sont investis.
Appel au gouvernement
Son expérience, Vaireva a souhaité la partager pour encourager les jeunes à se lancer dans l’entrepreneuriat. Ils sont peut-être nombreux à vouloir travailler avant l’âge légal "mais sans connaissances, c’est difficile", déclare sa mère.
Certains ont un diplôme, ils veulent travailler mais ils ne peuvent pas parce qu’ils sont mineurs. Si le pays pouvait aider ces jeunes, pour qu’ils puissent travailler et acquérir très vite une expérience professionnelle. Ce qui est important surtout, c’est de créer une cellule pour les accompagner et les orienter.
Tiare Bonardi Pater-Pothier, mère de Vaireva