Thibaut, 20 ans et porteur de troubles DYS, raconte comment l'absence d'AESH a impacté ses études

Thibaut Toison, 20 ans, a décidé de ne pas poursuivre son cursus au sein de l'Education nationale
180 postes d'AESH vont être créés à La Réunion, a annoncé Gabriel Attal. Chaque jour, ces accompagnants d'élèves en situation de handicap épaulent ces jeunes dans leur scolarité. Mais quand il en manque, les conséquences se font vite ressentir. Exemple à Saint-Benoît avec Thibaut Toison, 20 ans, qui n'entamera pas sa deuxième année de BTS à la rentrée.

Le mercredi 17 août, dès son arrivée à La Réunion, le ministre de l'Education nationale Gabriel Attal a entamé la visite par quelques annonces. Notamment celle de la création de 180 postes d'AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap) dans l'académie de La Réunion, où près de 8 000 jeunes scolarisés sont en situation de handicap, selon les chiffres de cette rentrée 2023. 

Pour le ministre de l'Education, il s'agit là d'une "dotation inédite", sur une académie où, dit-il, le nombre d'AESH a augmenté de 73% en six ans. Mais le nombre de jeunes en situation de handicap aussi, puisque pour cette rentrée, ils sont 9% de plus par rapport à 2022. 

Des personnels essentiels aux élèves porteurs de handicap 

Ces personnels sont essentiels à la réussite scolaire de ces élèves en situation de handicap, en les aidant au quotidien. Thibaut Toison, 20 ans, en sait quelque chose. En début d'année scolaire l'an dernier, l'accompagment par un AESH a cruellement manqué au jeune homme atteint de troubles spécifiques du langage et de l'apprentissage - ou troubles DYS -, au point d'abandonner ses études au sein de l'Education nationale.

Regarder le reportage de Réunion La 1ère : 

Thibaut, 20 ans et porteur de troubles DYS, raconte comment l'absence d'AESH a impacté ses études

"Ça l'a atteint"

Après son baccalauréat, Thibaut a entamé une première année de BTS Etude et réalisation d'agencement. Une année qui aurait pu très bien se dérouler, comme les précédentes. "Ça a toujours roulé pour lui jusqu'au bac, mais passer à l'étape supérieure ça a été compliqué, et ça l'a atteint", commente son père, Jean-Claude Toison, également président de l'association Dys-semblable. 

Pas d'AESH tout le premier trimestre

Tout le premier trimeste de la précédente année scolaire, Thibaut n'a pas bénéficié d'accompagnant. "J'étais au bord de la dépression parce que c'était très complexe", se rappelle le Bénédictin, qui a tout de même fini son année, mais "pas sans séquelles", commente son père Jean-Claude. "Ça a été dramatique au départ, on a été obligés de repartir à la case psychologue", poursuit-il.

Des enseignants peu formés 

Car certains professeurs n'ont pas forcément fait preuve de toute la bienveillance nécessaire face au handicap de Thibaut, souligne-t-il. Au-delà des AESH, il manque aussi d'enseignants spécialisés, ou même suffisamment formés à la prise en charge de ces élèves, dans l'académie. 

Une problématique que Jean-Claude Toison avait déjà évoqué avec le précédent ministre de l'Education nationale, Pap Ndiaye, lors de sa visite à La Réunion en septembre 2022. 

Des difficultés qui persistent malgré les changements de ministre

Mais les ministres se suivent et se succèdent sans que le message soit entendu, considère le président de Dys-Semblable, qui dit rencontrer chaque année des difficultés, notamment dans les remontées d'informations sur les handicaps des élèves aux enseignants. 

"Dans l'Education nationale, à chaque rentrée c'est un combat pour que les dossiers soient transmis d'un établissement voire d'une classe à l'autre, c'est très complexe" 

Jean-Claude Toison, président de l'association Dys-Semblable

Formation infographiste à l'AFPAR 

Quant à Thibaut, visiblement refroidi par ces obstacles dans son cursus à l'Education nationale, il a choisi pour la suite d'intégrer l'AFPAR dès octobre, où il suivra une formation d'infographiste. Un projet qui satisfera les ambitions qu'il nourrit pour sa carrière professionnelle : devenir infographiste 2D voire 3D, pour pouvoir créer des jeux vidéos, une de ses passions. "Quand je vois un jeu vidéo qui est beau, je pleure devant", sourit Thibaut Toison. Et pourquoià pas, un jour, créer un jeu vidéo pour sensibiliser aux troubles DYS à l'école.  

2 700 AESH dans l'académie Réunion

La situation de Thibaut n'est pas inédite : selon les syndicats, les 2 700 AESH que compte actuellement l'académie de La Réunion sont loin d'être suffisants, quand cette dernière compte près de 8 000 élèves en situation de handicap. 

"Na moin d'un an de ça, le ministre Pap Ndiaye avait annoncé 200 AESH pour le territoire de La Réunion, et c'était déjà en dessous de la demande des syndicats qui était à 2000 AESH. (...) Moins d'un an après, nou appren que na seulement 180 postes d'AESH attribués à La Réunion. Nou progresse pas, lé pas bon", constatait le député Frédéric Maillot, présent au rectorat mercredi pour les annonces de Gabriel Attal. 

"On a créé un nouveau service public"

Mais pour ce dernier, présent ce jeudi matin à l'école primaire Joliot-Curie de La Possession, beaucoup de progrès ont été fait sur le sujet ces dernières années.

"On a créé un nouveau service public. Cette année j'ai annoncé la création à cette rentrée de 180 postes, les années précédentes c'était 90 postes et c'était déjà beaucoup, là je double"

Gabriel Attal, ministre de l'Education nationale

Rendre le métier d'AESH moins précaire 

Le défi à relever, selon lui, est désormais de rendre le métier d'AESH "moins précaire", notamment avec des contrats de meilleure qualité et une rémunération plus élevée. Leur salaire sera d'ailleurs revalorisé dès septembre prochain, comme voté par le Parlement précédemment. "Dernier sujet, c'est la question de la durée du temps de travail : on doit arriver à trouver des solutions pour leur permettre de faire un temps plus complet et améliorer encore leur rémunération", commentait ce jeudi matin le ministre. 

Toujours dans la thématique de la prise en charge du handicap à l'école, le ministre de l'Education nationale a hier annoncé la création de 16 classes ULIS (Unité localisée pour l'inclusion scolaire) supplémentaires, et la création d'Unités d’enseignement Autisme en maternelle et en élémentaire.