Les sages-femmes sont désormais autorisées à pratiquer les interruptions volontaires de grossesse "instrumentales", autrement dit chirurgicales, jusqu'à 16 semaines d'aménorrhée - ou 14 semaines de grossesse. Une évolution permise par la publication d'un décret ce 16 décembre 2023, suite à la loi du 2 mars 2022 qui a renforcé le droit à l'avortement en France.
Pour Elisa Maignan, sage-femme depuis dix ans au CHU Félix Guyon de Bellepierre, voilà qui représente une avancée. "Etre sage-femme c'est accompagner la femme, qu'elle soit enceinte ou pas. C'est une place à prendre pour la profession, pour pouvoir s'approprier ce qui nous est donné. Je suis tout à fait disponible pour me former dans cet objectif", commente celle qui est déjà en train de passer son diplôme de gynécologue.
Une formation très exigeante
Néanmoins, cette évolution des compétences dans le métier implique de la formation pour que les sages-femmes volontaires puissent demain pratiquer ces IVG chirurgicales. Une formation très exigeante, rappelle le Dr Anca Frances-Birsan, cheffe du service de gynécologie au CHU Nord. L'IVG "requiert un geste chirurgical avec des complications inhérentes à tout acte chirurgical". Autrement dit, "cela doit être extrêmement bien encadré et nécessite la pratique à répétition pour que ce soit des gestes bien maîtrisés".
Or, pour le moment, avoir les moyens nécessaires pour former les sages-femmes serait "compliqué en l'état" au CHU Nord, fait remarquer la cheffe du service gynécologie.
Pas de besoin pour l'instant au CHU Nord
En outre, l'objectif de cette extension de la pratique aux sage-femmes devait notamment permettre de faciliter l'accès à l'IVG et raccourcir les délais d'attente dans certains territoires manquant de professionnels de santé. Or, au CHU Nord, le nombre d'IVG instrumentales réalisées par le service ne nécessite pas une augmentation du personnel formé, selon le Dr Annaïck Miel, gynécologue au CHU Félix Guyon. "Pour l'instant, c'est un service qui fonctionne bien, et on n'aurait pour le moment pas besoin de sage-femme en plus pour des interruptions chirurgicales", souligne-t-elle.
Deux interventions par semaine
Actuellement, ce type d'interventions n'est pratiqué qu'à raison de deux fois par semaines environ, dans ce CHU où, par ailleurs, seuls les gynécologues-obstétriciens prennent en charge les IVG médicamenteuses et chirurgicales. Le chiffre est d'ailleurs en baisse, puisque ce service gynécologie privilégie les interruptions de grossesse par voie médicamenteuse jusqu'à 14 semaines de grossesse, en fonction de la volonté des patientes.
Un geste "militant"
Mais pour le professeur Peter Von Theobald, gynécologue-obstétricien et président de la Commission d'établissement du CHU de La Réunion, l'avancée est aussi d'ordre symbolique, voire "militante".
"L'IVG instrumentale n'est pas un geste qui rapporte beaucoup d'argent, n'est pas un geste qu'on fait par passion, mais c'est quelque chose qui me paraît important si on est militant pour le droit à l'IVG dans toutes les situations. Car dans certaines situations l'IVG médicamenteuse n'est plus possible. Je pense que si on est militant et qu'on veut garder en France ce droit qui est remis en cause dans bien des pays actuellement, y compris en Europe, c'est favorable que les sage-femmes puissent participer et aller jusqu'au bout du geste"
Professeur Peter Von Theobald, gynécologue-obstétricien et président de la Commission d'établissement du CHU de La Réunion
Expérimenté dans 26 établissements de France
Reste à voir "combien seront intéressés" avant de se lancer dans l'apprentissage de ce geste chirurgical, qui nécessite "un certain nombre d'interventions faites avec un enseignant", rappelle le professeur Von Theobald.
Cette nouvelle compétence a été expérimentée plus d'un an dans une vingtaine d'établissements du pays avant la publication du décret. Les sage-femmes seront formées sur la base du volontariat.