A Saint-Pierre, une journée des aidants pour accompagner son proche malade tout en ne s'oubliant pas

Journée des aidants à Saint-Pierre
Aider n'exclut pas d'avoir besoin d'être aidé. Ainsi, ceux qui accompagnent chaque jour des proches malades ou en perte d'autonomie en mettant de côté vie personnelle et carrière, sont à l'honneur d'une journée nationale ce dimanche 6 octobre 2024, avec des animations notamment à Saint-Pierre.

Chaque jour, ils accompagnent un proche en perte d'autonomie, malade, âgé ou en situation de handicap, dans les gestes du quotidien, et ce en parallèle de leur vie professionnelle et personnelle. Selon les chiffres nationaux, un Français sur cinq est aidant ; à La Réunion, ils sont près de 50 000. 

C'est afin de leur donner plus de visibilité, mais aussi de leur présenter les différents dispositifs d'aide existant, que la Journée nationale des aidants est organisée depuis une quinzaine d'années. Ce dimanche 6 octobre 2024, les acteurs du secteur se mobilisent lors d'une journée d'animations et d'information, sur la place du Rotary à Saint-Pierre. 

Regarder le reportage de Réunion La 1ère : 

A Saint-Pierre ce dimanche, tout est fait pour soutenir les proches aidants.

Là, une quarantaine de stands proposent aux visiteurs diverses informations sur les dispositifs existants et qui pourraient soulager leur mission de proche aidant. 

"Un aidant, c'est une personne qui va s'occuper de manière récurrente d'une personne qui n'est plus capable de faire les choses par elle-même, que ce soit les papiers, le ménage, faire à manger, coordonner le parcours de soin...", définit une responsable du GIP-SAP La Réunion des aidants. 

Auto-reconnaissance de l'aidant

Le thème retenu cette année est "l'auto-reconnaissance de l'aidant". Une étape nécessaire pour ne pas sombrer face à la dure mission d'aidant. 

"C'est un premier pas pour demander de l'aide et activer les dispositifs qui existent. Car il faut savoir qu'être aidant a un impact non-négligeable sur sa santé physique et psychique. Un tiers des aidants décède avant l'aidé, l'espérance de vie d'un aidant et de 15 ans inférieure à celle d'une personne lambda... Beaucoup d'aidants font des burn-out ou ont des idées suicidaires. L'idée c'est d'accompagner sereinement les personnes avant d'en arriver à là", explique la responsable du GIP-SAP.

Epuisement

Dolène Lebon, de l'association des aidants et des aidés, insiste sur la souffrance de ces personnes qui se sacrifient. "Si on est à l'écoute des aidants, c'est parce que c'est un grand besoin. Ils sont en souffrance et en épuisement à côté de leur aidé, et souvent, ne savent pas vers qui se tourner", dit-elle. 

L'association, présente sur toute l'île, organise notamment des cafés-débats pour que les aidants puissent s'exprimer sur leur quotidien, mais aussi des sorties et ateliers bien-être pour les aider à évacuer la pression accumulée. "Il ne faut pas avoir peur d'en parler. L'aidant a besoin d'être aidé", insiste Dolène Lebon. 

Des aidants à la recherche d'informations

Raymonde est venue "chercher des renseignements pour m'aider dans les démarches" afin d'obtenir une aide financière. Elle s'occupe de son fils, aujourd'hui âgé de 49 ans, depuis une vingtaine d'années. "Quand on est une maman on ne peut pas dire que c'est difficile, mais c'est pas fastoche", souffle-t-elle.

"On a besoin d'une petite aide pour pouvoir avoir un peu de répit. Respirer, avoir un temps pour soi, parce qu'on s'occupe à plein temps de cet enfant. On est toujours à la course"  

Raymonde, aidante auprès de son fils de 49 ans

"Un aidant a besoin de soutien, d'aide, qu'elle soit morale ou physique, et surtout des aménagements adaptés pour que, lorsqu'elle a un fauteuil, on puisse vivre avec la personne socialement", fait remarquer pour sa part Jean-Marc, aidant. Il pointe notamment du doigt les problèmes d'accessibilité, dans les transports par exemple.

