Au début du mois d'août, c'est une annonce sur LinkedIn qui a attiré l'attention du député réunionnais Frédéric Maillot. Publiée sur le réseau social LinkedIn, l'offre d'emploi cherche à recruter en CDI un "responsable régional" pour le pôle courtage d'une entreprise d'assurances. L'annonce en question est publiée par une société spécialisée dans le recrutement.
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"Vous avez envie de vous expatrier ?"
Mais ce qui choque le parlementaire, c'est la formulation de l'offre d'emploi. "Vous avez envie de vous expatrier (...) ?", peut-on y lire, dans un "cadre de vie plus agréable, loin du stress de la métropole" ?
"Tout est décrit là dedans pour que ce ne soit pas un Réunionnais qui postule. Un Réunionnais ou un Français de l'Hexagone ne peut pas "s'expatrier" vers La Réunion", gronde le député Frédéric Maillot.
"Ca ressemblait plus à une annonce de l'IRT qu'à une offre d'emploi"
D'autant que l'offre n'hésite pas non plus à en rajouter une couche en vantant le "soleil toute l'année" de La Réunion, et pousse aussi le bouchon jusqu'à proposer "quelques jours" sur l'île pour découvrir le cadre de travail. "Ca ressemblait plus à une annonce de l'IRT qu'à une offre d'emploi", ironise le député de la 6ème circonscription de La Réunion.
"Pourquoi la compétence ne peut-elle pas être réunionnaise ?"
Pour lui, cette entreprise, en présentant son offre d'emploi de telle manière, dissuaderait les personnes habitant le territoire de postuler.
"Nou na l'impression que zot i veut construire l'économie et le monde professionnel sans nous. Pourquoi la compétence ne peut-elle pas être réunionnaise ? Pourquoi ces boîtes qui sont là depuis 15 ou 20 ans, n'ont pas préparé la montée en compétences pour que ce soit quelqu'un de local qui occupe ce poste à responsabilité ?"
Frédéric Maillot, député de la 6ème circonscription de La Réunion
Une plainte déposée
Il y a une dizaine de jours, Frédéric Maillot a ainsi déposé plainte contre la société de recrutement et contre X, et alerté la procureure de la République Véronique Denizot. Il cite en outre les articles L.1132-1 du Code du Travail et les articles 225-1 et 225-2 du Code Pénal, soulignant qu'il y a là "discriminations directes et indirectes liées aux origines et à la résidence".
L'annonce retirée quelques jours plus tard
Ajoutons que huit jours après le dépôt de plainte par le député, l'annonce a été retirée du réseau social LinkedIn. Frédéric Maillot dit avoir été contacté par la direction du cabinet du recrutement à l'origine de la publication, pour qu'il retire sa plainte. "Moin ou baillonne pas moin", commente le député. "Ce qu'il a voulu c'est faire que la polémique n'enfle pas. Mais moi mi lé pas là pou fé la polémique, mi lé là pou savoir si lé légal ou pas", achève-t-il.
Faire cesser ces pratiques
Le député explique condamner sur le plan moral de telles pratiques, qui ne datent pas d'hier. "C'est pas la première fois, la toujours existé, sauf que maintenant zot i cachet' pa". Peu importe qui est responsable de la publication de l'annonce, entreprise de recrutement ou l'employeur lui-même : Frédéric Maillot assure qu'il souhaite juste que la justice se prononce sur le sujet, et que ces comportements cessent.
"Quand tout est fait pour qu'un Réunionnais se sente exclus d'une offre d'emploi à La Réunion, est-ce que nous tolère ça ? Est-ce que lé légal ? C'est à la justice de répondre à ça. (...) Mi rode pas le responsable, mi veux que ce genre d'annonces i arrete, que i arrête exclu a nou. Nou la envie d'émanicipe a nou, d'être acteur dans ce pays-là, de vivre et travailler à La Réunion"
Frédéric Maillot, député
Des sanctions pénales encourues
Interrogé sur le sujet sur Réunion La 1ère, Me Frédéric Hoarau, avocat, rappelle la définition d'une discrimination. "C'est une distinction qui est faite, une inégalité qui est mise en place, pour défavoriser certaines personnes en fonction de critères comme leur origine, leur orientation sexuelle, mais aussi leur lieu de résidence", précise Me Hoarau.
Il assure qu'au niveau pénal, il peut y avoir des sanctions si l'infraction est constatée, tant pour les personnes physiques (de 3 ans à 45 000 euros d'amende) et pour les personnes morales, dont les sociétés (jusqu'à plusieurs centaines de milliers d'euros d'amende).
"Pour cette annonce, si elle favorise plutôt l'embauche de personnes extérieures à l'île, il peut y avoir discrimination par rapport à ceux qui habitent à La Réunion"
Me Frédéric Hoarau, avocat
Mais aussi des sanctions civiles
Par ailleurs, outre les sanctions pénales, l'avocat souligne qu'il y a aussi possibilité de sanctions civiles pour les auteurs de l'annonce. Des personnes résidant à La Réunion qui se seraient vues refuser ce même poste peuvent tout à fait saisir le conseil des prud'hommes et faire annuler la décision d'embauche de quelqu'un d'extérieur à l'île, au détriment d'un local.