Table ronde à Paris : archives déclassifiées et accès à l’indemnisation des victimes du nucléaire facilité

C'est à cet endroit, dans le 7e arrondissement de Paris, que se tiendra la table ronde. Ce bâtiment regroupe les services du 1er ministre, du ministère de la Mer et du ministère chargé de la Ville.
Alors que les membres de la délégation polynésienne s’apprêtent à tenir une ultime répétition de leurs interventions au cours de la table ronde sur le nucléaire, le service de presse de Matignon a livré hier quelques informations sur l’organisation de cette rencontre. 

Une rencontre au plus haut sommet, entre l’Etat et la Polynésie que la question des conséquences des essais nucléaires divise. Cette division s’avère déjà flagrante entre les attentes des Polynésiens et les concessions que s’apprête à faire l’Etat. 

Les représentants de l’Etat

 

Trois ministres du gouvernement central écouteront les Polynésiens. Il s’agit de Geneviève Darrieussecq pour le ministère de la Défense, Olivier Véran le ministre de la Santé, et Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer. Il est bien question de déclassifier quelques archives, mais tout ce qui relève du secret défense restera dans le carton des archives de la Défense. Mais cette annonce n’est pas une faveur. 

Une réforme du secret d’État 

 

C’est ce qui s’appelle une coïncidence de calendrier. Adopté par l’Assemblée nationale le 2 juin dernier, un projet de loi de lutte contre le terrorisme, dont l’article 19 concerne les archives classées par la Défense, doit être soumis au Sénat cette semaine. Ce texte qui propose une réforme du droit des archives, permettant de garder sous scellé, des documents classés secret défense, a été décrié par un collectif d’historiens, juristes et archivistes. Ce dernier a en effet déposé un recours pour demander l’accès à ces fonds. Et à l’heure où les sénateurs devraient l’examiner, une audience se tient au Conseil d’État. Son rapporteur public a déjà rendu ses conclusions, et elles  pourraient bien avoir de l’influence sur les débats parlementaires, puisqu’il demande l’annulation pure et simple de cet article. 

La décision du Conseil d’État devrait intervenir dans les prochaines semaines, et il faudra par ailleurs attendre l’issue de la table ronde pour connaître la réelle volonté de l’État, sur la consultation éventuelle des documents concernant les essais nucléaires en Polynésie. 

« Objectivation »

 

L’Etat, par la voix du chargé de communication de la Défense, voudra privilégier la notion « d’objectivation ». C’est-à-dire, ne pas oublier pour l’État que si les essais nucléaires ont eu des conséquences négatives sur la santé et l’environnement, ils ont permis aussi à la Polynésie de se développer. Ce discours, toujours prégnant, n’est plus admissible pour les membres de la délégation polynésienne, qui relève sa notion désuète.

 

Les Polynésiens de la délégation ont bien l’intention de parler de la prise en charge par la Caisse de Prévoyance Sociale de 9 000 malades, ces dernières décennies, qui auraient dû être intégralement soignés par l’Etat. Ils ont aussi à cœur de faire comprendre à quel point l’accession au dossier du CIVEN est compliquée. Comment donc vont se dérouler les débats entre un Etat qui sera également représenté par des militaires et des scientifiques du CEA, et une délégation qui a pour objectif de tourner réellement la page du dossier nucléaire ? 

« Renforcement d’accès au dispositif d’indemnisation des victimes du nucléaire »

 

Lors de ce « briefing presse », Sarah Sauneron, conseillère protection sociale et chargée du suivi de l’exécution des réformes au cabinet du ministre des Solidarités et de la Santé, a déclaré qu’un « renforcement de l’accès au dispositif d’indemnisation des victimes des essais nucléaires » sera réalisé. « Quand on entend que des victimes n’arrivent pas à prétendre au dispositif d’indemnisation, il y a un problème », s’est-elle exclamée. Mais comment va-t-il se traduire ? Il faudra, là aussi, attendre l’issue de cette rencontre. 

Pour rappel, la table ronde se tient du 1er au 3 juillet, à Matignon. Notons aussi, que l’ensemble des membres de la délégation regrettent profondément l’absence des représentants des associations de défense des victimes des essais nucléaires que sont Moruroa e Tatou et l’association 193. De son côté, le député Moetai Brotherson, après avoir laissé planer le suspense pendant plusieurs jours, a indiqué qu’il ne participera pas à la table ronde. 

En résumé, la délégation polynésienne conduite par le président Edouard Fritch attend un geste fort de l’Etat. Sera-t-il en mesure de le donner à quelques semaines de la visite du président Macron sur le territoire ? C’est tout l’enjeu de cette rencontre. 

Ecoutez Brigitte Olivier, envoyée spéciale à Paris :