Une polynésienne, chercheuse à l'Institut Pasteur, nommée à la légion d'honneur

Anna Bella Failloux est chercheuse à l’Institut Pasteur. Enthomologiste, elle s'intéresse aux moustiques vecteurs de la dengue, du zika ou encore du chikungunya. Ses travaux ont permis une avancée dans la connaissance de ces insectes.

Après 27 ans de recherche, elle s’est vu attribuer la légion d’honneur lors de la promotion du 1er janvier dernier. D’abord surprise par l’annonce, Anna Bella Failloux doit maintenant désigner la personne qui va lui remettre sa décoration, comme prévu par le protocole : "J'ai reçu un message de la direction de l'Institut Pasteur et j'ai cru que c'était quelqu'un qui me faisait une blague. Je n'y croyais pas au début, et ce n'est qu'après que j'ai eu la confirmation comme quoi la direction de l'Institut Pasteur m'avait proposée. Cette légion d'honneur, je la dois beaucoup à ma famille et aussi à mes parents qui ont toujours cru en moi. A partir du moment où c'est la direction de l'Institut Pasteur qui a proposé mon nom, c'est à elle de me remettre cette distinction. On n'en a pas beaucoup parlé jusqu'à présent. Le mois de janvier a été très très remplI. Je pense que dans quelques semaines on va essayer de réfléchir à cet événement".

Anna-Bella Failloux a conclu ses études par une thèse sur la filariose de Bancroft (Elephantiasis), une maladie tropicale qui touche particulièrement la Polynésie. 5000 personnes souffrent de la filariose dans l'archipel. Il s'agit d'une maladie causée par un ver transmis par le moustique Aedes polynesiensis. Le ver grandit dans le corps humain et limite la circulation de la lymphe. Des personnes peuvent se trouver alors avec des jambes énormes infectées de vers, d'où l'autre nom de cette maladie : elephantiasis. Pendant 6 ans, Anna-Bella Failloux a travaillé sur la transmission de cette maladie, à l'Institut Louis Malardé à Papeete.

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A l'institut Pasteur à Paris, la jeune scientifique se voit proposer de faire un post-doctorat. Anna-Bella Failloux fonce. En 1996, elle est intégrée par concours dans ce célèbre établissement de recherches. Elle s'intéresse alors aux moustiques vecteurs de la dengue, du chikungunya et de la fièvre jaune. C'est ce que l'on appelle de la transmission vectorielle. "Le moustique femelle, et non pas le mâle,  pique pour son repas de sang environ 3 à 4 microlitres, précise Anna-Bella Failloux. Ce sang est nécessaire à la femelle pour assurer le développement de ses œufs. En même temps, elle prend des agents pathogènes chez l'homme, c'est là que le moustique devient vecteur de la dengue par exemple". 

1 milliard de particules virales

Dans son laboratoire, Anna-Bella Failloux a fait plein de découvertes. Grâce à ses travaux, aux expériences menées sur les moustiques, on en sait un peu plus sur ces moustiques qui transmettent des maladies. "La femelle moustique peut vivre entre deux et trois mois, précise Anna-Bella Failloux. Elle peut ingurgiter lors d'un repas de sang 1 milliard de particules virales. Sachant qu'elle pique 1 à 2 fois par semaine, on comprend que les épidémies peuvent se répandre très vite."


Réchauffement climatique et maladies tropicales transmises par les moustiques

Aujourd'hui, Anna-Bella Failloux se prépare à partir en Martinique où elle aimerait qu'un réseau de surveillance des moustiques se mette en place. "Ce n'est pas facile de faire travailler ensemble les Antilles avec leurs voisins anglophones". Mais il serait bon d'agir, car avec le réchauffement climatique, il risque d'y avoir probablement plus d'épidémies. "Quand la température est plus élevée et qu'il y a de l'humidité, le temps d'incubation des virus est plus rapide chez le moustique, note Anna Bella Failloux. Par exemple, pour la dengue, le moustique tigre met en moyenne 7 à 10 jours avant de pouvoir transmettre la maladie après son repas de sang, si la température se monte aux environs de 24°. Si le thermomètre affiche 30°, ce délai se réduit à 5 jours". L'étude des moustiques a donc de beaux jours devant elle.