Leucose bovine : La Réunion doit-elle rembourser les aides européennes ?

Des vaches reconnues contaminées par la leucose bovine à La Réunion ont bénéficié de subventions européennes. Des subventions qui auraient transité par la SICALAIT. La coopérative a été condamnée pour vente de bêtes malades. Qu'en est-il des subventions perçues ? Seront-elles remboursées ? Dossier.

L'histoire remonte au début des années 80. A l'époque, des vaches sont acheminées à La Réunion en provenance de l'Hexagone. Pour chaque animal, l'Europe verse une subvention à l'agriculteur. Enfin, au nom de l'agriculteur. Le mécanisme d'attribution des aides est un peu plus complexe dans la réalité. 

"Si la demande est faite au nom de l'éleveur, la somme est directement versée à la SICALAIT, après validation du dossier par la DAF" explique Annie-Claude Abriska. La présidente de l'ADEFAR, l'Association de DEFense des Agriculteurs Réunionnais, appuie ses propos avec un exemple précis.

Regardez le reportage de Réunion La 1ère :

VS Leucose bovine : La Réunion doit-elle rembourser l'Europe?

Des subventions transitant par la SICALAIT

Lorsqu'un éleveur souhaite faire l'acquisition d'un animal, il réalise une demande de subvention parallèlement sa demande de prêt à la banque. "Pour une génisse vendue à 2858 euros par la SICALAIT, l'éleveur perçoit une subvention de 500 euros. Cette somme est versée à la SICALAIT, qui la déduit du prix initial. Le reste à payer, 2358 euros, est remboursé à la banque dans le cadre de l'emprunt de l'éleveur, en fonction de sa production laitière" déclare Annie-Claude Abriska.

Les subventions européennes sont bien mentionnées sur les factures de la Sicalait adressées aux agriculteurs. Des subventions d'un montant de 500 euros par génisse, déduites du montant à régler à la coopérative.

Un mécanisme que les services de la Direction de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt affirment ignorer l'existence. Pour eux, les seules aides européennes dont ils ont connaissance sont l'ADMCA, l'Aide au Développement et au Maintien du Cheptel Allaitant. Elle est de l'ordre de 250 euros. L'autre subvention concerne la prime d'abattage d'un montant de 130 euros. 

Il a fallu 20 ans pour obtenir justice

Joseph Payet, agriculteur


Dans le cas de Joseph Payet, éleveur à Notre-Dame de la Paix, deux lots de génisses ont été achetées à la SICALAIT. Des vaches qui ont bénéficié des aides européennes.

Or, début juin 2021, la cour d’appel de Saint-Denis confirme le jugement rendu le 30 octobre 2019, reconnaissant la SICALAIT responsable de la contamination du cheptel de Joseph Payet par le virus de la leucose bovine.

Une victoire pour l'agriculteur après un combat de longue haleine. "Il a fallu 20 ans pour obtenir justice" confie-t-il encore marqué par des années pendant lesquelles "on nous a traité d'éleveurs incompétents". Il dénonce le fait que "des familles entières se sont engagées dans l'élevage en faisant confiance à la coopérative, avant de voir leurs vaches périr...".  

Annie-Claude Abriska, présidente de l'Adefar, et Joseph Payet, éleveur au Petit Tampon.

L'Europe en droit de demander des comptes

Le préjudice se chiffre à plus de 200 000 euros pour Joseph Payet. Aujourd'hui indemnisé, il espère que les responsables soient désignés et que la justice poursuive sur sa lancée. Son avocate, Maître Amel KHLIFI-ETHEVE, va plus loin. Elle estime que l’Europe serait en droit de réclamer le remboursement des subventions versées au titre de la politique agricole commune. 

"L'Europe a investi des sommes importantes pour le soutien d'une filière aujourd'hui marquée par un arrêté préfectoral interdisant le déplacement de bovin laitier. Toutes les vaches sont contaminées" déplore-t-elle en ajoutant que "tous les éleveurs laitiers devraient être indemnisés". 

La justice a déclaré la SICALAIT coupable d'avoir vendu des animaux contaminés par la leucose bovine. Cette décision du tribunal correctionnel du 30 ocotbre 2019, confirmée en appel en juin 2021, est encore difficile à accepter par la coopérative. Elle réfute l'idée de porter la responsabilité du fiasco sanitaire et économique de la filière laitière. La direction de la SICALAIT affirme que les vaches vendues par leurs services étaient saines : "la SICALAIT n'a jamais perçu 1 euro de la part de l 'Europe pour la vente de vache contaminée par la leucose".  

Reste à savoir si l'Europe, où ses mandataires, les collectivités Départementales et Régionales, iront plus loin en demandant des comptes aux acteurs chargés du développement de la filière laitière à La Réunion. Pour le moment, aucune démarche n'a été entreprise par les autorités, mais un remboursement des aides octroyées n'est pas à exclure.