"Boutique chinois", un pan de la tradition réunionnaise

Indissociables de l’histoire de La Réunion, les "boutiques chinois", chers aux Réunionnais, sont des affaires de famille appelées à disparaître.
Indissociables de l’histoire de La Réunion, les "boutiques chinois" se font de plus en plus rares. Ces commerces de proximité, chers aux Réunionnais, sont des affaires de famille appelées à disparaître. Un livre retrace l’histoire de ce pan de tradition péi.

Les festivités du Nouvel an chinois s’achèvent ce week-end à La Réunion avec la célébration de la Fête des Lanternes dans le Sud. Plusieurs animations sont proposées sur le front de mer de Saint-Pierre ce samedi 15 février après midi et le dimanche 16 février.

  

Un livre dédié aux boutiques

A cette occasion, le dernier livre d’Edith Wong Hee Kam sera présenté, " Le commerce chinois à l’île de La Réunion, histoire des boutiques ". L’occasion de retracer l’histoire d’un pan de la tradition réunionnaise appelé à disparaître.

Regarder le reportage de Réunion la 1ère :

A l’occasion de la Fête des Lanternes, focus sur un des derniers propriétaires d’une boutique chinois au Tampon.

  

Route de Bérive au Tampon, une des dernières boutiques chinois de l’île

Piles, bougies, savates, alimentation ou encore articles de première nécessité, les boutiques chinois sont une institution à La Réunion. Jean-Yves Thong Chane est l’un des derniers propriétaires de ces commerces de proximité.

Sa boutique, située au Tampon sur la route de Bérive, est une affaire de famille, fondée au début du 20ème siècle par son grand-père.

Je pense qu’il est arrivé à La Réunion fin 1800, début 1900. Après c’est mon père qui a repris. Lui, il est né en 1927. Et après, c’est moi, 3ème génération. 

Jean-Yves Thong Chane, propriétaire d’une boutique chinois au Tampon

  

Un patrimoine commun

Plus qu’une boutique, le commerce est un véritable patrimoine à plus d’un titre pour Jean-Yves, qui est venu au monde dans ce bâtiment en bois sous tôle. Les gens du quartier y sont aussi attachés. Myrna, enseignante à la retraite, replonge dans ses souvenirs d’enfance à chacune de ses visites.

Ça c’est notre patrimoine, c’est nos racines, c’est nos ancêtres. Moi j’étais très attachée à ma grand-mère qui habitait à Terre-Sainte, et elle avait un carnet. Mon grand-père, il travaillait à l’équipement, donc elle ne pouvait pas payer avant la fin du mois. Il fallait attendre la fin du mois.

Myrna Fanellie, habituée du quartier

  

Un vecteur de lien social dans les quartiers

Ce que Myrna apprécie par-dessus tout à la boutique chinois, c’est " de pouvoir discuter ". Elle regrette le manque d’échange dans les nouveaux commerces du fait des " machines ".

Mais malgré le soutien d’une clientèle fidèle, les boutiques chinois sont appelées à disparaître. Peut-être que la prochaine génération ne verra pas ça, déplore Jean-Yves Thong Chane.

J’ai bien un enfant, mais comme il fait des études, je ne pense pas qu’il va reprendre. Je pense être le dernier des Thong Chane à avoir fait ça.

Jean-Yves Thong Chane, propriétaire d’une boutique chinois au Tampon

Jean-Yves Thong Chane, propriétaire d'ue des dernières boutiques chinois de La Réunion, située que la route de Bérive au Tampon.

  

Une affaire de famille appelée à disparaître

Une situation qu’a connu Henry Wong Hee Kam. Son père était propriétaire d’une boutique chinois, ainsi que d’une minoterie, une entreprise de fabrication de cigarettes et bien d’autres cordes à son arc.

Le commerce de proximité, situé à la Ravine-des-Cabris, a fermé ses portes il y a plusieurs années. Il avait ouvert vers 1935. Henry se souvient avoir été dans la boutique dès ses 6 ou 7 ans.

On allait chercher les articles que nous demandaient les grands pour servir les clients. On nous le demandait en chinois, mais on ne répondait pas. On ne parlait pas, parce que chez les Chinois, on obéit, on ne parle pas trop. Donc ce qui fait qu’on comprend le chinois, on le parle très mal.

Henry Wong Hee Kam, descendant de propriétaire "boutique chinois"

  

Un ouvrage pour retracer l’histoire des boutiques chinois

Henry Wong Hee Kam est ensuite parti faire ses études de médecine. Ophtalmologue à la retraite, il a épaulé sa sœur Edith, docteure en histoire, sinologue et enseignante de la civilisation et de la langue chinoise à l’Université de La Réunion, pour réaliser l’ouvrage consacré au commerce chinois dans l’île.

Le livre d’Edith Wong Hee Kam, "Le commerce chinois à l’île de La Réunion, histoire des boutiques", retrace l'histoire d'un pan de la tradition réunionnaise.

 

Deux périodes ont marqué l’essor du commerce chinois dans l’île, explique Henry Wong Hee Kam.

Lorsqu’il y a eu l’abolition de l’esclavage, il y a eu les engagés. Et les engagés sont venus en grand nombre de l’Inde. Donc c’était une population qu’il fallait nourrir, et les Chinois et les Zarabs s’occupaient du commerce, de la micro-circulation des aliments et des vêtements. C’est comme cela qu’est né le commerce à La Réunion. 

Henry Wong Hee Kam, descendant de propriétaire "boutique chinois"

  

L'autre événement est la seconde guerre mondiale. Lorsque les champs de betteraves ont été détruits, La Réunion a exporté beaucoup de sucre, et s’est enrichie.

En même temps est arrivée la départementalisation, ce qui fait que cet afflux d’argent a entraîné un bouleversement de la société réunionnaise et a permis aux Chinois d’établir un système de crédits.

Henry Wong Hee Kam, descendant de propriétaire "boutique chinois"

  

La fin des boutiques chinois, mais pas du commerce chinois

A la fin des années 60, l’arrivée des supermarchés et la disparition des carnets de paiement à crédit ont contribué à l’effacement progressif des petites boutiques chinois du paysage réunionnais. L’ouvrage d’Edith Wong Hee Kam met toutefois en lumière la loi de Lavoisier : " rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ", même le commerce chinois.

Il y a des grandes boulangeries, il y a des grands supermarchés, donc les Chinois sont toujours présents dans la vie des Réunionnais.

Henry Wong Hee Kam, descendant de propriétaire "boutique chinois"