L'Agence régionale de santé répond au collectif "Covid médecins 974"

Conf ARS Ladoucette
Dans une tribune publiée dimanche dernier, 13 médecins ont proposé un allègement des mesures de luttre contre le coronavirus. L'ARS répond aujourd'hui qu'elle "ne peut souscrire aux affirmations ou propositions visant à contredire la réalité des faits ou sous-évaluer la portée de la maladie"...
Un groupe de médecins qui se dresse contre l'Agence régionale de Santé (ARS) et critique la pertinence des mesures mises en place pour lutter contre le Coronavirus. La tribune publiée dimanche 27 septembre par le collectif Covid Médecins 974 a sans nul doute marqué les esprits et amené peut-être certains à remettre en question les décisions prises récemment face à l'évolution de l'épidémie dans l'île.
 

La position du "collectif Covid Médecins 974"


"Nous ne voulons plus être gouvernés par la peur", avaient écrit ces treize médecins de La Réunion, appelant la directrice de l'ARS et le préfet "à une meilleure prise en compte de la réalité du terrain pour adapter leurs décisions sur le sol réunionnais".

Défendant que les différents indicateurs de propagation du virus évoluaient positivement, ces derniers proposent ni plus ni moins que l'allègement des mesures de lutte, comme par exemple de laisser le choix à la population de porter le masque à l'extérieur et ne l'imposer qu'aux personnes fragilisées.

L'Agence régionale de santé aura mis du temps à réagir, mais dans un communiqué envoyé ce mercredi 30 septembre, elle adresse une réponse cinglante à l'attention de ces médecins, dont la position, rappelons-le, rejoint celle de 35 chercheurs, universitaires et médecins, ayant eux signé une tribune le 10 septembre dernier, dans Le Parisien ("Covid-19: nous ne voulons plus être gouvernés par la peur").
 

"Des affirmations visant à contredire la réalité des faits", selon l'ARS


L’ARS dit "prendre connaissance des prises de position du collectif intitulé "COVID médecins 974", qui au regard des données épidémiologiques propose : de tester uniquement les patients symptomatiques, de ne conseiller le port de masque qu’aux personnes fragiles, de ne pas imposer à la population le port du masque en extérieur, et de maintenir les mesures barrières de distanciation physique et d’hygiène des mains et toutes mesures nécessaires et suffisantes".

Avant de rajouter qu'elle "ne peut souscrire aux affirmations ou propositions visant à contredire la réalité des faits ou sous-évaluer la portée de la maladie de la Covid-19 et de ses effets secondaires et délétères sur le plan sanitaire en général".

"Des affirmations ou propositions visant à contredire la réalité des faits ou sous-évaluer la portée de la maladie"... Les mots de l'ARS sont durs. L'autorité sanitaire répond ensuite point par point aux arguments du collectif, en insistant sur le fait qu'il s'agit de "constats".



Aussi, l’ARS répond aux différents points soulevés par le collectif. Retrouvez ci-dessous ces éléments de réponse dans leur intégralité : 

 

Sur l'évolution du taux d'incidence à La Réunion : 

"L’ARS n'a pas contesté une diminution apparente intervenue lors de la dernière semaine pour la population réunionnaise dans son ensemble, puisqu'elle a tenu à communiquer publiquement sur la baisse du nombre de nouveaux cas diagnostiqués positifs, (de l'ordre d'une centaine), par rapport aux semaines précédentes.

Cette baisse peut être perçue comme un signal encourageant pour traduire le début de l’efficacité des mesures de protection et de prévention déjà prises et renforcées sur l’ile : tout particulièrement, la généralisation du port du masque, l'interdiction ou la limitation d’un certain type de rassemblements, les préconisations pour le respect des gestes barrières ou encore la démultiplication des campagnes de dépistage ciblé avec le renforcement du contact-tracing.

Pour autant, l’ARS a aussi souligné que :
  • La diminution du taux d'incidence constatée, tous âges confondus, sur une semaine ne fait pas passer La Réunion, en deçà du seuil d'alerte national, puisque le taux d'incidence reste supérieur à 60 pour 100 000 alors que le niveau d'alerte national est fixé à 50 pour 100000.
  • La diminution du taux d'incidence constaté, tous âges confondus, ne concerne pas précisément la tranche d'âge des plus de 65 ans, dont les plus de 75 ans qui est précisément la tranche d'âge la plus exposée aux formes graves voire très graves de la maladie et au décès (ce que le collectif ne nie pas). Ainsi, pour la 2e semaine consécutive, le taux d’incidence des plus de 65 ans a franchi le seuil d'alerte national de 50 pour 100 000.
  • La diminution du nombre de nouveaux cas diagnostiqués, de l'ordre d'une centaine de cas, peut être aussi, en partie, expliquée par la diminution du nombre de tests réalisés, cette semaine précisément (indépendamment de la volonté de l’ARS), sur les voyageurs au retour de métropole et/ou de Mayotte, comme sur les personnes sans symptômes".
 

