Voilà déjà quelques années que l'idée de relancer la production de riz à La Réunion fait son bonhomme de chemin. Quelques associations en ont fait leur cheval de bataille, afin que demain, l'île puisse avoir sa propre production de cette céréale dont des milliers de tonnes sont importées ici chaque année.
Rien d'étonnant donc à ce que des agriculteurs réfléchissent à comment planter et récolter localement cet aliment majeur dans les assiettes des Réunionnais, à l'heure où les ambitions sont à la souveraineté alimentaire.
Objectif : 1,5 tonne en 2024
L'association "Riziculteurs péi 974", depuis 2022, s'est par exemple impliquée dans la relance de la production locale, et réunit une soixantaine d'agriculteurs. Leur objectif : produire cette année 2024 une tonne et demie de riz.
Passée l'étape des premières expérimentations, les agriculteurs de l'association qui ont franchi le pas souhaitent désormais mettre le pied à l'étrier aux jeunes qui rejoignent la profession. Car, pour que les prix soient raisonnables et être viable commercialement, il faut encore réussir à atteindre un certain volume de production. Cela ne pouvant se faire que grâce aux efforts conjoints de plusieurs professionnels qui s'y mettraient également.
Regarder le reportage de Réunion La 1ère :
"Il faut transmettre"
D'où l'initiative de Jean-Michel Grondin, producteur de riz à Bérive et vice-président de l'association "Riziculteurs péi 974", d'inviter sur sa plantation les apprentis techniciens entrepreneurs en agriculture à la Maison familiale et rurale (MFR) de Saint-Pierre.
"Lé très très important parce qu'il faut transmettre. Mi lé bientôt à la retraite, explique-t-il. Il faut que tous ces jeunes là i comprend comment cultiver, où cultiver, à quelle période, comment faire".
Pas d'intrants, peu de main d'oeuvre, bonne résistance aux intempéries
Mais surtout, Jean-Michel Grondin n'a pas oublié d'énumérer les nombreux avantages de la culture du riz. Une production possible toute l'année sur le littoral, à raison de trois cycles de culture par an, des coûts relativement peu élevés, la non-nécessité d'engrais, de fumier, ou d'intrants, la bonne rentabilité ou encore le peu de main-d'oeuvre nécessaire et la résistance aux intempéries comme les cyclones...
"Les coûts de production lé pas si élevé, et i pousse tout seul, pas besoin de fumier."
Jean-Michel Grondin, producteur à Bérive et vice-président de l'Association Riziculteurs péi 974
Inciter à la production de riz péi
Ses parents s'étaient eux aussi lancés dans cette culture dans les années 80, dit-il, mais sans réussite en raison d'un manque d'organisation. Cette fois-ci, lui est motivé pour faire en sorte que la mayonnaise prenne.
"Aujourd'hui on fait tout pour que ça marche" sourit Jean-Michel Grondin, qui ne tarit pas d'explications ce matin-là. "Cyclone la aplati a li, et li la relevé, c'est un roseau ! La jamais été arrosé, seul Dieu la arrose ça", dit-il à l'adresse de ses visiteurs du jour, en désignant les tiges vertes au bout desquelles se sont formés les épis.
Rentabilité : 5 tonnes par hectare
La rentabilité est elle aussi un argument. "Ou met' 3 grains et ou récolte 23 tiges", avance l'agriculteur, qui s'est amusé à compter les épis dans les touffes de quelques pieds de riz de sa plantation. Ainsi, il estime la production à "600 grammes de riz brut au mètre carré".
Un hectare de culture pourrait donc produire 5 tonnes de riz, pour un chiffre d'affaires de 15 000 euros, tous les 4 mois, durée de cycle de culture de cette céréale, selon le vice-président de Riziculteurs Péi 974.
Les oiseaux, prédateurs du riz
Quelques inconvénients subsistent toutefois, à savoir les oiseaux et parfois les lièvres, qui s'attaquent à la plantation si celle-ci n'est pas bien protégée. D'où l'utilité de planter son riz sous un filet, pour peu que les prédateurs ne les grignotent pas.
"Un pilier à La Réunion"
Pour Sébastien Bègue, formateur au centre de formations pour adultes de la MFR de Saint-Pierre, cette visite est un vrai plus pour ces apprentis, en termes de perspectives d'avenir.
"Pour eux c'est intéressant de voir une culture qui serait un pilier à La Réunion, vu que c'est la base de notre alimentation. C'est une culture qui n'a pas besoin de beaucoup d'intrants, de fumier ou d'engrais, ni de fongicide ou d'insecticide, très peu de main d'oeuvre... On ne voit pas d'attaque de champignon ou de bactérie sur ces plantations, ça coûte beaucoup moins cher à produire dans des périodes comme actuellement, la saison cyclonique".
Sébastien Bègue, formateur au centre de formations pour adultes de la MFR de Saint-Pierre
Kévin Bergeron fait parti des apprentis techniciens entrepreneurs en agriculture qui écoutent attentivement les explications de Jean-Michel Grondin ce jour-là au Tampon. "Apparemment ça donne une bonne rentabilité pour assez peu de travail de sol, il n'y a pas beaucoup de ravageurs, grâce à un filet contre les oiseaux, c'est une culture qui reste simple, c'est ça que je trouve intéressant", commente-t-il.
Investir dans une décortiqueuse
Peut-être lui, ou d'autres des des visiteurs du jour, auront-ils vu germer dans leur esprit l'idée de se lancer à leur tour dans la culture du riz péi. C'est en tout cas l'espoir que nourrit la filière locale, qui se soucie également de la transformation de ce riz brut, une fois récolté.
L'association Riziculteurs Péi 974 compte désormais investir dans une décortiqueuse, pour débarrasser le grain de riz de son enveloppe. La machine sera mise à disposition des riziculteurs membres de l'association.
41 000 tonnes de riz importées en 2022
En 2022, La Réunion a importé près de 41 000 tonnes de riz, essentiellement du Cambodge, et de l'Inde, mais aussi du Vietnam, de Thaïlande et du Pakistan, selon les chiffres de la Direction de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Forêts (DAAF).