Inde : huit femmes mortes et au moins 60 malades après un programme de stérilisation de masse

Des patientes s'enregistrent pour être stérilisées, dans un hôpital d'Aligarh, en Inde, le 4 février 2011. (MUSTAFA QURAISHI / AP / SIPA)
Les autorités ont ouvert une enquête, mais estiment d'ores et déjà qu'il n'y a "pas eu de négligence" de la part du médecin qui a opéré ces femmes.
Un drame sanitaire et humanitaire. Huit femmes sont mortes et des dizaines d'autres ont dû être hospitalisées, dans le centre de l'Inde, à la suite d'un programme de stérilisation de masse organisé par l'Etat, ont annoncé les autorités de l'Etat de Chhattisgarh, mardi 11 novembre.
 
Que s'est-il passé ?
 
"Huit femmes sont mortes depuis lundi et 64 sont hospitalisées", selon Sonmani Borah, un responsable administratif du district de Bilaspur. Vingt-quatre d'entre elles sont dans un état grave. "Les signalements faisant état de baisses de tension, de vomissements et d'autres symptômes se sont multipliés lundi parmi ces femmes, opérées dans le cadre d'une opération du planning familial", ajoute-t-il.
 
Selon le quotidien Indian Express (en anglais), 83 femmes ont été opérées en environ cinq heures par un chirurgien et son assistant. Pour autant, les autorités refusent de mettre en cause le médecin. "Il n'y a pas eu de négligence. Il s'agit d'un médecin expérimenté. Nous allons enquêter", a dit le principal responsable du secteur de la santé du district de Bilaspur.
 
Le médecin chef du principal hôpital de Bilaspur, qui a accueilli nombre de victimes, a déclaré ne pas pouvoir expliquer ce drame pour le moment. "Il serait prématuré de spéculer sur les raisons de cette tragédie. Nous donnons la priorité au traitement de ces femmes, a souligné Ramnesh Murthy. Nous n'aurons d'explications qu'une fois les autopsies achevées."
 
Pourquoi l'Inde stérilise-t-elle des femmes ?
 
La population indienne, estimée à plus de 1,2 milliard d'hommes et de femmes, augmente rapidement et pourrait être la plus importante au monde d'ici 2025. En cause, un manque flagrant d'information en matière de contraception. L'ONG Human Rights Watch recommande d'ailleurs au gouvernement de mieux former les fonctionnaires chargés de conseiller les hommes pour choisir un mode de contraception, mais ces recommandations restent peu suivies.
 
La stérilisation des hommes n'étant pas acceptée socialement, le programme de planning familial en Inde est essentiellement centré sur les femmes. Environ un tiers des couples ayant recours au planning familial (54% de la population totale) opte pour la stérilisation de la femme plutôt que pour une contraception, selon des chiffres officiels de 2008.
 
Des opérations de stérilisation sont régulièrement organisées dans divers Etats de l'Inde, dans le cadre d'un programme national qui accorde 1 400 roupies (20 euros) aux femmes volontaires.
 
Pourquoi est-ce polémique ?
 
En plus de cette petite somme, certains gouvernements offrent des biens, tels qu'une voiture ou de l'électroménager, pour recruter des volontaires et atteindre des objectifs chiffrés. Objectifs dénoncés par nombre d'ONG, en raison des dérives qu'ils entraînent. Certaines femmes se retrouvent ainsi contraintes à une stérilisation, souvent dans des conditions médicales déplorables.
 
L'an dernier, les autorités du Bengale-Occidental avaient été vivement critiquées après la diffusion d'images montrant des femmes laissées inconscientes, dans un champ, après une opération de stérilisation de masse dans un hôpital incapable d'accueillir un nombre important de patientes. Un scandale raconté notamment à l'époque par le Daily Mail (en anglais).
 
Dans un rapport daté de 2012, l'ONG Human Rights Watch avait exhorté le gouvernement à mettre en place un système d'alerte indépendant, pour faire remonter toutes les informations concernant des stérilisations forcées et de mauvaises conditions d'hygiène dans les centres de planification.