La Chambre Régionale des Comptes épingle la SPL Sudec, société de gestion des déchets de la Casud

"Viabilité économique incertaine", "défaut d’anticipation", "activités déficitaires", rien ne va plus pour la société publique locale de gestion des déchets pour la Casud. La Chambre Régionale des Compte publie un rapport sur la SPL Sudec, société créée à l’initiative de l’intercommunalité.
La chambre Régionale des Comptes s’intéresse à la Société publique locale Sudec, dont la Casud détient 80% du capital. La Chambre publie le rapport d’observations définitives sur la gestion de la SPL pour les exercices 2018 et suivants.

La société gère la collecte, la valorisation et le traitement des déchets. La Chambre estime que la SPL Sudec s’est éloignée de ses objectifs initiaux :
 

" La création d’un centre de tri a été écartée pour des raisons techniques et de coûts ; la gestion d’une recyclerie-ressourcerie s’est avérée incompatible avec l’activité économique de la société. "


"Défaut d’anticipation", "activités déficitaires", une viabilité économique incertaine

La SPL Sudec a repris la gestion des déchèteries, des bornes à verre et des véhicules hors d’usage du territoire communautaire. Une reprise marquée par un défaut d’anticipation, constate la Chambre Régionale des Comptes. " Les marchés nécessitant du transport ont débuté tardivement, faute d’autorisations réglementaires requises ", indique la chambre.

De plus, la mise à disposition de l’ensemble des personnels par les collectivités n’était pas effective et les recrutements complémentaires n’étaient pas tous achevés pour assurer un fonctionnement satisfaisant.

Enfin, la Chambre estime que " les conditions financières acceptées par la SPL dans le cadre des premiers marchés conduisent à ce que l’ensemble des activités soient déficitaires, alors que les trois quarts du capital de la société ont été consommés ". 

Elle souligne que la société compte sur l’attribution par la Casud du marché de collecte des ordures ménagères au 1er janvier 2021 pour redresser sa situation financière, alors que cette dernière en attend des gains. Et de conclure, " sans clarification des missions, des objectifs et des moyens par ses actionnaires, la SPL Sudec ne se présente pas comme un acteur susceptible d’apporter à court terme une plus-value qualitative ou innovante dans le domaine de la gestion des déchets ménagers et assimilés sur l’île ".
 
Le maire du tampon et président de la Casud, André Thien-Ah-Koon est le président du conseil de surveillance de la SPL Sudec. Contacté, il n’a pas souhaité s’exprimer sur les conclusions du rapport de la Chambre Régionale des Comptes. Sa directrice, démissionnaire en mars 2020, était jusque-là Christelle Mondon, sœur de Laurence Mondon, 2ème adjointe au maire et 4ème vice-présidente du conseil départemental.

André Thien-Ah-Koon avait à l’époque souhaité écarter toute polémique en précisant qu’il s’agissait d’une personne spécialisée en gestion et ingénierie ayant fait ses preuves en Europe. Le rapport de la Chambre Régionale des Comptes démontre que la Casud a avancé son salaire à la place de la SPL.
 

La société de collecte des déchets de la Casud

Créée en 2018, à l’initiative de la Communauté d’agglomération du Sud, la Société publique locale devait permettre de recentraliser la gestion des déchets sur son territoire à travers une régie. Une création qui a fait suite à plusieurs observations critiques de la Chambre Régionale des comptes en 2016 sur les marchés de collecte des déchets conclus par l’ancienne mandature. Une collecte alors répartie en deux lots, l’un pour Le Tampon et l’Entre-Deux, l’autre pour Saint-Joseph et Saint-Philippe.

C’est avec le lancement de la recyclerie-ressourcerie, la première du Sud de La Réunion, à la Plaine-des-Cafres en mars 2019, que la SPL Sudec entre en action. Début 2020, elle se voit confier par la Casud les prestations de gestion de déchèteries de collecte.

