"Vie après la mort" : que dit la science ?

Selon l'étude de l'université de Southampton (Royaume-Uni), près de 39% des patients interrogés par les cherchurs se rappellent avoir eu conscience de ce qui leur arrivaiet, sans pour autant en garder un souvenir précis.
D'après une nouvelle étude menée pendant quatre ans sur 2 060 patients, le cerveau continue de fonctionner quelques minutes après la mort. Peut-on pour autant parler de vie après la mort?
"Dans les premières minutes après la mort, la conscience n'est pas annihilée." Le docteur Sam Parnia a dirigé l'étude AWARE, "la plus grande étude au monde sur les expériences de mort imminente" (EMI), aussi appelées en anglais near death experiences (NDE). Généralement, on parle d'EMI lorsqu'une personne se réveille après s'être trouvée dans un état de mort clinique ou dans le coma. Avec les progrès de la médecine, ces situations sont de plus en plus fréquentes et les témoignages se multiplient aux quatre coins du monde.
 
Les résultats de l'étude AWARE, menée pendant quatre ans sur 2 060 patients, ont été publiés, mardi 7 octobre, par l'université britannique de Southampton. Ils permettent d'affiner des hypothèses déjà formulées sur la vie dans les instants qui suivent la mort. 
 
Le cerveau est conscient plusieurs minutes après l'arrêt du cœur
 
Il y a encore quelques années, les experts estimaient que le cerveau s'arrêtait quelques dizaines de secondes après l'arrêt du cœur. En 2012 encore, ce délai était estimé à 15 secondes, précisait au quotidien régional Midi libre le docteur Jean-Jacques Charbonier, médecin anesthésiste-réanimateur, auteur de plusieurs ouvrages sur les expériences de mort imminente.
 
Mais les hypothèses sur ce laps de temps ont rapidement évolué. En 2013, une expérience menée sur des rats montre que leur cerveau enregistre une intense activité 30 secondes après un arrêt cardiaque provoqué. Cette augmentation de l'activité cérébrale, très organisée dans tout le cerveau, correspond à un état d'éveil élevé. Les conclusions font grand bruit, même si l'étude est contestée par de nombreux scientifiques qui pointent l'impossibilité de comparer l'électro-encéphalogramme d'un rat et d'un humain, ou l'impossibilité d'établir si les rats possèdent un état de conscience ou non.
 
Aujourd'hui, l'étude AWARE chiffre à trois minutes la période durant laquelle une activité consciente du cerveau humain existe après l'arrêt cardiaque. "Nous ne savons pas si elle s'estompe après, mais directement après la mort, nous sommes encore conscients. Le cerveau ne s'arrête pas quand le cœur s'arrête de battre", explique Sam Parnia.
 
Autrement dit, la question d'une redéfinition de la mort se pose. En 2013, Steven Laureys, patron du Coma Science Group, collectif de l'université de Liège (Belgique) en pointe dans les neurosciences, a déclaré dans la revue spécialisée La Recherche qu'il était nécessaire de la penser autrement. Selon lui, il ne faut plus considérer la mort "comme un événement ponctuel" mais comme "un processus qui se produit en plusieurs étapes".
 
Avec l'arrêt cardiaque, le cerveau manque d'oxygène, ce qui provoque des hallucinations
 
Que se passe-t-il dans cet intervalle entre l'arrêt du cœur et l'arrêt du cerveau ? Une lumière blanche au bout d'un tunnel, des êtres lumineux, une extrême sensation de bien-être... plusieurs éléments récurrents ponctuent les récits des personnes qui ont vécu des EMI.
 
Parfois, les témoins d'EMI affirment aussi avoir eu la sensation de quitter leur corps. Ils disent s'être observés de l'extérieur, en lévitation, avoir suivi les discussions et les actes qui se déroulaient autour d'eux. Certains racontent, par exemple, avoir vu les gestes des médecins en train de les secourir.
 
Les scientifiques reconnaissent la réalité de l'expérience des témoins. "Les EMI, c'est un phénomène physiologique qui existe et est bien réel. Les gens qui racontent cela l'ont vraiment ressenti. Sinon, il faudrait supposer qu'ils mentent. Or, il y a des milliers de témoignages !", expose Steven Laureys au quotidien belge La Libre Belgique, en 2013.
 
