GRAND ANGLE. 8000 Réunionnais sont atteints de troubles du spectre de l’autisme. Zoom dans le grand angle de Réunion la 1ère Radio

Grand Angle Réunion la 1ère Radio - Autisme
Les troubles du spectre de l’autisme touchent près de 8000 Réunionnais. Sur le territoire, 70% des personnes concernées ne seraient pas diagnostiquées. Qu’est-ce que l’autisme ? Comment vivre avec ce handicap ? Quel accompagnement ? C’est l’objet du grand angle de la semaine sur Réunion la 1ère Radio, ce vendredi, à partir de 18h.

Entre 7 et 8000 Réunionnais sont atteints de troubles du spectre de l’autisme. 70% d’entre eux ne seraient pas diagnostiqués. Focus sur ce trouble neurodéveloppemental avec des portraits d’autistes et de leurs proches, dans le grand angle de la rédaction de Réunion la 1ère Radio.

Il est diffusé ce vendredi 5 avril 2024, à partir de 18h sur nos ondes

 Ecoutez l'extrait du grand angle dédié à l’autisme :

“C’est un peu comme si j’étais normal”

Maël est autiste Asperger, un trouble neurobiologique diagnostiqué à l’âge de 11 ans. Ce jeune Portois n’a aucune déficience intellectuelle, son handicap affecte principalement ses interactions sociales. Échanger avec les autres est l’une de ses plus grandes difficultés, à 18 ans, il commence à peine à s’ouvrir aux autres. “J’avais beaucoup de difficultés à discuter, mes parents m’ont beaucoup aidé. Aujourd’hui ça va, j’ai des amis et j’arrive à parler aux inconnus”, raconte Maël. 

C’est comme si j’étais, entre guillemets, normal.

Maël

Le TSA, trouble du spectre de l’autisme, dont souffre Maël a obligé ses parents à adapter leur quotidien. Pendant son enfance, “on échangeait beaucoup avec le regard, Maël restait toujours dans son coin. A l’école, il prenait plus de temps que les autres enfants à réaliser ce qui était demandé”, confie sa mère Lauriane.

Aujourd’hui, baccalauréat en poche, Maël est en service civique depuis cinq mois au complexe sportif Lambrakis au Port. Il est chargé de communication: Je fais des montages vidéos pour les réseaux sociaux de l’association sportive, explique-t-il. Je ne sais pas si c’est lié à l’autisme, mais je suis très créatif, c’est une qualité que les gens aiment chez moi”, sourit Maël. 

Un combat quotidien 

Maël évoque très peu son handicap, il n'en voit pas l'intérêt. “Si je pars en colonie, j’en parle aux équipes, mais le week-end dernier j’ai fait un stage de cinéma, pour réaliser un court-métrage en deux jours. Je n’ai pas jugé utile de le dire et personne ne l’a remarqué”, assure le jeune homme. Maël craint aussi les remarques désobligeantes : “Souvent les gens jugent et disent que les personnes autistes ne sont pas normales, regrette-il. "

Généralement on est exclu parce qu’on ne parle pas beaucoup, on dit qu’on est bizarre.

Maël

D'après sa mère Lauriane, Maël a “un mode de fonctionnement propre à lui”. Il ne voit pas d'utilité à interagir avec les autres sauf si ça touche ses centres d’intérêts. “Il ne voit pas non plus l’intérêt d’argumenter. A la maison on lui demande toujours de développer ses propos, on essaie de creuser au maximum, mais c’est une charge mentale en plus pour lui et pour nous ses parents”, explique la mère de famille. 

Quels signes ? 

L’autisme est un trouble qui affecte l’ensemble du développement. Les professionnels de santé parlent de troubles du spectre de l’autisme car ce handicap a des caractéristiques qui diffèrent selon les cas. D’après Stéphane Daviet, éducateur spécialisé au Centre Ressources Autisme de Saint-Leu, pour pouvoir parler d’autisme, on doit retrouver deux éléments.

D’abord des difficultés d’interactions sociales, que ce soit au niveau de la communication ou de la compréhension. Cela inclut aussi tout ce qui est comportement stéréotypé, avec des intérêts restreints. Il y a des particularités comportementales avec des alignements d’objets par exemple ou des focalisations sur des thématiques. ça peut être regarder une machine à laver tourner pendant des heures, ou un intérêt pour les lignes de bus.

Stéphane Daviet, éducateur spécialisé au Centre Ressources Autisme de Saint-Leu

L’autisme est un handicap qui peut être invisible, “notamment chez les femmes car elles ont des particularités de l’autisme beaucoup plus atténuées, elles creusent davantage les raisons pour lesquelles elles ont du mal à interagir et à s’intéresser à certains sujets”, ajoute Stéphane Daviet. 

Le monde professionnel 

A La Réunion, selon les dernières statistiques, plus de 8000 personnes en situation de handicap sont inscrites à Pôle Emploi. Les entreprises de plus de 250 salariés sont soumises à un taux d’emploi obligatoire de 6%. 

