Procès Radio Tefana en appel : le délai demandé par la défense rejeté

Le procès en appel de Radio Tefana s’est ouvert ce 25 novembre. Les avocats de la défense ont pointé des questions de forme juridique, toutes rejetées. 
Le procès en appel de Radio Tefana s’est ouvert ce 25 novembre. Les avocats de la défense ont pointé des questions de forme juridique, toutes rejetées. Le fond de l’affaire, dans laquelle Oscar Temaru, Vito Maamaatuaiahutapu et Heinui Lecaill sont poursuivis pour prise illégale d’intérêt, est donc examiné.

« C’est l’affaire dans l’affaire » rappellent les avocats de la défense : l’enquête en cours autour de la protection fonctionnelle d’Oscar Temaru qui avait vu ses frais d’avocats payés par la commune de Faa’a. « Dans l’imaginaire fécond de Hervé Leroy », les avocats sont aujourd’hui soupçonnés de complicité.
 

Bras de fer entre avocats et procureur


Les conseils avaient alors été entendus par la gendarmerie en mars à Tahiti et en juin 2020 à Paris. Ils avaient dû communiquer leurs conventions d’honoraires notamment, « en violation du secret professionnel ».
D’une seule voix ce matin, ils demandent tous un sursis à statuer, le temps que « la procédure soit purgée ». « Le débat n’est pas serein, » a résumé Me Thibaud Millet, avocat de la défense. Suite à cette affaire, « la défense en première instance a explosé » a rappelé l’avocat parisien d’Oscar Temaru, Me David Koubbi, Me Gilles Jourdainne s’étant retiré. « Des quasi-voyous s’apprêtent à plaider devant vous » a plaidé Me David Koubbi, rejoint par ses confrères de la défense et de la partie civile.

« Je n’ai jamais rien vu de tel dans un procès pénal, s’est exclamé Me David Koubbi. On nous déstabilise et ça fonctionne car nous avons perdu un temps phénoménal. C’est le nom des avocats et des prévenus qui sont jetés en pâture, pas ceux du ministère public. »
Pour Me Thibaud Millet, « j’ai deux options : soit Oscar Temaru paie mes honoraires en son nom propre et ça peut être vu comme un aveu de culpabilité par le ministère public, soit c’est de nouveau une protection fonctionnelle et je m’expose à des poursuites qui menacent ma carrière. Là, je ne peux faire ni l’un, ni l’autre. »

Des arguments qui n’ont pas été retenus par la cour qui a rejeté la demande.
"On sent une inégalité des armes dans les poursuites entre la défense et le ministère public", a regretté Me David Koubbi à la suspension de l’audience. "Les droits de la défense dans ce dossier, sont bafoués depuis le premier jour et ont continué à l’être jusqu’au dernier jour de l’enquête et en parallèle de cette procédure."
 
La défense a également déposé deux Questions Prioritaires de Constitutionnalité rejetées par la Cour.
 
 

Travail d’éducation ou propagande politique ?


Le procès en appel commence donc sur le fond, en présence de nombreux partisans dans la salle d’audience et à l’extérieur du tribunal. Sur le banc des accusés : Oscar Temaru, Vito Maamaatuaiahutapu et Heinui Lecaill pour un procès hautement politique. La justice leur reproche d’avoir mis gratuitement à disposition de Radio Tefana un local et du matériel communal, mais aussi d’avoir octroyé des subventions, « à un outil de propagande du parti [Tavini Huiraatira ndlr] ».

« Les idées du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la lutte anti-nucléaire seraient, parce que monsieur Temaru partage ces idées, la source d’un délit, s’est exprimé Me Thibaud Millet à la sortie de l’audience. Et le fait de financer ces idées-là avec de l’argent public, serait illégal. C’est la position prise par la France, ce qui est absolument scandaleux quand on sait que l’ONU demande justement à la France de faire ce travail, sur fonds publics bien évidemment […] pour financer une campagne d’éducation du peuple polynésien sur son droit à l’auto-détermination, et quand c’est Radio Tefana qui le fait […], l’Etat français poursuit. »

 
Dans cette affaire, la commune de Faa’a, représentée par son 1er adjoint Robert Maker, s’est constituée partie civile. Son avocat, Me Stanley Cross, également entendu par la gendarmerie dans le cadre de la protection fonctionnelle d’Oscar Temaru, plaidera pour une partie civile qui ne s’estime pas victime : « Vous pensez que les habitants de la commune de Faa’a, qui viennent de renouveler leur confiance à Oscar Temaru au mois de mars 2020, s’estiment lésés, alors qu’il va entamer son septième mandat ? »
 
Le procès doit durer 2 jours. En première instance, Oscar Temaru avait été condamné à 6 mois de prison avec sursis et 5 millions Fcp d’amende, Vito Maamaatuaiahutapu à 3 mois de prison avec sursis et 1 million Fcp d’amende, Heinui Lecaill à 1 mois de prison avec sursis et 500 000 Fcp d’amende et Radio Tefana à 100 millions Fcp.
 
Ce jour-même, l’affaire qui oppose le procureur Hervé Leroy à Oscar Temaru est examinée à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), suite à son dépaysement, concernant la saisie de plus de 11 millions Fcp sur les comptes du leader indépendantiste.