Pêcheurs de bichiques, une tradition transmise de génération en génération à La Réunion

La pêche des bichiques est une tradition qui se transmet de génération en génération à La Réunion.
Fructueuse par le passé, la pêche des bichiques est désormais réglementée pour préserver une ressource devenue rare. Une réalité dont se soucient les pêcheurs, qui de génération en génération essaient, aussi, de préserver la tradition.

A La Réunion, la pêche des bichiques est désormais ouverte de septembre à février. Mais si la saison est en cours, elle n’est pourtant pas bonne.

Hier, mardi 17 janvier, les pêcheurs de la Rivière du Mât ont pris à peine 3 kg d’alevins. Toute la nuit, des deux d’entre eux sont restés au bord du canal pour surveiller, dans l’espoir d’une belle montée.

Regarder le reportage de Réunion la 1ère :

Les conditions sont propices pou ke bichik i monte. Reportage au petit matin avec les pêcheurs de l’Est

 

La lune pour repère

La pêche est autorisée entre 6h et 18h. Mais pour que celle-ci soit possible, il faut que les conditions soient réunies pour que les alevins des cabots bouches rondes puissent profiter d'une vague favorable pour s'engouffrer dans les canaux et remonter la rivière. La lune en est la principale, son cycle plus particulièrement.

L’observation du premier quartier de lune donne le signal. Les pêcheurs se rendent à la rivière pour "arranger le canal ", et ainsi permettre une montée facilitée des bichiques.

L’état de la mer est un autre élément à considérer, tout comme le vent, ou encore le niveau de l’eau. Pour qu’une montée de bichiques se produise, il faut donc du vent mais pas d’Est, une mer "pas trop forte", et pas de baleines qui en sont friandes, raconte Patrick, pêcheur à la Rivière du Mât.

Un canal à l'embouchure de la rivière du Mât, à Saint-André.

La pêche aux bichiques, une affaire de famille

Il remplace son beau-père, aujourd’hui décédé. La pêche aux bichiques se transmet de génération en génération. N’est pas pêcheur de bichiques qui veut, il faut faire partie d’une association pour "rentrer dans un canal". A la Rivière du Mât, on compte ainsi 19 pêcheurs d’un côté et 36 sur l’autre berge.

Patrick a appris à pêcher les bichiques, mais aussi à préserver cette ressource. Il explique ainsi que parmi les différents canaux de la rivière, certains restent "libres". La pêche n’y est pas pratiquée, le canal en question sert en effet à la reproduction. Les alevins peuvent ainsi remonter librement la rivière pour se reproduire plus haut.  

La ressource se raréfie

Aujourd’hui, les bichiques se font rares. Il y a 22 ans de cela, ils se pêchaient par dizaines de kilos, de 60 à 100 kilos, explique Alain, pêcheur de 75 ans. Il se souvient d’une époque où les bassins en bord de mer étaient plein d’alevins. En y plongeant les pieds, il ne pouvait que marcher sur des bichiques. La pêche était alors excellente.

Depuis 2 ans, une réglementation a été mise en place pour la préservation de la ressource justement. La pêche n’est désormais autorisée que 6 mois dans l’année, interdite de mars à août. Une mesure plutôt bien accueillie par les pêcheurs soucieux de préserver la ressource.

Dans les Hauts, les populations de loches, de bouches rondes ou encore de poissons plats ont augmenté, constate Jacquelin Fleuricourt, président de la Fédération des pêcheurs.

Un environnement en évolution

L’augmentation de la démographie et de la pression qu’elle fait peser sur le milieu naturel, ou encore les produits utilisés dans les Hauts qui descendent les rivières, sont davantage responsables de la diminution des bichiques, que la pêche en elle-même, estime Patrick. Pour le pêcheur, le braconnage des bouches rondes dans les Hauts est aussi à prendre en considération.

Dans les Bas, les bassins ont disparus, certaines espèces de poissons, comme les bouches rondes ou les loches vont directement à la mer. Les bassins servaient de "zone tampon", permettant aux canaux de rester propres, explique Patrick. Des espèces, comme les crevettes, loches ou encore anguilles, s’y trouvaient également. La pêche était alors plus fructueuse.

Difficile désormais d’entrevoir un avenir radieux pour la pêche des bichiques, selon Patrick. Désormais, la pratique est devenue une distraction, une tradition transmise de génération en génération.