Sur la diminution du nombre de clusters dits actifs : 

"Cette diminution ne peut occulter une proportion plus importante qu'il y a 4 semaines des clusters à criticité élevée, soit 4 clusters sur 14, considérés comme tels par Santé publique France parce que touchant potentiellement un grand nombre de cas à diffusion géographique éventuellement large.

En outre, ces clusters se répartissent d’ores et déjà, sur 7 communes différentes et concernent, à présent, des milieux variés autres que le seul rassemblement familial élargi, tels que le milieu professionnel, le milieu scolaire ou encore les établissements à risques tels que les établissements de santé".

 

Sur l'évolution du taux de positivité, sur les prélèvements effectués :

"Si ce taux reste effectivement inférieur au seuil d'alerte national fixé à 5 %, il est néanmoins en progression constante (4% pour la dernière semaine écoulée) sachant qu'il atteint d'ores et déjà 7,7 % pour les patients symptomatiques et s'approche des 3 % pour les patients sans symptômes".

 

Sur l'occupation des lits d’hospitalisation de médecine et de réanimation : 

"Si les flux entrants et sortants des admissions en médecine comme en réanimation pour les patients COVID connaissent effectivement des variations d'une semaine à une autre, pour autant l'occupation, devenue stable, des lits de réanimation pour patients COVID représente, depuis 10 jours consécutifs :
  • 25 % des lits autorisés de réanimation dans le département
  • 18 % des lits installés (compte tenu des efforts déjà faits par le CHU pour augmenter le nombre de lits de réanimation en état de fonctionnement, par fermeture de salles de blocs opératoires, avec des effets nécessairement péjoratifs pour le maintien de l'activité chirurgicale, au détriment de l'ensemble des patients)".
 

Au sujet de l'effet de la COVID sur la mortalité en France dont La Réunion : 

"La revue Nature (article du 28/08/2020) précise bien un risque de décès multiplié par 5 pour les personnes âgées de plus de 75 ans. Ainsi, si peu de décès sont constatés au-dessous de 50 ans, près de 0,5% des personnes entre 50 et 70 ans décèdent après avoir contracté la Covid19. Ce taux dépasse les 10% au-delà de 70 ans.

Ces dernières semaines, 16 personnes atteintes de la COVID sont décédées sur le sol réunionnais. Une accélération du nombre de décès lié au COVID est malheureusement observable, à savoir 7 décès en 5 jours consécutifs".

 

Sur l'évolution du RO ou taux de contagiosité : 

"Le R0 ou taux de reproduction initial de la COVID-19 est un marqueur intrinsèque du taux de reproduction du virus SARS-Cov2 au niveau d’une population qui n’a jamais été immunisée (c’est la première fois que ce virus circule chez l’homme après s’y être adapté).

Le R effectif représente le taux de reproduction constaté à un moment donné : il dépend entre autres des mesures barrières mises en place au niveau de la population, et sa diminution récente est un signal d’encouragement supplémentaire pour continuer à se protéger comme à protéger les autres".

 

Les conclusions de l’ARS :

"Face à ces constats, l’ARS, en se fondant sur les analyses documentées par les épidémiologistes de Santé Publique France, et sur un partage de vue régulier avec les représentants des professionnels de santé (Conseils de l'ordre et URPS, tout particulièrement), veut réaffirmer avec force que la situation de La Réunion mérite beaucoup de vigilance et la poursuite, voire l'amplification, des mesures de protection à la fois simples, efficaces et indispensables :
  • Respect, en toutes circonstances de la vie quotidienne, de l'ensemble des gestes barrières et respect des bonnes pratiques pour le port du masque alternatif ou chirurgical (devenus obligatoires ou restant optionnels, selon les différents cas de figure) sachant que seul le port du masque simultané par des personnes dans un même lieu et à un moment donné est protecteur pour chacune d’elles.
  • Protection renforcée des aînés, en institution comme à domicile, et des publics vulnérables sans remettre en cause la continuité des visites des aidants naturels ou des sorties en milieu familial qui s'avèrent effectivement indispensables pour le bien-être des personnes âgées.
  • Systématisation des consultations médicales, suivies de tests à visée diagnostique, dans des délais rapides pour viser une efficacité maximale (72 heures maximum entre la date de début des signes et le rendu des résultats des tests virologiques)
  • Poursuite des opérations de dépistage auprès des publics prioritaires non symptomatique, dans la mesure où, aujourd'hui à La Réunion, près de 3 % des personnes testées sans symptômes s'avèrent positives. En effet, la contagiosité des personnes diagnostiquées positives, bien que sans symptômes, n'étant pas contestée aujourd'hui sur un plan scientifique, il s'avère bien sûr indispensable de tester à juste proportion ces personnes, pour être en mesure d'isoler les cas confirmés comme d’identifier les personnes contact. Les personnes diagnostiquées positives asymptomatiques représentent, aujourd'hui à La Réunion, plus de la moitié des cas confirmés d'une semaine donnée".