Chaque jour, dans les locaux de Cyclea d'énormes volumes de déchets issus de nos poubelles jaunes sont triés. "On en retire les matières valorisables comme le vieux papier, le carton, les matières plastiques comme les bouteilles PET et PEHD, et les refus issus des collectes", explique Alexandre Gourbin, responsable exportation chez Cyclea.
Le reportage de Réunion La 1ère :
Mais à l'heure actuelle, l'étape de la revalorisation n'a pas lieu sur l'île, mais dans ce qu'on appelle des "exutoires", dans des pays tiers. C'est pourquoi la crise de la mer Rouge a des conséquences sur l'activité de l'entreprise actuellement.
Délais d'expédition impactés
Bateaux moins réguliers, congestion des ports et des flux maritimes, notamment dans l'océan Indien... impactent les délais d'expédition des containers. Car, comme l'explique Alexandre Gourbin de Cyclea, "la globalité de nos tonnages produits sont destinés à des usines européennes en vue de leur recyclage".
"Les événements en mer Rouge et la congestion du trafic maritime dans la zone océan Indien et dans les ports font que nos délais d'expédition, d'approvisionnement et de stockage sont actuellement rallongés, ce qui engendre des surcoûts pour notre entreprise"
Alexandre Gourbin, responsable exportation chez Cyclea
Des bouteilles en plastique à recycler en Europe
Exemple avec ces bouteilles de plastique PET (polytéréphtalate d'éthylène) qui doivent prendre la mer pour rejoindre l'Europe, mais qui sont bloquées ici. "Ces bouteilles sont destinées à la plasturgie européenne, à destination d'une usine française, en vue de leur recyclage. Elles vont être transformées pour redevenir des bouteilles plastiques", montre-t-il devant un container plein de plastique compressé.
Une expédition toutes les deux ou trois semaines
Or, depuis le conflit en mer Rouge, concernée par des attaques de rebelles Houthis, les bateaux sont moins nombreux, relate Laurent Blériot, le directeur général de Cyclea : "Nous avions deux à trois bateaux qui passaient tous les mois pour pouvoir récupérer la matière et la ramener vers nos exutoires. Avec cette problématique en mer Rouge, tout le schéma de circuit maritime a évolué : on a moins de bateaux qui viennent à La Réunion". Aujourd'hui, la cadence est passée à une expédition toutes les deux à trois semaines.
D'où le recours à des quais de débordement. "Certaines matières peuvent se retrouver à Port-Louis, d'autres à Durban et ces ports sont aujourd'hui saturés", poursuit Laurent Blériot.
Acheminement plus long via le Cap de Bonne Espérance
L'acheminement vers l'Europe est aussi plus long, dès lors qu'il n'est plus question de passer par le canal de Suez et la mer Rouge, zone en conflit. L'itinéraire alternatif passe par le Cap de Bonne Espérance, contournant l'Afrique du Sud avant de remonter vers l'Europe.
"La tension internationale qui touche la mer Rouge impacte directement notre territoire puisque les schémas de circuit maritime ont changé, les bateaux passent beaucoup moins par le canal de Suez, (...) la plupart se redirige vers le Cap de Bonne-Espérance. Ça vient rallonger le transport maritime. Jusqu'à présent pour ramener nos produits en Europe on mettait en moyenne 45 jours, aujourd'hui le temps d'acheminement a été doublé"
Laurent Blériot, directeur général de Cyclea
Surcoûts
Apparaissent alors des surcoûts, dûs au stockage et à la gestion logistique. "Ça a aussi un coût pour les clients et par rapport aux cours mondiaux des matières premières secondaires que sont les déchets", précise Alexandre Gourbin, le responsable exportation.
Un quota de déchets par bateau
Le président du directoire du Grand port maritime de La Réunion, Eric Legrigeois, confirme que cette filière a pu connaître quelques perturbations dans leur exportation, "parce que les compagnies maritimes ont un contingentement par bateaux en termes de nombre de containers de déchets".
"Le rythme d'export à La Réunion a pu être impacté. Ca dépend de la politique de chaque compagnie, notamment pour les déchets dangereux. Chaque port a ses propres contraintes sur le trajet, et ça peut affecter les exports de déchets".
Eric Legrigeois, président du directoire du Grand port maritime de La Réunion
"Pas de conséquences particulières"
En revanche, pas de perturbations notoires sur le mois de janvier, affirme-t-il. "L'arrivée des navires est un peu moins prévisible qu'auparavant. Au-delà de ces perturbations liées à l'arrivée et au départ des navires, en janvier, on n'a pas eu de conséquences particulières à ce stade", souligne le président du directoire du Grand port maritime de La Réunion.
La hausse des prix crainte par les consommateurs et les entreprises, est quant à elle "éventuelle en fonction des taux de fret fixés par les compagnies maritimes", achève-t-il.
Attaques de rebelles Houthis
Pour rappel, depuis la mi-décembre 2023, des attaques de rebelles Houthis sont constatées sur des bateaux, dans la zone du canal de Suez en mer Rouge. Un conflit qui a eu pour conséquence un changement de route maritime pour de nombreux bateaux de fret.
Or, la mer Rouge et le canal de Suez voient passer chaque année 12% du commerce maritime selon Franceinfo, soit 20 000 bateaux qui y transitent pour relier l'Europe et l'Asie, certes, mais également l'Europe et La Réunion.
La Réunion dépendante du trafic maritime
A noter que la majeure partie des marchandises arrive à La Réunion par bateau. "Nous dépendons à 95% du fret maritime pour les produits que nous recevons, fret maritime qui passe en grande partie par le canal de Suez", avait rappelé Jérôme Filippini en décembre. Selon la CCIR, 73% des imports viennent d'Europe, et passent donc habituellement par le canal de Suez. Une cellule de crise a été ouverte par la préfecture pour gérer les impacts de ces perturbations à La Réunion.