En mai dernier, le ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire avait annoncé le renforcement du plan de soutien à l'agriculture biologique, soit une enveloppe de 60 millions d'euros pour soutenir les exploitations en difficulté.
Car ces dernières années, avec l'inflation notamment, la consommation de bio n'a fait que diminuer en Hexagone comme à La Réunion. Une crise que les exploitations biologiques tentent de traverser tant bien que mal, malgré les pertes économiques importantes.
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Le bio, "un travail de passion"
Dans les hauts de Saint-Leu, Anna Tornel, des "Jardins d'Anne", exploite une 8 000m2 de surface agricole, uniquement plantée de productions bio : tomates, divers aromates, brèdes, safran, grenadines... Une activité qu'elle mène seule. "Un travail de passion", dit-elle.
"Le bio c'est une passion, mais c'est aussi pour l'avenir, créer un monde meilleur pour nos enfants et pour la nature. La terre c'est notre mère, on ne va pas l'abîmer. Mais c'est quand même beaucoup de travail car les herbes poussent beaucoup trop vite, plus vite que les légumes".
Anna Tornel, agricultrice bio
Un flottement depuis le Covid
Ce travail-passion est d'autant plus contraignant que le bio nécessite "beaucoup de soins, de passages au champ tous les jours". Un investissement important qui n'est pourtant pas à la hauteur des revenus. "On n'est pas assurés chaque semaine de vendre notre production. Depuis le Covid il y a un flottement, les gens consomment moins de bio qu'avant. Que ce soit à La Réunion ou en métropole, le bio est en crise : les circuits d'écoulement se sont effondrés", constate Anna Tornel.
"Les gens se disent : c'est la fin du monde, autant manger des pâtes !"
Anna Tornel, agricultrice bio
Un chiffre d'affaires en baisse constante
Résultat : alors qu'elle compte 18 clients dans son portefeuille, cette semaine, elle dit n'avoir eu "que six commandes". Son chiffre d'affaires a baissé de 30%, progressivement, sur les trois dernières années, selon ses estimations.
Des aides publiques salvatrices
Alors ces dernières années, ce sont les subventions publiques qui lui ont permis de tenir le coup. Elle observe d'ailleurs une augmentation de ces aides dernièrement. "Ça va mieux, ça permet d'envisager aussi de pouvoir payer de la main d'oeuvre", se réjouit celle qui travaille seule sur sa parcelle et ne peut produire plus pour augmenter ses revenus.
"Il est vraiment important d'être au courant des subventions parce que c'est ça qui va nous faire tenir le coup pour les années à venir. Le travail est difficile et physique et on a besoin de se sentir soutenus par les institutions agricoles comme la chambre d'agriculture, la DAAF, le Département... Quand on sait qu'à la fin du mois il ne va rien rester, on a besoin d'avoir une assise."
Anna Tornel, agricultrice bio
A l'heure actuelle, ses revenus agricoles additionnés à l'argent des subventions publiques lui permettent d'acheter les fournitures nécessaires à son activité. A côté, Anna Tornel perçoit le RSA.
Des difficultés sur le plan comptable
Toutefois, tous ces agriculteurs bio, exerçant souvent en micro-entreprise, n'ont pas les moyens de monter les dossiers nécessaires à la demande de subvention. Si de l'argent est bel et bien débloqué par l'Etat, ils sont loin de pouvoir tous y prétendre, explique Herman Hosteing, le président du Groupement des agriculteurs biologiques de La Réunion (GAB).
Des bilans requis pour les dossiers
De un, il faut du temps, de deux, il faut de l'argent. Et souvent, ils n'ont ni l'un ni l'autre : ils sont occupés sur leur terrain toute la journée et ne peuvent recenser tous leurs achats et reventes effectués, et ils n'ont pas de quoi employer un comptable. Or, c'est un comptable qui doit réaliser ce bilan à l'aide de toutes les factures de l'agriculteur.
"Pour avoir cette aide il faut un RIB, la certification biologique, un bilan comptable de 2018 mais aussi de 2021-2022 afin de constater s'il y a eu 20% de perte de chiffre d'affaires. Ce qui implique d'amener toutes ses factures à un comptable. Sur un marché forain ou un marché de producteurs par exemple, il n'y a pas de facture", souligne le président du GAB.
"Tous les agriculteurs en micro-entreprises ne peuvent pas payer un comptable et justifier de tous leurs achats et ventes"
Herman Hosteing, président du Groupement des agriculteurs biologiques de La Réunion
Deux comptables pour les adhérents au GAB
Selon Herman Hosteing, il faudrait débourser "de 300 à 1 200 euros par dossier" pour s'offrir les services d'un comptable. C'est pourquoi le président du Groupement des agriculteurs biologiques de La Réunion a cherché une solution pour ses adhérents. Désormais ils pourront faire appel à deux comptables travaillant avec le groupement : l'un dans le Sud, l'autre dans le Nord. Un service qu'ils ne paieront au comptable que lorsqu'ils recevront les aides publiques demandées.