PORTRAIT. Découvrez le destin peu commun de Karlheinz Creugnet, la Brousse au cœur

Passionné de courses hippiques, Karlheinz Creugnet, éleveur bovin, prépare ses chevaux pour la saison dans son "paradis" de Bouraké, à Boulouparis.
Karlheinz Creugnet se présente comme un "pionnier de Bouraké". Dans sa famille, installée à Boulouparis depuis cinq générations, on est éleveur de bovins et de chevaux de père en fils. Une tradition qu’il défend, tout en réfléchissant au futur de la société calédonienne. Découvrez son portrait dans Destins peu communs.

Au milieu des collines de Bouraké, une barrière grinçante annonce l’entrée de la propriété de Karlheinz Creugnet. Chapeau vissé sur la tête, chiens à ses pieds, l’éleveur de 59 ans nous reçoit chez lui, au cœur du domaine familial. "Mon arrière-arrière-grand-mère avait reçu un lopin de terre sur la Ouaménie, elle venait alors, comme beaucoup d’autres, pour l’Eldorado. On leur avait promis monts et merveilles en Calédonie et ils ont travaillé pour vivre ici, donc moi, je dis que je suis un pionnier de Bouraké, je revendique mon endroit." L’arrière-arrière-grand-père de Karlheinz est, de son côté, arrivé sur le Caillou en tant que militaire, engagé pour encadrer les convois de bagnards. "Mais il a été tellement malade lors de la traversée pour venir, qu’il a préféré rester ici plutôt que de reprendre la mer, raconte Karlheinz Creugnet, mes aïeux venaient de Charente-Maritime, ils se sont installés à Tomo en tant que commerçants, puis mes grands-parents paternels et maternels sont ensuite restés commerçants et éleveurs." Des métiers que les descendants Creugnet exercent toujours aujourd’hui. 

 

L’appel de la Brousse

 

Karlheinz, lui, a choisi la terre et le bétail. "J’ai commencé à monter à cheval à 4 ans, j’étais assis sur la selle devant mon grand-père, ce sont des souvenirs indélébiles qui se transmettent dès le plus jeune âge, j’ai toujours monté à cheval et mon fils travaille aussi aujourd’hui avec moi sur la propriété, je lui mets le pied à l’étrier." Les Creugnet, père et fils, ont pourtant un jour dû quitter Bouraké, pour poursuivre des études à Nouméa. "À 16 ans, je n’avais plus envie d’aller à l’école, mais mes parents m’ont poussé à avoir un minimum d’instruction, au moins savoir écrire un courrier, faire des commandes, alors j’ai suivi un CAP mécanique auto. Mais la Brousse était plus forte, ça me tiraillait, dès que j’ai pu revenir ici, je suis rentré à la course et j’ai commencé à tracer mon chemin." Aujourd’hui, Karlheinz Creugnet s’occupe de 400 têtes de bétail, en plus de ses cochons "pour la viande", ses poules, "pour les œufs" et ses chevaux de course, sa passion. "Mon domaine s’appelle Chez Magrin et mon écurie de courses s’appelle aussi Magrin, par respect pour les premiers à s’être installés ici pour l’Eldorado avant de repartir, car tous les pionniers ne sont pas restés", explique l’éleveur qui connaît chaque coin et recoin de son domaine. "Bouraké, c’est un paradis pour moi, mon grand-père me racontait le passé de ces terres, donc l’histoire de Bouraké, je la connais, ce n’est pas d’autres qui vont venir me l’apprendre, c’est moi qui peux leur raconter." 

 

"Avec un peu de bonne volonté, on peut faire le pays ensemble"

Reste une "vilaine page" de l’histoire que Karlheinz Creugnet voudrait ne plus jamais voir revenir : le temps des Événements. "On ne bougeait plus de la maison à ce moment-là, on ne se parlait plus non plus avec les anciens amis d’enfance, les Kanak qui avaient grandi sur la propriété, alors une grande station d’élevage." L’éleveur reconnaît qu’il fallait "peut-être des revendications agraires", tout en regrettant que de nombreuses terres soient, aujourd’hui, si peu exploitées. "On devrait pouvoir produire assez de viande et de légumes pour tout le pays, pour ça, il faut arriver à mettre la politique de côté et à se rassembler autour de l’économie, on a construit ce pays ensemble, on devrait pouvoir continuer et travailler ensemble." Pour ses bovins, comme pour ses chevaux de course, Karlheinz Creugnet aime s’inspirer des voisins australiens. "Là-bas, ils arrivent à vivre des courses hippiques et comme c’est ma passion, je suis bouche bée à chaque fois que je voyage en Australie, c’est-à-dire une à deux fois par an." Il n’a, par contre, jamais visité l’Hexagone. "J’aimerais bien, j’y pense, mais c’est loin", explique l’éleveur. Son attachement à la "mère patrie" reste pourtant essentiel pour Karlheinz. « Par contre, ne m’appelez pas Caldoche, ça ne veut rien dire ce mot pour moi, je suis de Brousse, Calédonien d’abord, Français ensuite et je souhaite, tout en étant enterré ici, mourir français ».

 

Découvrez cet épisode ainsi que tous les autres de Destins peu Communs, l'émission qui part à la rencontre de nos identités (diffusion en radio les mardis à 12h17 et rediffusé le dimanche à 12h20).