Riana Rarivo, 35 ans, est bien intégré dans le monde professionnel. Il prépare un bachelor en ressources humaines à la Chambre de Commerce et d’Industrie et travaille en alternance en tant qu’assistant administratif à La Région. Ce Suzannois est autiste de haut niveau, son handicap lui permet de travailler, d’entretenir des relations et de masquer ses traits autistiques. On savait que j’étais différent mais on n’a pas pensé à l’autisme”, confie Riana Rarivo. Il a aussi des difficultés à écrire dû à un handicap moteur ainsi que des soucis de concentration. 

Le diagnostic de l’autisme tombe lorsque Riana Rarivo a 25 ans, pendant ses études de biologie. Ce trentenaire estime primordial de sensibiliser au maximum à l’autisme.

C’est très important d’informer au mieux les employeurs, qu’ils sachent que pour certains cas, des adaptations sont indispensables.

Riana Rarivo

Au début de son alternance, Riana Rarivo avait des aménagements d’horaires et des pauses régulières mais il ne souhaite plus en bénéficier, il se“considère comme les autres, il n’y a pas de différence”.

Un diagnostic lent

Le quotidien de Maeva Martini est bien rythmé. Son fils Gabriel, 8 ans, est autiste sévère, non-oralisant. “Mon fils est très très très dynamique, il passe ses journées à grimper et sauter tout le temps”, raconte Maeva Martini. Le diagnostic a été tardif pour Gabriel, or, dès les premiers mois de vie de son fils, Maeva Martini perçoit quelques signes. Gabriel était tout le temps dans sa bulle, souvent déconnecté des autres. La mère de famille déplore le manque d'écoute de certains professionnels de santé.

Chaque fois que je faisais part de mes doutes à la pédiatre, elle me disait qu’il est petit et que chaque enfant évolue à son rythme.

Maeva Martini

Lorsque le diagnostic de l’autisme est posé, “c’est le saint graal car c’est le diagnostic qui débloque tout, cela permet d’avoir des aides de la MDPH, la maison départementale des personnes handicapées”, explique la mère de Gabriel. Elle fonde l’association Blue Family et partage son expérience avec les autres parents d’enfants autistes. 

Et la scolarité pour les autistes ? 

“Aujourd’hui la propreté de Gabriel n’est pas acquise mais on a de la chance de tomber sur des écoles ouvertes d’esprit et bienveillantes”, confie Maeva Martini. Gabriel est scolarisé depuis ses trois ans et a droit à une AESH-i, une accompagnante d’enfant en situation de handicap individuelle. 

La situation est plus complexe pour Eymeric, 18 ans, en CAP au lycée professionnel Cluny à Sainte-Suzanne. Il est autiste non-verbal et a une incapacité supérieure à 80%. Son AESH-i a été affectée dans un autre établissement, il manque donc deux jours de classe par semaine car n’est pas autonome. “Aberrant” estiment ses parents, également présidents de l’association Enfants Autistes 974, Le Nouvel Écolier.“ C’est la double peine, doublement handicapé !”, s’indigne Aurore Lauret-Stepler, sa mère.

On aimerait que l’Education nationale respecte la loi, il faut qu’il ait un accompagnement tous les jours.

Aurore Lauret-Stepler

Eymeric doit valider des matières dans le cadre de son CAP, “comment va-t-il faire pour rattraper les cours?”, s’inquiètent ses parents. Le père d’Eymeric dénonce “cette année particulièrement une gestion calamiteuse”, des PIAL, les Pôle Inclusifs d’Accompagnement Localisés. D’après Emmanuel Lauret-Stepler, de nombreuses familles sont dans le même cas de figure. Il condamne aussi “un manque de communication”

L’île compte un peu plus de 2900 AESH pour 5000 élèves. Certains ont un accompagnement partiel, d’autres à temps plein, d’où les difficultés explique le  pôle de l’école inclusive du rectorat. Selon Jean Devries, inspecteur de l’Education Nationale et conseiller technique du recteur pour l’école inclusive, “le but de l’AESH est d’aider l’élève à devenir autonome et non l’accompagner sur le long terme”. L’inspecteur de l’Education Nationale et conseiller technique du recteur pour l’école inclusive, assure être à l’écoute des parents concernés. Il explique également que certains AESH sont affectés dans d’autres établissements lorsque les heures dédiées à la personne accompagnée sont écoulées et que d’autres personnes en situation de handicap ont besoin d’aide.  

Ecoutez le grand angle dédié à l'autisme : 

Les origines exactes de l’autisme restent inconnues. Selon les professionnels, trois pistes associées à l’apparition des troubles sont à l’étude : la génétique, le dysfonctionnement du système nerveux et l’environnement. 

Pour l’heure, aucun traitement médicamenteux n’existe pour soigner l’autisme, les approches éducatives et comportementales permettent d’agir sur les symptômes du handicap.