En 15 ans, la filière BTP a perdu un quart de ses effectifs à La Réunion. De 25 000 travailleurs en 2007, elle en compte désormais 19 000.
Un "dégraissage" qui découle principalement de crises successives, avec celle des "subprimes" d’abord en 2008, puis la pandémie et plus récemment le conflit ukrainien, qui pèse sur le coût des matériaux de construction et du fret.
Ces aléas géopolitiques ou sanitaires ne sont que des conséquences externes, le bâtiment connait également une crise interne, celle des vocations.
Le reportage de Réunion La 1ère :
Crise de vocations, malgré les salaires
Le BTP est un secteur plutôt rémunérateur à La Réunion. Les salaires sont renégociés chaque année. En début de carrière, un manœuvre perçoit 1 600 euros, un maçon, un peintre ou un carreleur débutant touchent 2 000 euros.
Ces métiers peinent pourtant à séduire, et la concurrence du travail informel n’explique pas tout, c’est surtout d’un déficit en image dont souffre la filière. D’après le syndicat des artisans du bâtiment, l’Education nationale a trop longtemps valorisé les formations dites "intellectuelles", au dépend des professions manuelles, perçues comme pénibles, salissantes ou mal-payées.
Faire connaître l’artisanat dès le plus jeune âge
Pour la Capeb, cette doctrine est dépassée, elle propose ainsi de repenser l’orientation des jeunes. L’information doit parvenir avant le lycée et même le collège.
Lorsque je regarde les jeunes apprentis qui entrent dans le BTP, je constate que beaucoup ne connaissent pas ce qu’est l’artisanat. Ils ne connaissent pas les métiers, ils n’ont jamais entendu parler de l’artisanat du bâtiment, puisque l’artisanat ne vient pas jusqu’à chez eux lorsqu’ils sont dans les collèges. Il faut retravailler l’orientation professionnelle.
Raymond Vaitilingom, secrétaire général de la Capeb
Le syndicat défend le modèle allemand où les métiers manuels sont présentés dès l’école primaire, où dans la perspective de carrière le plombier et l’électricien sont mis sur un pied d’égalité avec l’avocat et l’enseignant.
Les choses changent, selon Astrid Combemorel, directrice-adjointe de Pôle Emploi. " De plus en plus les entreprises rentrent aussi dans l'école, les secteurs viennent présenter leurs métiers, au collège et au lycée ", indique-t-elle.
Difficultés de recrutement
Pour la directrice-adjointe de Pôle Emploi, il existe un paradoxe à La Réunion, avec un taux de chômage en baisse, même s’il reste fort, une demande d’emploi qui baisse de 7% sur un an, et en revanche plusieurs secteurs, dont le BTP, l’hôtellerie-restauration ou encore le commerce, qui ont des difficultés de recrutement.
Sur le site internet de Pôle Emploi, 2 545 offres d’emploi sont disponibles, dont 353 immédiatement dans le secteur du BTP. Beaucoup concernent des emplois non-qualifiés tels que manœuvre dans le gros œuvre, maçonnerie, ou de niche comme ceux qui concernent le froid, la climatisation, indique la directrice adjointe de Pôle Emploi.
Mieux identifier des aptitudes et offrir des perspectives de carrière
Astrid Cambemorel souligne que dans le BTP, il existe des perspectives d’évolution de carrière, avec de la formation professionnelle. Les besoins sont ainsi forts dans le management ou la conduite d’équipe.
Les offres disponibles auprès de Pôle Emploi concernent davantage des postes moins qualifiées. Un travail est ensuite fait avec le secteur pour identifier les aptitudes que le secteur recherche pour repérer les potentiels de demain au sein de leur secteur, et les faire évoluer par la suite.
Un travail qui passe par des initiatives comme celle de la table ronde qui réunira Pôle Emploi et la Capeb ce mardi après-midi dans les locaux de la CCIR à Saint-Pierre.