Les planteurs, ces derniers jours, n'ont eu de cesse de le rappeler : leurs cannes sont matures, prêtes à être coupées. Mais la coupe ne pourra débuter que fin juillet, avec plusieurs semaines de retard. Alors depuis les routes, on peut ces temps-ci voir les champs de canne en attente d'être récoltées et amenées vers l'usine. De quelles variétés s'agit-il ?
Regardez le reportage de Réunion La 1ère :
Depuis 1929
A La Réunion, c'est le centre de recherches Ercane qui depuis 1929 est chargé de la sélection variétale des cannes qui occupent plusieurs milliers d'hectares de notre territoire. Dans les locaux de cette structure, c'est toute une collection de variétés historiques qui est précieusement conservée. On y trouve des variétés anciennement cultivées, mais qui ont aujourd'hui été remplacéees par d'autres plus performantes ou moins vulnérables aux maladies, crées par Ercane.
"On les garde parce qu'on n'a pas envie de les perdre, les gens y sont attachés, et on n'est pas à l'abri de devoir les réutiliser en croisement, parce qu'elles sont porteuses de gênes de résistance par rapport à telle ou telle maladie".
Thomas Dumont, ingénieur agronome et responsable de la création variétale chez Ercane
100 000 variétés créées chaque année
Au sein de ce centre de recherches dédié à la filière canne, des ingénieurs s'appliquent chaque jour à créer et tester des milliers de variétés différentes, jusqu'à pouvoir identifier celles qui apporteront "plus de résistance et de productivité". Chaque année, 100 000 variétés différentes sont créées chez Ercane ! "Mais 90% sont de mauvaises variétés, on fait le tri", explique Thomas Dumont, ingénieur agronome et responsable de la création variétale chez Ercane.
15 ans de travail
Un travail long, puisqu'environ quinze années sont nécessaires pour identifier "une ou deux variétés intéressantes qui seront proposées aux planteurs".
"Globalement, on travaille sur des cycles de 12 à 15 années, la création variétale prend du temps, car il s'agit de faire le tri. La canne est aussi une culture semi-pérenne, on la récolte sur plusieurs années successives, c'est pourquoi il faut qu'on les évalue dans le temps".
Thomas Dumont, ingénieur agronome et responsable de la création variétale chez Ercane
Onze variétés au catalogue
Aujourd'hui, le catalogue d'Ercane comprend au total onze variétés de cannes différentes. Mais toutes ne sont pas accessibles aux planteurs réunionnais, puisque seulement deux à trois variétés conviennent aux conditions de culture de chacun, en fonction notamment de la région où ils se trouvent.
Pas les mêmes cannes dans l'Est et dans l'Ouest
Ainsi, on ne trouvera pas la même canne à Saint-André et à Saint-Paul, ou encore dans les hauts et dans les bas. Chaque variété créée par Ercane est spécifique à un environnement défini, qu'il s'agisse d'une zone irriguée, littorale, dans les hauts... Si la plus répandue est la R-579, indiquée dans les zones littorales humides ou irriguées, d'autres sont désormais plantées de façon importante. "Sur les cinq ou six dernières années, trois variétés majeures ont été libérées", note Thomas Dumont. Les planteurs des hauts de l'Est peuvent donc compter sur la R-585, compétitive face à l'enherbement, et ceux des hauts de l'Ouest sur la R-586, conçue pour être plantée dans des zones en altitude, très sèches et froides l'hiver.
La variété historique en déclin
Une autre, la R-587, a connu un très bon développement mais a dû faire face à la rouille orangée, une maladie qui n'était pas présente à La Réunion lors du développement de la variété, et qui l'a impactée. Quant à la variété historique, la R-570, elle tend à décliner en termes de surface, mais reste présente.
Des stations expérimentales partout sur l'île
A chaque fois qu'une nouvelle variété intéressante est identifiée, après une quinzaine d'années de tests et d'observations, elle est multipliée par le centre de recherches. Ce dernier dispose de plusieurs stations expérimentales sur l'île pour tester les variétés dans plusieurs types de conditions environnementales. La plus importante d'entre elles se trouve à la Mare, sur 40 ha. Des boutures sont ensuite distribuées aux planteurs intéressés, pour qu'eux l'expérimentent à leur tour.
La floraison, un critère important
Leur objectif ? Créer la canne parfaite : celle qui a un rendement important, qui dure dans le temps, qui a du sucre et résiste aux maladies, mais aussi qui est droite pour être plus facile à couper... et qui ne fleurit pas ! Saviez-vous que ce dernier critère était pris en compte dans le travail de sélection variétale des ingénieurs ? Car qui dit floraison dit moins de rendement. C'est pourquoi on voit de moins en moins de fleurs de cannes pointer au-dessus des champs à cette période de l'année.
"Dans le travail de sélection, on contre-sélectionne la floraison. Une variété qui fleurit naturellement entre mai et juillet, c'est une variété qui est potentiellement intéressante à couper en début de campagne, mais si vous la coupez en novembre ou décembre, ce sera une variété qui aura totalement arrêté de pousser depuis juillet : le rendement sera inférieur à celui d'une variété qui n'aura pas fleuri"
Thomas Dumont, responsable de la création variétale chez Ercane
L'ingénieur agronome participe ainsi à un investissement sur le long terme. "Ces variétés qu'on crée aujourd'hui seront utilisées par la génération prochaine", souligne-t-il. La filière peut donc encore espérer un bel avenir, avec peut-être, la canne parfaite.