Le conseil communautaire de la Cirest a approuvé ce jeudi 13 mars l'attribution à la Cise du marché de l'eau potable et de l'assainissement jusqu'à 2037. La filiale du groupe Saur, qui était déjà gestionnaire pour les communes de Saint-André, Saint-Benoit et Salazie, voit ainsi ses missions s'étendre sur l'ensemble du territoire de l'intercommunalité.
Mais ce marché à plus de 210 millions d'euros est à l'origine d'un bras de fer politique entre le maire de Saint-Benoit et président de la Cirest Patrice Selly et Joé Bédier, son homologue à Saint-André.
"Des interrogations quant à la légalité et la pertinence du marché"
Ce dernier a d'ailleurs annoncé avoir saisi le parquet de Saint-Denis, "sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale", suite à "de sérieuses interrogations quant à la légalité et à la pertinence de ce marché d’envergure pour l’Est".
En clair, il est question de soupçons de favoritisme. Un non-sujet pour Patrice Selly, qui était l'invité de Gran Matin, la matinale de Réunion La 1ère radio. "Il (Joé Bédier, NDLR) a saisi la justice et la justice lui dira s'il a raison ou pas de dépenser l'argent des Saint-Andréens dans cette procédure", répond le président de la Cirest.
Regardez cet extrait de l'interview de Patrice Selly sur Réunion La 1ère :
Un seul candidat en lice pour un marché à 210 millions d'euros
"Le conseil communauté a adopté et approuvé à la majorité hier soir cette délégation de service public parce que toutes les réponses ont pu être apportées sur les interrogations concernant la procédure", répond encore Patrice Selly.
Parmi les interrogations évoquées lors du conseil, celle du délai de consultation accordé aux candidats pour cet appel d'offres. L'opposition estime qu'il était trop court mais pour Patrice Selly, la Cirest est au contraire "allée au-delà des délais habituels", avec des délais "de plus de 60, voire même 80 jours", alors que le seuil minimum légal est de 25 jours.
Un seul candidat en lice après le désistement de Runéo
C'est en tout cas cette question du délai qui a finalement conduit le candidat Runéo, filiale de Véolia, à se désister, alors que Stéphane Laurent, son directeur général, avait demandé un report de deux mois par courrier, le 2 septembre 2024, comme l'indiquent nos confrères du Quotidien de La Réunion.
La Cise s'est ainsi retrouvée seule en lice pour ce marché. Lors du conseil communautaire, Laurent Jean-François, le directeur de l'eau et de l'assainissement à la CIrest, a néanmoins précisé que plusieurs avancées ont été obtenues lors de la phase de négociations avec le gestionnaire, avec une révision de la facture de l'ordre de "plusieurs dizaines de millions d'euros".
Vers une augmentation du prix de l'eau ?
Reste malgré tout la question du porte-monnaie pour les abonnés. "Le prix de l'eau n'augmente pas pour l'instant", indique Patrice Selly. "La tarification de l'eau n'était pas à l'ordre du jour du conseil", défend le président de la Cirest qui ajoute qu'il reviendra à l'ensemble des élus de trancher le moment venu.
Mais comme l'indiquent nos confrères du Quotidien, la redevance annuelle au concessionnaire, qui ne représente qu'une partie de la facture, devrait arriver au tarif unique de 44 euros d'ici 2037.
Ce qui constituera une baisse pour les abonnés de Saint-Benoit ou de Salazie, mais bel et bien une hausse pour ceux de Saint-André, Sainte-Rose et la Plaine des Palmistes.
L'opposition ferme de Joé Bédier
Dans un communiqué, Joé Bédier et sa majorité font part de leur "opposition ferme à toute augmentation du prix de l’eau pour les habitants de la commune", qui plus est "sans aucune contrepartie liée à l’amélioration de la qualité de service".
L'élu estime qu'il est "inacceptable que les dérives financières de la Cirest soient répercutées sur le contribuable Saint-Andréen".
Comment financer les investissements structurels à venir ?
De son côté, Patrice Selly estime qu'une augmentation est inévitable. "La question de la hausse des tarifs engage la question des investissements à venir pour l'eau potable et l'assainissement collectif sur le territoire de la Cirest", argumente-t-il.
"Tout le monde a vu qu'il y avait des difficultés autour de ces sujets avec un manque de ressource et des rendements de ressource qui ne sont pas suffisants et donc énormément de chantiers à mener", résume Patrice Selly.
Les engagements de la Cise pour l'amélioration du réseau
"Pour pouvoir mener ces chantiers, il faudra un budget et pour avoir le budget nécessaire, il faudra peut-être une hausse des tarifs même si ce n'est pas ce qui a été décidé aujourd'hui, insiste l'élu. Le moment viendra dans quelques jours et ce ne sera pas à moi seul de le décider. Ce sont les 48 élus de la Cirest qui décideront collectivement de ces investissements".
S'agissant de la délicate question de l'amélioration du réseau, la Cise s'engage à investir 9,1 millions d'euros, dont 8,3 millions pour l'eau potable, sur la durée du contrat. Le gestionnaire entend optimiser les rendements avec un objectif affiché de 4 millions de mètres cubes économisés par an au terme du contrat.