Charge mentale

Si leur soutien est salutaire pour permettre un maintien à domicile, il représente aussi une charge mentale lourde à porter. Nombreux sont ceux qui ont dû mettre de côté leur travail, ainsi que leurs loisirs ou vie sociale, totalement ou partiellement. 

C'est le cas de Nasheman qui depuis sept ans a dû arrêter de travailler pour s'occuper de son mari, diagnostiqué de la maladie d'Alzheimer. Elle était presque arrivée à l'âge de la retraite, mais aurait pu encore poursuivre son activité d'orthophoniste. Mais elle a choisi de devenir aidante, et quitte la métropole pour rejoindre La Réunion où vivent des membres de sa famille. Elle suit les conseils des neurologues, qui lui font comprendre qu'elle va avoir besoin d'aide lors des années à venir. 

"Tous les jours, tout le temps"

Depuis, Nasheman s'occupe de son mari Jakioudine du matin au soir. "Il faut tout faire, il a perdu toute autonomie. Il faut l'aider à faire sa toilette, manger, se déplacer, tout prendre en charge pour veiller à son bien-être", décrit-elle.

"C'est tous les jours, tout le temps, du lever au coucher. C'est lourd à porter, on se retrouve toute seule à tout gérer. Dans cette maladie, on se débrouille seul, on n'a pas forcément le mode d'emploi, surtout lors du stade avancé de la maladie". 

Nasheman, aidante auprès de son mari

Une vie sociale qui s'étiole

Au-delà de sa carrière qu'elle a dû écourter, sa vie sociale aussi pâtit de la situation. "On s'isole, parce qu'au fur et à mesure de l'avancée de la maladie, les personnes ne communiquent plus, on devient un peu inintéressant pour les autres, je suppose", constate Nasheman. 

Heureusement, l'aidante a su tirer profit du soutien apporté par les associations réunionnaises, notamment France Alzheimer, pour surmonter ce nouveau quotidien qui peut s'avérer éreintant. Il s'agit notamment d'apprendre à se ménager des pauses, et ainsi tenir la pression quotidienne assortie à la mission d'aidant.

"L'association France Alzheimer m'a beaucoup aidée quand je suis arrivée à La Réunion et m'a indiqué les différentes étapes que j'allais traverser. J'ai trouvé une aide auprès des psychologues, des groupes de paroles et professionnels du bien-être qui nous apprennent à prendre du temps pour nous, et ça c'est très important"

Nasheman, aidante auprès de son mari

Le rôle important des associations et groupes de parole

Aujourd'hui, ces groupes de parole et psychologues sont devenus pour elle une seconde famille, un soutien avec qui échanger sur leurs expériences respectives. Elle invite d'ailleurs les autres aidants à solliciter l'aide des associations. Nasheman elle, a saisi ces outils pour améliorer son quotidien, et a pu au fil des années soulager sa charge mentale. 

"Il faut se rapprocher des associations, ils nous aident et nous redirigent, c'est un énorme soutien"

Nasheman, aidante auprès de son mari atteint d'Alzheimer

Savoir se ménager du temps pour soi

"C'est très difficile de prendre soin de soi-même, j'ai mis trois ans à y arriver", souffle-t-elle. Aujourd'hui, elle a pu trouver des aides à domicile qui lui permettent de s'offrir des moments de pause, pour "faire un peu de gymnastique, sortir, voir des amis, aller au cinéma". 

Des aides à domicile salutaires, puisque les solutions de répit qui existent n'accueillent que les personnes qui bénéficient d'encore un peu d'autonomie, signale Nasheman. Quant aux accueils temporaires, elle dit ne pas en trouver, malgré des recherches depuis plusieurs années. "On n'a pas le choix", achève l'aidante, qui refuse de placer son mari en EHPAD tant qu'il peut rester dans son milieu familial. 

Journée des aidants à Saint-Pierre

Pour ceux qui aident chaque jour un membre de leur famille et sont à la recherche d'informations, ou juste d'échanges avec d'autres aidants, toute une journée leur est ouverte ce dimanche 6 octobre de 8 heures à 17 heures à Saint-Pierre.