Il y a des centaines d'années, les plages de l'Ouest avaient une toute autre apparence : pas de filaos, ni de cocotiers. Mais plutôt des plantes rampantes, puis, plus loin, une grande variété d'arbustes : patates à durand, maniocs marron, veloutiers de bord de mer... Et encore plus loin, à une cinquantaine de mètres d'altitude, une forêt semi-sèche qui inclut des arbres comme la saliette, le pandanus, le benjoin, le vacoa ou le latanier.
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Non seulement, ces végétaux abritaient des insectes pollinisateurs, mais surtout ils étaient utiles pour éviter l'érosion du sable, souligne Daniel Lucas, directeur du conservatoire et jardin de Mascarin. C'est pourquoi depuis 1995, le Département et le Conservatoire botanique de Mascarin replantent les végétaux indigènes dans le cadre de l'opération "Un million d'arbres".
Des racines et feuillages qui limitent la perte du sable
Cette flore de l'arrière-plage est "utile pour éviter une trop grande érosion du sable grâce aux racines des patates à durand par exemple, et aux feuillages et racines des autres arbustes qui vont permettre d'atténuer le choc et l'impact des vagues sur la plage", explique Daniel Lucas.
Des semences identifiées et tracées
Sur le littoral de Saint-Leu par exemple, toute une zone a bénéficié de cette opération, et depuis 28 ans, la forêt n'a cessé de se densifier, naturellement : aucune irrigation n'est amenée.
"On a fait un gros travail avec le conservatoire botanique de récolte de semences sur le terrain, avec un souci de traçabilité. On a pour obligation de bien mentionner d'où les semences sont issues et ce qu'elles vont devenir ensuite"
Daniel Lucas, directeur du conservatoire et jardin de Mascarin
Des semences à nouveau utilisées pour d'autres opérations de plantation
"Le but c'est aussi de pouvoir utiliser cet espace, qui maintenant se régénère naturellement, pour récolter des graines et des plantules pour les remettre dans leurs milieux naturels dans le cadre d'opérations de plantation", poursuit-il.
Si tous ces végétaux sont fichés, c'est pour éviter des erreurs de culture et respecter les zones écologiques de chaque espèce. Car une plante trouvée à Saint-Philippe ne sera pas forcément adapté au littoral de Saint-Leu par exemple.
Une végétation indispensable au retour des tortues à La Réunion
Autre élément déterminant qui a motivé la replantation dans ces zones, c'est la découverte par Kelonia et des chercheurs italiens en 1998 que les tortues marines se repéraient grâce à leur système olfactif, et ce dès leur première inspiration. La végétation endémique des plages était donc indispensable à leur retour sur nos plages pour la période de ponte.
"Toutes ces essences vont générer des odeurs qui vont se mélanger, être entraînées par les vents vers la surface des océans. La tortue, qui respire par des poumons, lorsqu'elle va monter en surface pour respirer, perçoit ces odeurs. Si elle est en période de reproduction, elle va revenir à la source des ces odeurs, sur des plages de sable corallien asses fin, propices à la ponte"
Stéphane Ciccione, directeur de Kelonia
50 centimètres de sable en plus
Naturellement, la plage devant la ferme des tortues Kelonia - plage pilote - a bénéficié d'opérations de plantation au cours des années, pour lutter contre l'érosion d'une part, et d'autre part pouvoir accueillir à nouveau la ponte des tortues. Les résultats sont parlants : en 25 ans, le niveau de sable s'est élevé de 50 centimètres à cet endroit.
"Le sable, quand il y a du vent, est piégé entre les feuilles : au lieu de partir loin derrière, il va constituer des dunes qui vont faire un littoral beaucoup plus résilient face à l'érosion marine".
Stéphane Ciccione, directeur de Kelonia
"On nous prenait pour de doux rêveurs"
"Il restait 0,01% de la végétation littorale indigène sur la côte ouest. Elle avait complètement disparu, remplacée par des cocotiers et des filaos", se souvient Stéphane Ciccione, directeur de Kelonia. Alors en 1999, décision est prise de démarrer une opération de revégétalisation.
"On a démarré sur la plage devant Kelonia, lors de chantiers participatifs avec les écoles notamment, et en 2004, une tortue est venue pondre sous ce veloutier qui faisait à peine 50 cm de hauteur. Ca nous a permis de donner de l'ampleur à ce programme, parce qu'on nous prenait pour des doux rêveurs. (...) Depuis, on a cinq femelles qui sont venues pondre à La Réunion, dont deux sont revenues sur plusieurs saisons de ponte successives"
Stéphane Ciccione, directeur de Kelonia
Un écosystème de retour
Cette végétation ramenée sur le littoral permettent également le retour d'autres espèces telles que les papillons blancs, noirs et rouges, les abeilles mellifères, les margouillats de plage, les oiseaux à lunettes, des crabes et bernard-l'hermites. "On a tout un écosystème qui se crée à partir de ces plantes qu'on a réintroduites", se réjouit Stéphane Ciccione.