En mars dernier, la communauté d’agglomération du Sud a attribuée à cette société la collecte des déchets en porte à porte des communes du Tampon et de l’Entre-Deux à compter du mois de juillet. Le marché des communes de Saint-Joseph et Saint-Philippe pourrait être transféré à la société ultérieurement, mais la scission entre les maires du Sud pourrait là aussi s’exprimer.  


Une société critiquée au sein de la Casud

La Chambre Régionale des Comptes n’a pas été la seule à formuler des observations critiques à l’encontre de la SPL. Certains élus ont en effet fait part de leurs griefs. C’est le cas de Nathalie Bassire, députée de La Réunion et élue communautaire à la Casud.

Elle estime que les missions de la Casud ne sont pas tenues, et donne raison au rapport de la Chambre Régionale des Comptes. Elle pointe du doigt le manque d’anticipation, tant en matière de recrutement de personnel, aujourd’hui encore insuffisant selon elle, qu’en matière de moyens.

Si le personnel fait défaut pour accomplir l’ensemble des missions, les camions aussi. De plus, le local de gestion est situé hors agglomération, à la Plaine-des-Cafres, induisant des coûts de déplacements des camions importants. En l’état actuel, Nathalie Bassire estime que la situation de la Sudec n’est pas viable, d’autant qu’il n’existe pas de politique unanime entre les 4 communes de la Casud dans la gestion de la SPL.
 

Quel avenir pour la SPL Sudec ?

Et cela pose d’autant plus problème que la SPL Sudec devrait récupérer la gestion de l’ensemble de la collecte au 1er janvier 2021, soit dans deux mois, et qu’elle n’est donc pas prête pour cela, selon l’élue. Difficile d’acheter des camions et de recruter du personnel quand on connait la situation financière déjà mauvaise, insiste-t-elle.

Nathalie Bassire rappelle que l’objectif de départ était de faire des économies, or la SPL est aujourd’hui déficitaire.  Elle évoque un " flou " et un " manque de rigueur dans la mise en œuvre et dans la gestion de la SPL qui posent problème ".
 

" C’est un gaspillage d’argent public "

Nathalie Bassire, élue communautaire de la Casud


En juillet dernier, Patrick Lebreton, le maire de Saint-Joseph, alors en contentieux avec celui du Tampon, André Thien-Ah-Koon également président de la Casud, citait comme exemple la SPL Sudec pour illustrer la "situation critique" de la communauté de d’agglomération, et les soucis de "transparence et d’équité" qui pouvaient s’y poser.

Dans un récent communiqué, le maire de Saint-Joseph indique qu’à la création de la structure par la Casud, cette dernière prévoyait de traiter l’ensemble des prestations relatives à la gestion des déchets sur le territoire intercommunal. Les élus communautaires de Saint-Joseph avaient émis de fortes réserves à ce sujet, précise Patrick Lebreton.

Des réserves sur le fait que la société " ne comportait pas les garanties structurelles et matérielles suffisantes pour conduire une telle mission de service public ". Le ramassage des ordures ménagères sur le territoire du Sud Sauvage ne lui aurait alors pas été confié, une entreprise privée en a obtenu la charge. Le rapport de la société à une autre entité existante, en l’occurrence le syndicat mixte ILEVA, n’aurait pas été " clair ", selon le maire de Saint-Joseph.

Il constate que les coûts n’ont pas baissé, bien au contraire : " certaines prestations se révèlent plus coûteuses qu’auparavant ". Entre autres, le transport des déchets verts depuis la plateforme de Saint-Joseph vers celle de la Plaine-des-Cafres engendre, selon lui, " un surcoût non négligeable chaque année ".
 
Enfin, Patrick Lebreton dit avoir sollicité depuis plusieurs années la Casud pour que certaines activités, comme le broyage de déchets verts, soient déconcentrées sur le Sud Sauvage.