En janvier 2019, l'atelier carburant a été créé, au sein de l'OPMR. Cette mission, considérée comme un contrôle citoyen, formée de deux représentants de la société civile, deux membres d'association de consommateurs et deux représentants syndicaux, s'est donnée pour objectif de faire le point sur la fixation du prix des hydrocarbures, incluant les coûts et les marges, et de connaître, in fine, l'utilisation des diverses taxes payées par les consommateurs. Un rapport est né de ces consultations et plusieurs propositions ont été faites pour améliorer le pouvoir d'achat des réunionnais.
Des solutions qui ne touchent pas aux prix à la pompe
Jocelyn Cavillot, membre de l'OPMR et animateur de l'atelier carburant tient à le préciser, certaines des idées formulées dans le rapport publié ce vendredi 31 juillet 2020 ne toucheront pas directement aux prix pratiqués à la pompe. Dans les faits, le consommateur lambda ne verra pas de différence lorsqu'il fera son plein à la station. Mais le bénéfice peut être ailleurs.
Par exemple, au niveau des carburants alternatifs. Proposé en métropole, l'éthanol n'est pas vendu à La Réunion car "ce n'est pas possible" selon les opérateurs. L'atelier carburant demande ainsi la construction de cuves permettant aux consommateurs d'avoir aussi accès à ce type de carburant.
En ce qui concerne la contribution écologique, qui rapporte chaque année près de 30 millions d'euros par an, l'atelier préconise que cette fiscalité reste à La Réunion et soit utilisée au profit des ménages réunionnais, notamment dans l'achat de véhicules électriques ou hybrides.
Jocelyn Cavillot, membre de l'OPMR et animateur de l'atelier carburant interrogé par Indranie Pétiaye :
rapport carburant itw cavillot
Toujours concernant la fiscalité, la taxe sur les carburants à La Réunion rapporte près de 300 millions d'euros chaque année. Une manne financière redistribuée, à hauteur de 250 millions d'euros, à l'ensemble des collectivités de l'île pour qu'elle soit investie dans le domaine du transport. Or, aujourd'hui se pose la question de l'utilisation de cette enveloppe budgétaire. L'atelier carburant demande plus de transparence, mais surtout la création d'une entité qui bénéficierait de l'ensemble de cette taxe pour mettre en oeuvre une politique de transport collectif sur l'ensemble du département, et non plus par micro-régions comme c'est le cas aujourd'hui.
Autre cheval de bataille de l'atelier, la différence de taxation entre le gazole et l'essence, cette dernière coûtant plus cher alors que le gazole est présentée comme plus nocif. Le rapport demande un rééquilibrage de la fiscalité entre les deux carburants.
La fin du monopole de la S.R.P.P, Société Réunionnaise de Produits Pétroliers, est aussi requise. Gérant le stockage et le passage des carburants dans l'île, c'est elle qui fixerait les conditions d'implantation d'un nouvel opérateur potentiel dans le département. Pour l'atelier carburant, il serait souhaitable que des collectivités publiques intègrent le capital de la S.R.P.P, cela afin "que l'intérêt général soit un peu plus pris en compte".
Jocelyn Cavillot, membre de l'OPMR et animateur de l'atelier carburant interrogé par Indranie Pétiaye :
RAPPORT CARBURANT ITW OPMR
L'atelier préconise aussi dans son rapport plus de transparence sur la qualité des carburants vendus. Jusqu'à présent, ce sont les pétroliers qui effectuent les contrôles. Un intervenant extérieur, en provenance des services de l'Etat ou d'un service agréé, est recommandé, cela afin de rassurer le consommateur.
Des pièces manquantes pour une meilleure visibilité
L'atelier carburant pointe du doigt, dans son rapport, l'opacité entourant la juste rémunération des pétroliers et des stations-services. Selon Jocelyn Cavillot, on leur rétorque que les prix à La Réunion restent de toute façon inférieurs à ceux de l'Hexagone. Mais pour l'animateur de l'atelier carburant, il ne s'agit là que d'une question de fiscalité. Si elles étaient identiquement appliquées, les prix à La Réunion seraient 20 à 30 centimes plus chers que ceux de l'Hexagone.
A titre de comparaison, au niveau des marges, dans la composition du prix de vente à la pompe entre La Réunion et l’Hexagone, l'atelier note un différentiel de marge brute qui s’établit à +10 centimes en moyenne (21-11). De même le différentiel de taxe s’établit à -18 centimes (94 - 76) sur l’essence, et - 40 centimes (85 - 45) sur le gazole.
Egalement, en terme de concurrence, à La Réunion, environ 75% des stations-services appartiennent aux pétroliers. L'atelier demande ainsi une séparation complète, ce qui impliquerait que les pétroliers ne puissent pas être propriétaires de stations-services et les mettre en location-gérance. Autre proposition faite, que le législateur ait un droit de regard sur les locations-gérances, ce qui permettrait de mieux appréhender la réalité de la rémunération des pétroliers et des stations-services en location-gérance. Une idée que désapprouvent les principaux intéressés précise Jocelyn Cavillot.
Le prochain chapitre
Maintenant que le rapport a été publié, la prochaine étape pour les membres de l'atelier carburant de l'OPMR c'est de rencontrer les parlementaires locaux afin de discuter des modifications de la loi, nécessaires à la mise en place de certaines de ces préconisations. Certaines pourraient être effectives assez rapidement si chacun y met de la bonne volonté indique Jocelyn Cavillot.
Autre rencontre attendue, celle avec le ministre des Outre-mer. Les membres de l'atelier carburant espèrent avoir l'opportunité de discuter de ce rapport de synthèse et des propositions qui en découlent avec Sébastien Lecornu lors de sa venue dans le département la semaine du 17 août prochain.
L'ensemble du rapport de synthèse des travaux de l’atelier carburant mis en place suite aux manifestations dites des « Gilets jaunes » à lire ci-après: