Le Centre pénitentiaire du Port et la maison d'arrêt de Domenjod tournent au ralenti. Les parloirs sont réduits. Seules les sorties pour la Cour d'Assises ont été autorisées. Et pour cause, les agents pénitentiaires de Domenjod maintiennent leur piquet de grève ce jeudi 16 mai.
Pour rappel, hier matin, le personnel des trois établissements pénitentiaires de La Réunion était déjà en grève. Il s’est mobilisé pour rendre hommage à leurs collègues normands, tués par balles dans le département de l’Eure. Une attaque au fourgon qui a fait deux morts et trois blessés le mardi 14 mai 2024.
"Les agents pénitentiaires n'ont pas de droit de grève"
"Même si les agents pénitentiaires n'ont pas le droit de grève, on s'octroie quand même ce droit, car la situation est plus que critique, souligne Samuel Fontaine, secrétaire local Ufap-Unsa. On est sous statut spécial. On risque des sanctions administratives, financières et même une procédure disciplinaire à l'issue de cette grève. Mais là, des agents pénitentiaires ont été tués par balles, donc notre métier est en danger. On se devait de marquer le coup et de dire stop à ce carnage".
Pour cette deuxième journée de mobilisation, au total, une quarantaine d'agents pénitentiaires ont maintenu le piquet de grève devant la prison de Domenjod.
Surpopulation carcérale : "575 places pour 815 détenus"
Cette mobilisation est également l'occasion pour l'intersyndicale de la fonction publique de tirer la sonnette d'alarme sur des problématiques qui existent depuis "trop longtemps" selon eux.
À La Réunion, la surpopulation carcérale est estimée à 150 %, d'après l’intersyndicale, composée des syndicats Ufap-Unsa et Force ouvrière Justice. Cette surpopulation engendre une série de dysfonctionnements.
Il faut savoir qu’on a 150% de taux d’occupation. Au total, à Domenjod, on a une centaine de matelas au sol. On a 575 places pour 815 détenus. La prison déborde. Actuellement, on travaille pour pouvoir mettre jusqu’à 4 détenus par cellule. La situation devient explosive.
Samuel Fontaine, secrétaire local Ufap-Unsa
Regardez le reportage de Réunion La 1ère :
"Violences, rackets, trafics et agressions"
Bientôt, on va passer à 4 détenus dans 10 m2 à peine. Donc, la problématique de cette surpopulation se caractérise par des violences entre les détenus, du racket, du trafic et à des agressions physiques envers le personnel, qui se retrouve impuissant face à la situation.
Vincent Pardoux, secrétaire général Force ouvrière Justice
Un manque de moyens
Selon l'intersyndicale, les centres pénitentiaires manquent de moyens. Hier encore, des individus ont introduit des colis dans le centre pénitentiaire de Domenjod.
Des phénomènes qui sont bien "trop récurrents" pour les agents qui peinent à gérer ce genre de situations.
On a eu six projections de colis venant de l’extérieur. Bien évidemment, à cause du manque d'effectifs, on ne peut pas tout contrôler. Ces colis sont remplis de téléphones, de drogues et notre crainte, c’est qu’un jour il y ait une arme qui passe à travers ces projections de colis.
Samuel Fontaine, secrétaire local Ufap-Unsa
Pas de structure spécialisée pour les cas psychiatriques
Une autre problématique majeure interpelle l’intersyndicale. Il s’agit de la non-prise en charge des détenus ayant des problèmes psychiatriques.
Ici, c’est un écran de fumée. Moi, j’appelle ça un hôpital de jour, autrement dit, une maison de repos. Il faut que le détenu soit volontaire et autonome dans sa prise de médicaments. Mais ce n’est pas ce qu’on attend. Ici, on a besoin d’une structure pour les détenus ingérables. La majorité des dernières agressions qui ont eu lieu à La Réunion et à Mayotte sont dues à des cas psychiatriques.
Alexandre Vissouvanadin, secrétaire général Ufap-Unsa Réunion Mayotte
L'intersyndicale réclame la création de l'UHSA à La Réunion
À La Réunion, tout comme ailleurs en Outre-mer, "il n'y a pas d'unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA), précise Samuel Fontaine. Donc, on réclame la mise en place d'une UHSA, c'est indispensable à ce stade".
La Réunion est le parent pauvre, tout comme l’Outre-mer en général, puisqu’on n’a pas d'UHSA. (En d'autres termes, des établissement public de santé prenant en charge des personnes détenues nécessitant des soins psychiatriques en hospitalisation complète - NDLR). Pourtant ce type de profil foisonne au sein des centres de détention.
Samuel Fontaine, secrétaire local Ufap-Unsa
Vers un durcissement de la mobilisation ?
Les représentants de l’Outre-mer présents dans les négociations en cours sont déterminés à durcir le mouvement dans le territoire, quitte à prendre la décision de maintenir le piquet de grève pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines si la situation ne se décante pas.