La hausse des prix partie pour durer à La Réunion

A La Réunion, +3.7% d'augmentation sur les prix en un an : voilà qui ampute sérieusement les budgets des ménages, et encore plus en ce moment. Malheureusement, la hausse est là pour encore plusieurs mois.

Difficile d’avoir le sourire en sortant des commerces alimentaires en ce moment. Les prix flambent à La Réunion : +3.7% d’augmentation en un an selon l'indice des prix à la consommation de l'Insee, soit la plus forte hausse depuis 20 ans.

Comme le confirme Philippe Jean-Pierre, “on a atteint des niveaux d’augmentation des prix qui n’avaient pas été vus depuis maintenant plusieurs décennies”. Mais comment  expliquer que la vie soit devenue si chère en quelques mois ? 

Plusieurs causes

Plusieurs causes expliquent la situation sur le long terme, avance l’économiste : une fabrication de nos produits en Asie qui n’est plus aussi avantageuse, la transition énergétique qu’il va falloir financer, le vieillissement de la population, ou encore la dimension sociale et la tendance que certains gouvernements pourraient avoir à augmenter les salaires pour réduire les inégalités. “Ces quatre causes pèsent sur le long terme pour tirer des coûts, et donc à terme des prix vers le haut”, estime Philippe Jean-Pierre.

Regardez le reportage de Réunion La 1ère : 

Produits alimentaires : l'inflation s'installe

Logistique maritime dégradée 

Et sur le court terme ? Pour Daniel Moreau, le président de l’Association pour le développement industriel de La Réunion, il y a aussi la réalité de la moindre disponibilité de certaines matières premières.

La guerre en Ukraine a en effet impacté la disponibilité des graines de tournesol ou du blé, par exemple. “La guerre en Ukraine pose le problème de la production mondiale de tournesol, les perspectives de récoltes étant amoindries, cela a provoqué une tension sur les cours mondiaux”, précise-t-il.

S’y ajoute le problème de la logistique maritime, “extrêmement dégradée depuis de nombreux mois”. “Le caractère insulaire de La Réunion fait qu’on est forcément exposés à ces problèmes. Les blocages de ports en Chine ne sont pas de nature à nous rassurer de ce point de vue. On n’aurait pas imaginé avoir une guerre sur le continent européen en février, donc la baisse des prix dépendra aussi du terme de ce conflit, et du temps qu’il faudra pour normaliser la logistique maritime”, analyse le président de l’ADIR.

L'énergie plus chère 

Mais les matières premières ne sont pas les seules à avoir augmenté : “il y a tout ce qui rentre dans le coût de revient des produits alimentaires : l’emballage, les plastiques, le verre, sur lequel il y a un problème de disponibilité en ce moment... On va donc s’attendre à un surcoût”, poursuit Daniel Moreau.

L’énergie, elle aussi plus chère, impacte les coûts pour les industriels et donc les prix pour les consommateurs. “C’est un poste important, en particulier pour les chaudières des industries, et il nous faut obtenir, à La Réunion, la compensation qui existe pour les industries nationales”, soupire Daniel Moreau. 

Ne pas stocker pour prévenir

Malheureusement, la situation est partie pour durer. “La guerre en Ukraine, la reprise d’après Covid... tout concourt à ce qu’on s’installe dans une inflation à plus haut niveau sur plusieurs mois, voire peut-être un an ou deux. On est très loin de l’augmentation du prix de la tomate liée à un cyclone”, estime l’économiste Philippe Jean-Pierre, pour qui il ne faut pas non plus céder à la panique. 

Au fur et à mesure que les prix s’installent à la hausse, il y a aussi un comportement lié au stress de la pénurie, qui incite certains à stocker pour prévenir. Mais c’est justement ce qui va provoquer ce phénomène de pénurie.

Philippe Jean-Pierre

Réécoutez Philippe Jean-Pierre, invité de la matinale ce vendredi 6 mai 2022 :

Philippe Jean-Pierre : économiste, extrait de la matinale. Produits alimentaires : éviter la précipitation

Les rayons d’huile dévalisés ces dernières semaines en sont autant de preuves. Or, “globalement, il n’y a pas de pénurie grave, ce n’est pas comme si l’île était totalement isolée, assure Philippe Jean-Pierre. Mais l’approvisionnement sur une île coûte cher, et les flux de marchandises importées vont aussi coûter plus cher. Ce qui conduit à un certain nombre d’acteurs à avoir moins de stock, ou alors à rationner l’offre. Les ménages réagissent alors par anticipation. Mais il n’y a pas de panique à avoir”. 

"Il y a des règles à respecter" 

Dans tous les cas, tant le président de l’ADIR que l’économiste se veulent rassurants sur les abus qui pourraient être observés sur les prix. Ceux-ci, dans la grande distribution, sont fixés selon une réglementation “très stricte, après une négociation qui se fait tous les ans, et a eu lieu cette année en mars”, selon Daniel Moreau.

Toute évolution de tarifs jusqu’à l’année prochaine doit faire l’objet d’une démonstration de l’évolution de nos coûts. Les augmentations que nous allons devoir passer, se font sur justifications d’une augmentation du prix de revient. Il y a des règles à respecter.

Daniel Moreau

Philippe Jean-Pierre renchérit : “Quand il y a des augmentations significatives, il y a toujours une tendance à faire de l’arrondi, il peut y avoir des comportements d’abus de temps en temps, mais c’est le rôle des autorités de veiller à ce que ça n’arrive pas”. 

Pas de pénurie prévue 

L’un comme l’autre, enfin, sont clairs sur le fait que stocker des denrées n’est pas une bonne idée. “Il n’est pas prévu qu’il y ait une rupture d’approvisionnement de La Réunion en huile, sauf si effectivement il y a trop de Réunionnais qui stockent de l’huile chez eux et en quelque sorte génèrent la rupture, et favorisent l’augmentation des prix”, insiste Daniel Moreau.