Lait maternel : à quoi servirait l'implantation d'un lactarium à La Réunion ?

Projet de lactarium à La Réunion
Les maternités du CHU de La Réunion qui prennent en charge des bébés prématurés sont dépendantes de l'hexagone pour leur approvisionnement en lait maternel. Mais le lactarium qui les fournit stoppe temporairement son activité. Voilà qui relance la question de l'installation d'une telle structure sur place.

Ce mardi 27 février 2024, une réunion s'est tenue au CHU de Saint-Denis autour d'un projet d'installation de lactarium à La Réunion. Un projet de longue date, qui n'a pas encore été mis en place pour des raisons logistiques, selon le Dr Isabelle Tiran-Rajaofeira, pédiatre au sein de la réanimation néonatale au CHU et consultante en lactation.

Ces structures, qui sont une trentaine en France, permettent de collecter, de traiter, et de redistribuer le lait maternel, ou "lait de femme" issu de dons. Mais il n'en existe pas à La Réunion, qui commande son lait maternet au lactarium de Marmande, entre Bordeaux et Agen dans l'hexagone. 

Regarder le reportage de Réunion La 1ère : 

Lactarium et lait maternel à La Réunion

Un lactarium à La Réunion dans 5 ans

Ainsi, il est prévu d'installer un lactarium à La Réunion, au sein du nouveau bâtiment "Femme Parents Enfants" du CHU, qui doit sortir de terre dans environ 5 ans. Mais dans l'immédiat, difficile de faire émerger une telle structure, par manque de place sur l'actuel CHU, et de financements. 

Le lactarium de Marmande fermé plusieurs mois

Pourtant, l'implantation d'un lactarium sur le département tomberait à pic. Comme a alerté le député Frédéric Maillot lundi, en interpellant la ministre de la Santé Catherine Vautrin, le lactarium de Marmande qui fournit La Réunion en lait de femme, fermera bientôt pendant plusieurs mois pour pouvoir déménager.

Direct : député Frédéric Maillot

 

"Si on n'a plus de lait de métropole, on devra utiliser du lait en poudre qui est moins bien pour les bébés prématurés". 

Dr Isabelle Tiran-Rajaofeira, pédiatre au sein de la réanimation néonatale au CHU et consultante en lactation

Des besoins au CHU de La Réunion

Aussi, la production de lait lyophilisé fourni par le lactarium de Marmande a déjà été stoppée temporairement. En attendant, le CHU de La Réunion est contraint d'avoir recours au lait maternel congelé pour alimenter le CHU Nord, le CHU Sud, et dans une moindre mesure le CHOR, soit là où les maternités accueillent des grands prématurés. 

Projet de lactarium à La Réunion

La nourriture exclusive des grands prématurés

Car ces bébés nés avant le terme sont les grands destinataires de ce lait maternel. Il constitue la nourriture exclusive de tous ceux qui sont nés avant 32 semaines et ont moins d'1,5 kilo, précise le Dr Isabelle Tiran-Rajaofeira.

Projet de lactarium à La Réunion

Dans certains cas, la maman du nouveau-né prématuré est en capacité d'allaiter et de fournir son propre lait, dans d'autres cas non. "Si on n'a pas à disposition le lait de leur maman, on va utiliser du lait de femme qu'on va commander à des lactariums de métropole", explique la pédiatre.

"Dans le lait de femme, produit vivant, il y a des anticorps, des facteurs de croissance qu'on ne retrouve pas dans le lait artificiel. Le lait artificiel, c'est des protéines de lait de vache, qui sont plus agressives pour l'intestin des bébés. Il y a des centaines d'études qui prouvent que le lait maternel est fondamental pour les bébés de moins de 32 semaines et moins d'1,5 kilo. Il conditionne en grande partie leur survie" 

Dr Isabelle Tiran-Rajaofeira, pédiatre au sein de la réanimation néonatale au CHU et consultante en lactation

L'utilité d'un lactarium localement

D'où l'utilité d'un lactarium à La Réunion, qui pourrait notamment accueillir les dons en provenance de femmes allaitantes, pour les traiter et les utiliser selon les besoins des maternités. Notamment en le pasteurisant pour pouvoir être utilisé pendant plus longtemps. La finalité serait également d'être moins dépendant de l'approvisionnement par avion depuis l'hexagone. "On pourra être autosuffisant en lait de femme", explique-t-elle.

"Si demain on a lactarium sur place, on va jeter un peu moins de lait de mamans, puisqu'il pourra être gardé et reconditionné en lait pasteurisé. Aujourd'hui, le lait qui ne peut pas être utilisé après 48h est jeté"

Dr Isabelle Tiran-Rajaofeira, pédiatre au sein de la réanimation néonatale au CHU et consultante en lactation

Les précisions du Dr Isabelle Tiran-Rajaofeira, pédiatre au sein de la réanimation néonatale au CHU, sur Réunion La 1ère : 

Interview du docteur Isabelle Tiran-Rajaoefeira, pédiatre au sein de la réanimation néonatale au CHU

Accompagner l'allaitement

Dans le même temps, le Dr Tiran-Rajaofeira souligne l'importance de l'accompagnement des mères de bébés prématurés qui souhaitent allaiter, pour limiter le recours à l'importation de lait maternel. 

Une démarche que partage Myriam Grondin-Hocquet, consultante en lactation, diplômée en lactation humaine et allaitement maternel. Elle accompagne de nombreuses mamans en leur prodiguant des conseils.

Selon elle, "80% des mamans de prématurés au CHU initient l'allaitement". 

Les bébés prématurés sont nourris exclusivement avec du lait de maman. La chance qu'on a à La Réunion c'est qu'il y a beaucoup de mamans qui allaitent. 

Myriam Grondin-Hocquet, pharmacienne, consultante en lactation

"Un médicament"

Dautant que "c'est aussi un médicament, qui va permettre de protéger le tube digestif du bébé, améliore les fonctions du poumon, les fonctions cognitives, éviter des pathologies digestives très graves". 

Des dons de lait compliqués logistiquement

Certains mamans, qui ont trop de lait, pourraient en théorie le donner à d'autres, après les traitements nécessaires. Mais en l'état, ce serait difficile à mettre en place à La Réunion. "Il y a des mamans qui donneraient leur lait mais la géographie de l'île fait qu'il serait compliqué d'envoyer du lait dans les hauts. Ca demande une logistique, une organisation, qui seraient très spécifiques chez nous", considère-t-elle.