Le 10 février 2023 disparaissait Marguerite Jauzelon, à l'âge de 105 ans. Une grande dame dont le nom ne doit pas être oublié, soulignaient ce samedi les participants à l'hommage qui était organisé à l'occasion de l'anniversaire de sa disparition, mais aussi du 80ème anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale.
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L'association nationale des membres de l'Ordre national du mérite, à la Bibliothèque départementale de Saint-Denis, a souhaité rappeler le parcours exemplaire de celle qui naissait en 1917 dans le quartier de Ravine Creuse à Saint-André.
Engagée dans un bataillon médical sur le front
Après des études pour devenir institutrice, Marguerite Jauzelon fut appelée par son esprit patriote en 1943 : à 26 ans, elle souhaite s'engager sur le front pour participer à l'effort de guerre, et s'envole vers le continent pour devenir ambulancière au sein de l'armée française de libération. Elle passe d'abord par Madagascar, et servira dans un bataillon médical composé exclusivement de femmes réunionnaises et malgaches.
Retour à La Réunion et à sa carrière d'institutrice
Lorsqu'en 1946 elle revient à La Réunion, elle reprend son poste d'institutrice après avoir vu l'horreur de la guerre. De là, elle n'aura de cesse de témoigner sans relâche pour faire comprendre l'importance de la paix.
Ce n'est qu'en 2002 que l'Etat français salue sa participation héroïque à la Résistance lors de la Seconde Guerre mondiale, en lui remettant le titre de chevalier de la Légion d'honneur.
"Faire savoir qu'il fallait la paix"
A l'occasion du premier anniversaire de sa disparition, ce samedi 17 février 2024, l'Association des membres de l'ordre national du mérite explique avoir "agi dans le cadre de la mémoire". Pour que La Réunion n'oublie pas l'exemple de Marguerite Jauzelon, un personnage "emblématique parce qu'à partir du moment où elle est revenue à La Réunion, à chaque sollicitation, elle s'est déplacée, elle a été témoigner et faire savoir qu'il fallait la paix, la paix, la paix", estime Patrick Hervé, président de l'ordre national du mérite. "C'est pour cela qu'il fallait l'honorer et se souvenir d'elle", achève-t-il.
"Elle avait une volonté de fer, elle a un peu lutté contre les hommes : elle s'est positionnée pour être conductrice d'ambulance alors qu'on n'est pas sûre qu'elle avait le permis de conduire à cette époque ! C'était une femme volontaire, et qui a décidé d'oeuvrer pour son pays et pour la reconquête de la paix"
Patrick Hervé, président de l'ordre national du mérite
"Un modèle auprès de la jeunesse"
Pour Ary Langenier, le président de la section Réunion des membres de la Légion d'honneur, il est aussi indiscutable de valoriser l'histoire exemplaire de cette femme. "Elle représente un modèle pour la société réunionnaise et notamment auprès de la jeunesse, qu'il est très important de guider vers les valeurs de la République, les actions civiques et patriotiques", estime-t-il.
Une grand-mère, une tante
Au-delà des membres de la Légion d'honneur, la famille de la centenaire disparue l'an dernier étaient aussi présents pour assister à cet hommage. Eux l'ont connue sous un angle différent, occultant parfois ses faits de bravoure pendant la guerre.
Monique Hoareau par exemple, était sa nièce. Elle se souvient que "tante Margot" peignait et restaurait les statues des églises, était une excellente couturière, mais aussi un exemple d'attention et de bienveillance à leur égard. Elle lui a même transmis son amour de l'enseignement, puisque Monique Hoareau est devenue institutrice comme sa tante.
Modestie et pudeur
Mais ce que Marguerite Jauzelon ne disait pas toujours, c'est son engagement sur le front, sa volonté à venir au chevet des blessés de guerre. "Elle n'a jamais fait étalage de ce parcours, elle était très modeste, nous on l'a connue sous un jour différent", souligne Monique Hoareau.
"Ce qu'on retiendra d'elle c'est son courage, sa détermination, et la passion qu'elle mettait dans tout ce qu'elle entreprenait. Elle avait cette rigueur, cette hargne. Ce bel hommage ça représente beaucoup de choses pour nous".
Monique Hoareau, nièce de Marguerite Jauzelon
Le Dr Mathias Deleflie, lui, est le petit-fils de Marguerite Jauzelon. Ce n'est que lors des hommages rendus dernièrement qu'il dit avoir pris conscience que "c'était une grande dame et pas seulement notre grand-mère".
"Un fort tempérament"
En apprendre plus sur tout ce pan de sa vie dont elle ne parlait que très peu en famille, par pudeur, ne le surprend pas. "Elle est devenue ambulancière parce qu'elle voulait aller sur le terrain. Elle voulait être aviatrice mais n'a pas pu parce qu'elle était une femme. Elle avait un fort tempéralent, des idées très arrêtées", raconte-t-il.
"Je suis fier que les gens s'intéressent à elle"
Dr Mathias Deleflie, petit-fils de Marguerite Jauzelon
"Un peu fou"
L'arrière-petite-fille de Marguerite Jauzelon, Lisa Deleflie, 16 ans, prend elle aussi peu à peu la mesure du parcours réalisé par son aïeule. "Je trouve ça un peu fou. Je ne me rendais pas vraiment compte de son importance dans l'histoire. Je suis très fière de voir ça les hommages, et le fait qu'un lycée soit nommé d'après elle", sourit l'adolescente.
"C'était une femme forte de la famille. On parle beaucoup d'elle. On m'a raconté son histoire depuis que j'étais toute petite".
Lisa Deleflie, arrière-petite-fille de Marguerite Jauzelon
Son périple raconté dans un livre
Ceux qui voudront en savoir plus sur le passage de Marguerite Jauzelon en métropole pendant la Seconde Guerre mondiale pourront notamment satisfaire leur curiosité avec le livre "De La Réunion à l'Allemagne, 1939-1945 : le périple d'une ambulancière et d'un résistant", signé de Marguerite Jauzelon elle-même, avec Jehanne-Emmanuelle Monnier, et publié aux éditions Surya en 2009. Un des rares récits de femme réunionnaise pendant la guerre, croisé avec celui d'un résistant réunionnais.