NRL : le groupement Vinci-Bouygues et la Région Réunion s’opposent devant le tribunal administratif de La Réunion

Le groupement Vinci-Bouygues réclame 971 millions d’euros à la Région Réunion. Au titre de surcoûts et impayés pour les travaux de la partie déjà construite de la Nouvelle Route du Littoral. Après l’échec de deux procédures amiables, c’est à la justice de trancher.

Ce mardi 17 septembre, La Région Réunion et le groupement Vinci-Bouygues, qui a réalisé les travaux de la première partie déjà construite de la NRL, se font face devant le tribunal administratif de La Réunion.

Experts et avocats vont opposer leurs chiffres et arguments pour fixer le montant des réclamations, faute d’accord trouvé entre les parties jusque-là. Deux procédures amiables ont déjà échoué, la justice doit donc trancher.

 

Une route à 3 milliards d’euros

La Nouvelle Route du Littoral a déjà coûté 2,5 milliards d’euros à la Région et à l’Etat. La facture devrait pourtant s’alourdir, et pourrait grimper au-delà des 3 milliards d’euros.

Les entreprises qui ont réalisé le viaduc, de Saint-Denis à la Grande-Chaloupe, réclament 971 millions d’euros supplémentaires, au titre des impayés et des surcoûts. Pour le groupement Vinci-Bouygues, il s’agit de couvrir le coût "réel" de la première partie de la NRL.

  

242 millions d'euros pour la digue côté Saint-Denis

Ce matin, le rapporteur public est revenu sur les demandes portant uniquement sur la digue côté Saint-Denis. Des travaux débutés en 2014 et pour lesquels le groupement réclame 242 millions d’euros, majoritairement pour compenser les difficultés d’approvisionnement en matériaux. Il s’agit là du dossier des roches massives qui n’ont pu être extraites faute de carrière, et qui ont été remplacées par des andains.

Selon Bouygues et Vinci, la Région n’a pas mesuré les besoins et les recours possibles. " Faux " répond la collectivité, pour qui l’approvisionnement n’est pas contractualisé.

Les constructeurs ont développé d’autres motifs dans leur recours. Certaines requêtes peuvent d’ailleurs surprendre, notamment lorsqu’elles impliquent un paramètre météorologique, telles qu’un million d’euros pour compenser les basculements de la Route du Littoral et même 2 millions d’euros à cause de la turbidité de l’eau qui freine la pose des tétrapodes.

 

Les conclusions de la rapporteure publique dans le sens de la Région

Ce n’est pas à la Région de payer pour les ratés dans l’extraction des roches massives. D’après la rapporteure publique, l’approvisionnement ne figure pas dans le contrat initial. La défaillance viendrait plutôt du groupement qui a pêché administrativement sur les demandes d’ouverture de carrières.

Sur les 242 millions de compensation demandés sur le tronçon digue MT5.1, la rapporteure publique ne préconise le paiement que de 175 000 euros par la Région pour des bretelles et des rampes d’accès au chantier. Une broutille pour le groupement, dont l’avocat dénonce, non sans amertume, un " déséquilibre dans l’instruction du dossier ".

Reste encore à aborder la partie la plus lourde financièrement, à savoir les 675 millions d’euros réclamés pour le marché du viaduc.  

 

L’héritage de l’ancienne mandature

Pour la Région Réunion, il s'agit de sommes extravagantes, qu'elle refuse de payer en dénonçant l’héritage laissé par l’ancienne mandature, sous la présidence de Didier Robert. Le Projet a été transféré par l’Etat à la Région en 2008, faisant de la collectivité le maître d’ouvrage.

Le choix a été fait, pour réduire le coût économique de l’infrastructure d’une solution comportant des digues et un grand viaduc. Un choix qui a entraîné des " difficultés importantes dans la conduite du projet, des retards et d’inévitables surcoûts ", estimait la Chambre Régionale des Comptes dans un rapport d’observation datant de décembre 2022.

 

Les alertes répétées de la CRC et du CESER

Selon la CRC, " la conclusion des marchés sur les digues, fin 2013 et fin 2014, n’aurait pas dû se faire sans que l’accès administratif aux carrières disposant des roches massives en quantité et qualité suffisantes pour la construction des digues n’ait été mieux anticipé et préparé ".

En octobre 2021, le CESER de La Réunion (le Conseil Economique, Social et Environnemental Régional) rappelait dans un rapport sur le chantier de la Nouvelle Route du Littoral, les multiples alertes lancées au Conseil régional depuis 2006 quant aux incertitudes, à la pérennité et au surcoût d’entretien du futur viaduc, ou encore sur l’approvisionnement en matériaux.

 

La route de tous les records

Il revient désormais au tribunal administratif de se prononcer, et de déterminer le montant des réclamations. Une somme à laquelle il faudra ajouter les 820 000 millions d’euros prévus, pour le moment, pour le second viaduc à construire entre la Grande-Chaloupe et La Possession.  

La Nouvelle Route du Littoral, longue de 12,3 km, battra alors tous les records en matière de coûts et de surcoûts. 

Le délibéré sera rendu le 22 octobre.