Être artisan, en Chine

Travailler la terre, en Chine, au XXIème siècle, un art de vivre?

Dans la région du Yunnan, le village de Wayao signifie " Village du four à tuiles".
Il y a des lustres que l'on n'y fabrique plus essentiellement des tuiles de terre cuite!
Les potiers, qui sont parfois qualifiés de "maîtres",  se tournent plutôt vers la confection d'objets d'arts.
Une nouvelle génération emboite le pas des ainés. Avec la même conviction?
Nous nous sommes glissés dans les ateliers de poterie de Wayao, pour vous les faire rencontrer. 

Travailler plus, pour vivre plus ?

Maître Huang, dans son logis-atelier

C'est drôle comme cet "adage" me trotte dans la tête, en suivant Monsieur Huang Song Chi chez lui, ce jour-là...
Il faut louvoyer entre les pots de terre qui sèchent partout. Ses fils se sont arrêtés un petit instant pour manger un bol de nouilles, dans la cuisine envahie, elle aussi, par les pots en cours de fabrication. Ils sont partout, par terre, sur des étagères dans toutes les pièces de leur habitation.

Travailler à la maison, une évidence chez les Huang

Cinq terres

Cinq terres différentes sont nécessaires pour fabriquer les fameuses poteries de Wayao. Triées, tamisées, mises à tremper, les mêmes gestes sont effectués depuis 800 ans ici...

De la modestie

Monsieur Huang a passé sa vie dans la poterie, et se réjouit que ses fils fassent le même métier que lui. Le plus jeune fait naître en un tournemain de véritables œuvres d'art. Mais il hausse les épaules si l'on s'extasie.
Modestie feinte ou réelle?
Le marchand qui vend ses pots grimace quand nos éloges lui arrivent aux oreilles. Pas convaincu de son talent ? Pourtant, il ne manque pas de l'appeler "Maître" devant nous...

Pas question de dévaloriser la marchandise devant des acheteurs potentiels !
Mais de là à féliciter le maître, il y a un pas, que le marchand ne franchit pas…

L'amour du métier, par Monsieur Liang, vendeur de poterie

Alimentaire mon cher…

Chuencho Huing, potière, 20 ans :

Ça vous parait compliqué, mais pour moi c’est facile ! C’est pourquoi j’ai choisi de faire ça, parce que c’est facile, on se casse pas la tête !

Les pots à demi-secs sont peints de motifs à l'encre, qui sont ensuite évidés. Ils seront comblés par des terres de couleurs différentes, cuits et polis.

Suspicions et passions

Ça le tracasse Monsieur Liang, mon insistance pour aller voir son atelier à Wayao.
Je l’entends penser d'ici " Qu'est-ce que ces étrangers vont ENCORE raconter de la Chine?".
Parce que c'est connu (et confirmé par les interprètes...) les médias sont là pour "casser" le pays. Bon. Je ne m'attarderais pas plus sur les raisons du ressenti de la population que sur les arguments des journalistes.

Mais enfin, je ne suis pas un agent de la Commission de Sécurité et de l’Hygiène au travail !

Mais Monsieur Liang fronce les sourcils, terriblement, et a un air inquiet à chaque fois que je pose une question. Bigre.

Il ne se déridera qu'au moment de parler de l'art du thé, et des objets qui l’entourent.

Vous pourrez même l'entendre rire, et causer plaisir. Mais c'était aussi, après m'avoir fait passer une épreuve, comme je n'en n'avais encore jamais eue...

 

Une femme, Française

l a demandé comme ça à mon interprète, si je savais me servir d'un pinceau, Monsieur Liang.

La bougresse lui a dit avec culot que j'étais très douée. Du coup, le potier a insisté pour que je peigne un des pots.

Il sait que je vais le massacrer?

a été la seule réponse que j'ai été capable d'articuler, voyant qu'il ne plaisantait pas et qu'il ne passerait pas aux aveux, enfin, qu'il ne répondrait pas aux questions de mon interview, si je ne m’exécutais pas sur le champ!

Pas peur.

Selon les canons de la région, sur une face un dessin, sur l'autre, un texte.

Selon ses desiderata "quelque chose de français".

Selon mon interprétation, sur une face un profil de femme stylisé. Sur l'autre une signature " Madame je viens je viens pas". Comme le surnom donné au-président-de-la-France-au-moment-de-ce-reportage! En Chine, on appelait notre Président : « Monsieur je viens, je viens pas » : rapports à ses soubresauts de visite officielle...
Il vient, c'est promis. On s’entre-tue dans le pays, bon ben si c’est comme ça, il vient pas. Oui mais tous les autres chefs d'Etats viennent, alors il vient. Oui, mais sa dame n'est pas encore officielle, ça pose des problèmes de protocole, alors il vient pas. Le nom, lui, est resté.

Je signe...

Au fait, Monsieur Liang a adoré "la spontanéité de l'œuvre". Mouais.

A propos, vous auriez dessiné quoi, vous, de typiquement français?

Instantanés du monde à Wayao

En savoir plus sur la poterie fabriquée à Wayao, mais que l'on nomme "poterie de Jianshui"?
Passer un peu plus de temps avec les potiers, les vendeurs de pots et apprendre pourquoi une théière doit être nourrie, et mille autres subtilités d'un art de vivre en Chine?
Ecoutez "Instantanés du monde à Wayao"!