Célébrer les morts dans la culture chinoise : Jean-Philippe Chow-Wing-Bom honore ses ancêtres tous les jours

Rencontre avec Jean-Philippe Chow-Wing-Bom, qui honore ses ancêtres tous les jours
A Sainte-Anne, Jean-Philippe Chow-Wing-Bom a perdu son père il y a cinq ans. Le 1er novembre, il se rendra au cimetière sur sa tombe. Mais c'est loin d'être le seul rituel qu'il effectue pour rendre hommage à ses proches disparus.

A l'approche de la Toussaint, à chaque famille sa façon d'honorer les disparus. Fleurir les tombes, disposer des offrandes dans les cimetières ou dans les foyers, se réunir entre proches pour discuter de ceux qui sont partis... Certaines communautés, à La Réunion, possèdent leurs propres rites pour rendre hommage aux morts.

C'est le cas de Jean-Philippe Chow-Wing-Bom, qui n'attend pas le 1er novembre pour penser aux défunts : il célèbre la mémoire de ses aïeux tous les jours.

Regarder le reportage de Réunion La 1ère : 

Jean-Philippe honore ses ancêtres tous les jours dans la tradition chinoise ©Réunion la 1ère

Le Saint-Annois, plus connu sous le nom de "monsieur Toutou", possède chez lui, dans sa salle à manger, un autel dédié aux ancêtres. Pas de photo, mais uniquement des caractères chinois inscrits sur du papier rouge, renseignant le nom des ascendants et leur date de naissance et de décès.

Rencontre avec Jean-Philippe Chow-Wing-Bom, qui honore ses ancêtres tous les jours

 

Des bâtons d'encens allumés chaque jour

Chaque matin, et chaque soir, il observe le même rituel : allumer trois bâtons d'encens, et s'incliner devant l'autel, les mains en prière, en signe de respect à ses ancêtres et ses parents décédés.

Le nombre de bâtons d'encens n'est pas le fruit du hasard : un pour le bonheur, un pour la santé, et un autre pour la prospérité. "L'encens c'est une sorte de nourriture que nou apporte a zot", explique-t-il.

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Pas de bonne journée sans ce rituel

Sans ces quelques minutes  qui marquent le début de chacune de ces journées, Jean-Philippe explique qu'il ne passerait pas une bonne journée. 

"Si mi vien pas là, mi lé pas bien du tout, et dans la journée mi lé pas à l'aise. I faut absolument mi rend' hommage à mes ancêtres et à mes parents. C'est une coutume. Ma la été éduqué comme ça". 

Jean-Philippe Chow-Wing-Bom

Pas de tristesse chez lui pendant ces moments de respect, au contraire : "C'est là que mi sens a moin le mieux !".

Rencontre avec Jean-Philippe Chow-Wing-Bom, qui honore ses ancêtres tous les jours

 

Avoir la bénédiction des ancêtres

D'ailleurs, il garde en tête cette idée que son père, décédé il y a cinq ans, et ses ancêtres de manière générale, veillent toujours sur lui. Le culte des ancêtres remonte à plusieurs millénaires en Chine. Il est pratiqué afin d'attirer la bienveillance et la bénédiction. "Dans ma mémoire, dans mon coeur, zot lé toujours présents. Mi parle ek zot, mi demande a zot de protège a nou", sourit Jean-Philippe Chow-Wing-Bom.

La "Toussaint chinoise" au mois d'avril

Le commerçant de Sainte-Anne tient une boutique à quelques dizaines de mètres du cimetière où repose son père. Comme des milliers de Réunionnais, ce vendredi 1er novembre, il viendra fleurir les tombes, pour la "Toussaint catholique", comme il l'appelle. La semaine suivante, il reviendra pour une cérémonie, bouddhiste cette fois-ci. 

Mais la "Toussaint chinoise" elle, a lieu en avril, mois des morts, vers le 4 ou le 5. A cette occasion, des offrandes de nourriture sont disposées sur les tombes des défunts. Tout comme pour le jour anniversaire de leur décès.

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Une grande cérémonie dans la ville natale de son père décédé

Jean-Philippe Chow-Wing-Bom attend avec impatience la prochaine fête des morts chinoise, en avril 2025. Il a prévu un voyage en Chine, dans la ville d'origine de son papa, Shunde. Là, la famille organisera un grand rituel funéraire, qui n'a pas pu être réalisé avant, notamment avec la crise Covid qui a contraint les déplacements pendant un certain temps. 

"On n'a pas pu faire la cérémonie avant, alors on a choisi ce moment-là. Qu'importe le temps, c'est le geste qui compte"

Jean-Philippe Chow-Wing-Bom

Ce jour-là, la cérémonie sera "plus intense", souligne le commerçant. Dans un cimetière de la ville natale de son père, des bâtons d'encens et des pétards seront allumés, après une prière dans un temple bouddhiste à Hong Kong et plusieurs jours de repas strictement végétariens. 

Redonner aux morts le même confort que sur terre

Des représentations en carton et en papier des effets personnels du défunt seront brûlés dans un grand bac : maison, voiture, téléphone, et autres biens que le père de Jean-Philippe possédait de son vivant. Leur fumée, en montant vers le ciel, apportera toutes ces choses aux morts. 

"Monsieur Toutou" sera alors serein et rassuré d'avoir offert à son papa tout ce qu'il lui fait dans l'au-delà : "C'est pour que mon papa repose en paix, et que li retrouve là-haut son confort que li navé ici".