Les images devraient faire parler. Benoit Moehau Tarahu, le réalisateur et producteur, a voulu tout montrer et ne rien cacher. On voit deux jeunes hommes aller à la rivière, c’est le grand jour pour eux, c’est leur circoncision.
Les deux garçons commencent par se baigner, sous le regard du tahua tehe qui les incite à se plonger complètement dans l’eau froide pour ralentir la circulation du sang et les anesthésier. Puis il montre ses instruments : le couteau, le citron, le morceau de bois.
Et il appelle le premier des garçons à s’asseoir. Il rentre le morceau de bois sous le prépuce de son sexe, jette un peu d’eau de rivière dessus et plante son couteau dans un citron pour le désinfecter.
La caméra s’approche et le tahua coupe la peau du prépuce. La coupure est nette, l’image ne tremble pas, le jeune homme se tend et souffle avec force, sans doute pour contrôler sa douleur.
L’homme verse de l’urine sur la blessure, l’entoure d’un morceau de tissu et verse ensuite de l’huile chinoise. Le garçon peut se lever et s’entourer d’un pareu. Ça y est, il est devenu un homme !
Les images sont impressionnantes mais Benoit Moehau Tarahu voulait absolument les diffuser : « Ça n’avait pas de sens d’avoir seulement des mots, il fallait des actes. » C’est en allant chez le médecin qu’il a eu cette idée de s’intéresser à la circoncision en Polynésie française. Il y a vu des prospectus sur cette pratique et s’est demandé si le rituel traditionnel existait toujours. Tehe Peritome est devenu une véritable enquête sur cette pratique : sa signification, sa pratique…La difficulté a été de trouver des garçons partants pour filmer des images dans ce moment intime et important de leur vie. Tout s’est fait grâce à la famille et aux proches. « C’est une question de confiance aussi mais les gens sont fiers de faire leur circoncision et finalement, certains ont accepté. »
Déjà diffusé sur Polynésie La 1ère, Benoit Moehau Tarahu assure que les protagonistes de son film ont eu du succès à l’école ! « Ils n’ont pas été moqués au contraire, leurs amis étaient impressionnés car ils avaient suivi le rituel traditionnel, c’est un acte de courage ! »
Au-delà du rite montré dans tous ses détails, on peut également voir une circoncision chez un médecin mais aussi mieux comprendre la signification de ce rite que tous les garçons polynésiens suivent.
Des experts culturels sont également interviewés et expliquent que le sexe des ti’i est circoncis, que c’est une pratique qui remonte à des temps très anciens et qui n’a rien à voir avec la religion.
C’est un rite de passage de l’enfance à l’âge adulte et ceux qui n’y sont pas passés sont souvent moqués : « taioro » ou encore « peau devant ».
Les jeunes sont donc heureux d’avoir été « tāpū » comme ils disent, le mot tahitien pour signifier « coupés ». On apprend également que la coupure est particulière à la Polynésie française : « C’est une incision qui n’est pas une circoncision mais une supercision », explique un médecin. La peau du prépuce n’est pas enlevée, elle est écartée. La technique du tehe, coupure longitudinale, semble bien une exclusivité polynésienne, est-il expliqué.
Benoit Moehau Tarahu est heureux de voir son documentaire sélectionné au FIFO même s’il n’est pas en compétition, cela devrait lui amener de la visibilité et du public. « Il a rappelé des souvenirs à certains… D’autres avaient un peu peur de regarder, peur d’avoir mal en voyant ces images ! Je suis curieux de voir comment le public du FIFO va réagir. »
Le prochain film de Benoit Moehau Tarahu sera « tout aussi impressionnant » que celui-ci, promet-il.