C'est une des voies maritimes les plus importantes pour le trafic commercial : la mer Rouge et le canal de Suez voient passer chaque année 12% du commerce maritime selon Franceinfo, soit 20 000 bateaux qui y transitent pour relier l'Europe et l'Asie, certes, mais également l'Europe et La Réunion.
Depuis quelques semaines, ce trafic maritime est bouleversé par le contexte géopolitique tendu : des rebelles Houthis s'attaquent à des bateaux dans la zone du Canal de Suez, en mer Rouge.
Les explications de Réunion La 1ère :
95% des marchandises arrivent par la mer
Ce conflit n'est pas sans conséquences sur La Réunion, d'autant que la majeure partie des marchandises arrive sur l'île par bateau. "A La Réunion nous dépendons à 95% du fret maritime pour les produits que nous recevons, fret maritime qui passe en grande partie par le canal de Suez", a rappelé Jérôme Filippini ce vendredi après-midi. Selon la CCIR, 73% des imports viennent d'Europe, et passent donc habituellement par le canal de Suez.
Les acteurs économiques et institutionnels réunis
C'est pourquoi le préfet de La Réunion, a décidé de réunir "l'ensemble des acteurs économiques et institutionnels concernés par la crise du canal de Suez". Il s'agit de "faire le point sur ses impacts à La Réunion et examiner toutes les mesures préventives qui peuvent être prises".
Une cellule de crise
Jérôme Filippini a ainsi décidé de la création d'une cellule de crise, ce vendredi 22 décembre 2023, pour gérer les impacts éventuels de cette situation.
Cette cellule de crise est pilotée par le cabinet du préfet et réunit les chambres consulaires, les partenaires de l'économie portuaire, ainsi que les acteurs institutionnels que sont la Région, le Département et les services de l'Etat. Elle aura vocation à "se réunir aussi souvent que nécessaire", et une nouvelle rencontre est prévue début janvier.
Suivre la situation et ses impacts
L'objectif de cette cellule de crise sera entre autres de "connaître la situation et la suivre sur la durée". Elle s'intéressera également aux conséquences pour le Grand port maritime, qui sera amené dans les semaines à venir à gérer les conteneurs différemment, et aux conséquences sur les entreprises, si leurs coûts étaient amenés à augmenter.
Evidemment, le préfet s'est dit aussi attentif à l'impact possible sur les prix pour les consommateurs réunionnais à moyen terme, si la crise venait à durer.
"On ne sait pas dire si cette crise du canal de Suez va durer une semaine, un mois, un an et quel impact elle va avoir sur le trafic maritime"
Jérôme Filippini, préfet de La Réunion
Pas encore de conséquences à La Réunion
Toujours est-il que l'affolement n'est absolument pas de mise, rassure Jérôme Filippini. Car pour l'instant, la situation dans le canal de Suez n'a "pas encore d'impact réel" à La Réunion. Mais il vaut mieux anticiper, fait comprendre le préfet. "On a souhaité se réunir très vite. (...) Pour arriver à gérer une crise, il faut savoir et connaître", explique-t-il.
"On ne nie pas la réalité, en revanche il ne faut pas crier avant d'avoir mal et ne surtout pas sur-réagir à une situation qui est aujourd'hui maîtrisée, connue, et qui va être pilotée dans la durée. Il faut simplement la suivre en responsabilité"
Jérôme Filippini, préfet de La Réunion
Pas de "crise immédiate"
"Nous ne sommes pas en situation de crise immédiate. C'est plutôt une cellule d'anticipation", complétait à son tour Pierrick Robert, président de la Chambre de commerce et d'industrie de La Réunion, invité sur le plateau de Réunion La 1ère.
Les précisions de Pierrick Robert, invité du JT de Réunion La 1ère :
En tout cas, pas d'inquiétude à avoir concernant l'approvisionnement des commerces pour les fêtes, assure la CCIR. Si la crise du canal de Suez venait à durer, c'est "d'ici le mois de février prochain" que des impacts pourraient être ressentis à La Réunion, selon Pierrick Robert. "Il y a un contournement, mais aujourd'hui il n'y a pas d'arrêt du trafic maritime", rappelle-t-il.
Afin de garder un oeil sur la situation, début janvier, une étude sera demandée à la cellule de crise "auprès des entreprises pour connaître l'impact sur les coûts et les délais d'approvisionnement", assure le président de la CCIR.
Un passage par le Cap de Bonne Espérance
Le trafic maritime, s'il veut éviter le canal de Suez, est contraint d'emprunter une autre route : il doit contourner toute l'Afrique par l'ouest et l'océan Atlantique, puis passer par le Cap de Bonne Espérance au sud de l'Afrique pour déboucher dans l'océan Indien.
Plus long, plus coûteux
Ce détour de plus de 10 000 km augmente donc le temps de transport d'environ "une grosse semaine de plus", disait le président du Cluster Maritime Français interrogé par nos confrères de France 2 il y a quelques jours. Les coûts sont aussi impactés, puisque le trajet nécessite plus de carburant. Mais cette hausse devrait être modérée puisque dans le même temps, les navires commerciaux ne paient plus la taxe de péage du canal de Suez, qui pouvait parfois s'avérer très élevée, selon Frédéric Moncany de Saint-Aignan, président du Cluster Maritime Français. D'après un expert interrogé par nos confrères du Monde, le surcoût dû à ce changement de route maritime devrait être compris entre 5 et 10%.
Attaques de rebelles Houthis
Les tensions ont commencé à se faire sentir depuis l'offensive israëlienne dans la bande de Gaza. Les Houthis, des rebelles chiites du Yémen soutenus par l'Iran, ont attaqué plusieurs bateaux en mer Rouge, au niveau du détroit de Bab-el-Mandeb, point de passage entre la mer Rouge et le golfe d'Aden situé entre le Yémen et Djibouti. Les rebelles Houthis affirment agir en "soutien au peuple palestinien" selon leur porte-parole, dans une revendication début décembre.
Plusieurs armateurs mondiaux ont donc décidé de retirer leur flotte de la zone et d'y suspendre leur trafic. Cette semaine, une coalition internationale de dix pays, dont la France et les Etats-Unis, a été formée afin de lutter contre les attaques.