Reste que pour la majorité des scientifiques, l'EMI est le produit d'un cerveau endommagé. Ils pensent, comme les chercheurs du Coma Science Group, que chaque élément d'une telle expérience (tunnel de lumière, bien-être, sortie hors du corps, etc.) est provoqué par l'atteinte d'une région cérébrale spécifique, en raison du manque d'oxygène qui survient lors de tout arrêt cardiaque.
 
Ainsi, pour l'un des coauteurs de l'étude sur les rats, George Mashour, professeur d'anesthésiologie et de neurochirurgie à l'université du Michigan (Etats-Unis), la hausse de l'activité du cerveau après l'arrêt cardiaque "montre qu'une réduction d'oxygène, ou d'oxygène et de glucose lors d'un arrêt cardiaque peut stimuler l'activité cérébrale caractéristique d'un état conscient".
 
Par exemple, de nombreux scientifiques s'accordent à dire que le dysfonctionnement de l'ensemble du cerveau, et notamment du cortex pariétal droit, provoquerait cette sensation de sortie hors du corps. En 2011, Olaf Blank, un chercheur en neurosciences de l'université de Lausanne (Suisse), explique dans un article publié par le Centre américain pour les informations biotechnologiques, avoir provoqué une sensation de sortie hors du corps chez une patiente en stimulant différentes régions de son cerveau avant une opération. "L'activité cérébrale liée à ces sensations corporelles était focalisée dans le cortex pariétal, une région du cerveau bien connue pour son rôle dans la formation de l'image du corps", commente Angela Sirigu, chercheuse en neurosciences au CNRS.
 
La sensation de ralenti lorsque l'on croit mourir est due à notre mémoire qui se met à tout enregistrer
 
L'américain David Eagleman s'est penché sur cette sensation, rapportait Slate en 2010. Ce chercheur en neurosciences a utilisé avec ses étudiants une attraction qui procure des sensations particulièrement fortes : une chute libre de 3 secondes, dos au sol, avant qu'un filet de sécurité ne vous rattrape.
 
A l'issue de ces expérimentations, il estime que l'impression de ralenti décrite par certains témoins d'EMI est due à la mémoire. "Normalement, notre mémoire fonctionne comme une passoire. Nous n’enregistrons pas tout ce qui est perçu par notre système", explique le chercheur. Autrement dit, notre cerveau fait habituellement le tri entre ce qui est important et ce qui ne l'est pas.
 
Mais cela change radicalement lorsqu'un événement potentiellement fatal survient. "Si tout à coup une voiture surgit et file dans votre direction, votre mémoire ne va plus faire la distinction entre l'accessoire et l'essentiel", écrit Slate. En cause, l'activation de l'amygdale, une zone cérébrale capitale pour la mémorisation. Le cerveau enregistre alors un important volume d'informations sans les hiérarchiser. Résultat, "les événements stressants sont associés à des souvenirs plus riches et plus denses. Et plus vous avez de souvenirs sur un événement, plus vous avez l’impression qu’il a duré longtemps", expliquait déjà le chercheur en 2007, dans la revue Plos One.
 
Reste qu'il s'agit de science, et que ces hypothèses sont réfutables si des éléments tangibles permettent de les ébranler. Mais pour penser la mort, les contre-arguments ne viendront pas forcément des scientifiques. "L'avancée viendra de la philosophie, avec de nouveaux concepts logiques. Il faut de toutes nouvelles structures de pensée, un nouvel angle de vue", avance dans La Libre Belgique l'Américain Raymond Moody, psychiatre et auteur du best-seller La Vie après la vie, qui compile des témoignages d'EMI.
 
Un point de vue avisé car les philosophes sont déjà au travail. L'un d'eux, Michel Bitbol, a accordé un entretien au journal du CNRS, en février, après la sortie d'un livre sur "l'expérience consciente". Selon lui, les récits d'EMI sont à prendre au sérieux. Toutefois, il rappelle cette pensée du philosophe antique Epicure qui relativise cette idée de revenir de l'au-delà pour pouvoir en témoigner : "Quand la mort est là, nous ne sommes plus."