Vers une reprise épidémique à La Réunion? La question a été posée au Pr Patrick Mavingui, invité de la matinale de Réunion la 1ère. S’il considère que la situation s’améliore d’une manière générale, il constate une légère reprise du nombre de cas cette semaine.
Le directeur de recherche au CNRS, épidémiologiste et directeur de l’UMR PIMIT, l’Unité Mixte de Recherche Processus Infectieux en Milieu Insulaire Tropical, souligne la diminution de la pression hospitalière mais insiste sur la nécessaire vigilance à maintenir. L’apparition de sous-variants reste une source de préoccupation.
Où en sommes-nous ?
Les autorités sanitaires et gouvernementales ont déclenché une certaine forme de désescalade. Cela peut se justifier quand on regarde l’ampleur de par où on est venu, mais il faut quand même rappeler que l’épidémie n’est pas encore finie. Il est vrai qu’à l’heure actuelle, le variant Omicron est le variant dominant, en plus on a deux sous-variants dans les variants dominants : le BA1, le premier arrivé en terme d’Omicron, et maintenant BA2, qui a une vingtaine de mutations de plus que BA1 et qui est un peu plus transmissible.
Ce qui veut dire que cela continue à circuler dans les populations. Donc, plan de désescalade, oui, mais avec prudence, et d’ailleurs les autorités le savent.
Desserrer les contraintes dès maintenant, c’est un bon pari ?
Oui, c’est un bon pari, mais rappelez-vous la référence c’est la pression hospitalière. Tous nos collègues qui ont tenu la barre pendant longtemps au CHU considèrent qu’on a une amélioration qui est nette. On a 6 décès, on était à 14, on descendu à 9. Bon, on peut dire qu’effectivement la pression hospitalière est diminuée aussi par rapport aux hospitalisations. Et d’ailleurs, les programmations des autres interventions qu’on appelle "banales" ont repris, ça veut dire quand même qu’il y a une amélioration.
Mais, on rappelle qu’on a encore un taux d’incidence qui est supérieur à 1 000, à c’est très important. Et sans alerter, sans faire de panique, on a quand même l’apparition des mutations qui continue. En Europe, mais en particulier en métropole, on a un recombinant qui est entre Delta et Omicron, qui est apparu. Il y a une quarantaine de cas, ce qui veut dire que le virus continue à mute, et il y a des possibilités de recombinaison. Donc, on n’est pas à l’abri d’un rebond. Donc il faut encore maintenir un tout petit peu certaines mesures barrière jusqu’à ce que on est une assurance vie qui montrerait qu’effectivement on est peut-être passé à une épidémie qui serait plutôt grippale et pas avec des hospitalisations encore.
Le virus et ses mutations sont-ils encore plus dangereux ?
On n’est jamais à l’abri. L’épidémiologie nous montre que plus le virus gagne en transmissibilité, il a tendance à diminuer en termes de virulence. C’est ce qui a été démontré jusqu’à l’apparition de Omicron. Quand je vous parle de possibilité de recombinaison, avant c’était théorique, maintenant on sait que c’est possible à partir du moment où il y a deux virus qui sont un peu différents et qui se retrouvent dans une même cellule.
Toute recombinaison, toute mutation, peut faire émerger un variant plus virulent. En tout cas, ce n’est pas le cas. Ce qui est important, c’est de vérifier ces apparitions. C’est pour ça qu’à La Réunion, on a développé un suivi. L’intérêt c’est d’avoir une surveillance génomique qui permettra de suivre l’apparition éventuelle de variants et de vérifier si cette variation entraîne une dangerosité beaucoup plus importante, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.
On continue à rechercher des variants ici, à La Réunion ?
Bien sûr. Chaque semaine, notre laboratoire reçoit des échantillons de laboratoires privés, mais aussi au CHU de La Réunion, on continue à séquencer. C’est très important au niveau national, mais aussi à La Réunion. On doit maintenir ce rythme-là d’ailleurs jusqu’à ce qu’on puisse comprendre si l’épidémie est totalement maîtrisée ou pas.
Pour l’instant, il y a une baisse, mais on n’est pas en dehors de l’épidémie. On le rappelle.